Début 2013 l’inénarrable et incorrigible Filthy Frank (ou Pink Guy) fait le buzz mondial avec sa vidéo de danses débridées sur le morceau « Harlem Shake » de Baauer. Cinq ans plus tard, terminées les pitreries sur la toile, rebaptisé Joji, il se réinvente radicalement, devient le fer de lance du label 88rising et publie son premier album Ballads 1, entre abstract hip-hop et R’n’B mélancolique, d’où sont extraits plusieurs singles toujours accompagnés de vidéos aux univers visuels très forts, comme l’imparable « Slow Dancing in the Dark » (plus de 65 millions de vues).

Nous avons rencontré George Miller AKA Joji, à la fois vidéaste, humoriste, Youtubeur, chanteur et producteur australo-japonais devenu un génie de la pop avec ses mélopées R’n’B planantes lors de sa première tournée européenne en tant que tête d’affiche.

photos Ecoute Chérie – style Noemie Beltran – assistante style Swati Thakur – grooming @ Khela (remerciements La Montgolfière) – chemise Givenchy – pull Missoni – pantalon Carhartt Wip – bottes APC

Retrouvez l’intégralité de l’interview et du shooting mode de Joji dans le dernier numéro de Modzik #58 en vente ici.

Ta signature musicale est un savant mélange de divers styles et univers sonores, quels sont-il ?
Je dirais qu’on y trouve des éléments de R’n’B, une écriture assez pop dans les structures, des textures sonores provenant de la musique électronique, un travail sur les rythmiques, quelques riffs de piano, des grooves nonchalants, des chœurs de falsetto… et certainement d’autres composantes dont je ne suis même pas conscient !

Ton premier album solo est une collection de ballades, ce qui n’est pas la manière la plus aisée de se faire connaître. Pourquoi ce choix délibéré de style ?
Je pense que tout un chacun aime faire la fête, mais ressent également une certaine tristesse lors de moments plus solitaires. Tout le monde est partagé par cette dualité. L’inspiration m’est venue naturellement par ce type de sentimente et j’ai fait la musique qui me semblait la plus évidente. Peu importe la classe sociale, le groupe ou le milieu, chacun connaît des peines d’amour à un moment de sa vie. Si la musique ne parvient pas à vous toucher, cela reste du son. Bien sûr, il existe divers niveaux de peines. Personnellement, on ne m’a jamais brisé le cœur – ou peut-être que si (avec un regard malicieux). Je préfère ne pas en parler, mes chansons sont aussi faites pour cela.

Ton album ne traite pas seulement du sentiment amoureux…
Oui, par exemple « Attention » parle du fait de rechercher l’attention d’autrui, de ressentir le besoin d’être écouté. J’évoque aussi la dépression. Il y a plusieurs années, je me suis retrouvé complètement sans espoir, sans entrevoir de possibilité de m’en sortir. Normalement, je m’en sors toujours, mais à ce moment-là je ne voyais pas d’issue. Avec cet album, j’ai été complètement libre, libre de me montrer vulnérable et d’envisager ma propre insécurité et mes doutes sans détour…

Ton album comporte également quelques belles collaborations d’artistes.
À travers les collaborations, on apprend beaucoup et se confronter à d’autres artistes permet d’envisager la musique différemment. J’ai travaillé avec des artistes incroyables comme Clams Casino (« Can’t Get Over You »), Shlohmo & D33J (« Why Am I Still In L.A. »), mais aussi Trippie Redd (« R.I.P. »)

Le fait d’être sur un label représentant la culture et la musique d’artistes asiatiques, cela compte pour toi ?
Pendant longtemps les artistes asiatiques ont souffert de ne pas être présents dans les médias et d’être cantonnés à être diffusés au sein de leur communauté. 88rising nous permet de pousser des portes qui étaient encore inaccessibles auparavant.

Outre le développement de ta musique, sur quel autre projet travailles-tu ?
Maintenant, grâce à la musique, j’ai les moyens d’aider les autres. Je ne veux pas tomber dans le côté charité ; je préfère agir avec plus de discrétion. À quoi bon avoir du succès, si on ne peut pas arranger les choses qui le nécessitent, sinon tout cela est vain et une perte de temps. Je ne veux pas faire de donations à des institutions, mais être moi-même au cœur de l’action pour faire avancer les choses et que mon implication ait un impact réel. Faire de la musique, même si je m’y applique sérieusement, reste un hobby. Mon véritable projet, c’est améliorer la vie des gens qui en ont besoin.

Joji : Ballads 1 (88rising/Warner)