Olivier Marguerit a été ce guitariste de Syd Matters. Mais aujourd’hui, c’est sous le pseudonyme ‘O’ que le public le découvre. Musicien apparu « pluriel » certes, mais pas seulement musicien ! Olivier est aussi compositeur, à sa manière, de sa relation personnelle à la musique, aux sonorités et ambiances… Chercheur aussi, mais chercheur sans prétention et pourtant avec réel résultat. Et qui dit chercheur dit aussi un brin philosophe… Après tout, la musique ne se répand pas qu’au travers des sons… Rencontre.
MODZIK : Pourquoi avoir choisi comme nom de scène ‘O’ ?
Olivier : Au début c’était ma signature à la fin des mails et petit à petit je me suis attaché à cette lettre. Je crois que c’est devenu comme un emblème. J’aime ce qu’elle raconte, son côté parfait, sans angle. Un O c’est un trou donc un mystère. Je crois que j’avais envie de m’y cacher un peu.
Pourquoi être enfin sorti de l’ombre à 36 ans ?
Pour moi ce n’est pas aussi tranché que ça. Je fais de la musique depuis longtemps et pas forcément caché. J’ai fait beaucoup de concerts, participé à des projets divers mais il est vrai que je n’étais jamais tout seul au centre. Je n’en éprouvais pas le besoin et je travaillais avec des gens que je trouvais très talentueux. C’était intimidant de se dire que moi aussi je pouvais faire des chansons valables. Accompagner les autres c’est une école fantastique. On apprend beaucoup. Au moment de me lancer dans l’O, j’ai senti que c’était le bon l’instant opportun. C’est à un carrefour de ma vie : arrivée d’un enfant, passage de l’enfance à l’âge adulte…
Quelle philosophie de vie se cache derrière ces grands yeux bleus ?
J’aime l’apparente simplicité qui cache un travail minutieux et précis. La simplicité pour la simplicité comme geste artistique ne m’intéresse pas plus que ça. Par contre, réussir à attirer le regard, l’attention par une apparente simplicité qui se révèle plus complexe c’est effectivement ce que je recherche. C’est une quête passionnante.
La légèreté, c’est plus compliqué. Je veux tendre à la légèreté car c’est une façon plus paisible d’aborder la vie. Laisser passer les vagues sur soi et n’en ressentir que le plaisir sensuel c’est un but. Ceci dit, je vis dans les problématiques de mon époque et réussir à rester léger au milieu de la tempête c’est très dur. Je succombe parfois au doute et à la tristesse.
“Un torrent, la boue” est le titre de votre album. Comment l’univers de l’eau vous inspire-t-il ?
Souvent j’écris plutôt dans moments de relâchement. Un trajet en train, dans un musée.
Le thème de l’eau vient du fait que j’ai envisagé à un moment de faire évoluer le O à chaque album en jouant sur le son de la lettre : Eau, Haut, Aux… Cet album est celui de l’eau. C’est presque totalement arbitraire. Il se trouve que l’élément aquatique me permettait de travailler les thèmes que je voulais aborder.
Vous êtes plutôt mer ou piscine ?
Rivière.
Vous avez étudié à l’American School Modern Music, quelle expérience en retirez-vous ?
Je ne sais pas exactement. Ca m’a globalement pas mal bloqué dans ma composition au moment où j’étais dans cette école et les quelques années qui ont suivi. Je trouvais tout trop simple, je me compliquais la vie. Je crois que j’ai beaucoup désappris depuis.
Ceci dit, grâce à ces études, j’ai une certaine connaissance de la chose musicale qui fait que j’arrive à me sentir à l’aise très vite : trouver facilement une place dans l’orchestre, comprendre ce que je suis en train de jouer, pouvoir jouer d’instruments différents…
Votre musique est à la fois acoustique, électronique et pop : Vous est-il trop dur de choisir ?
En tout cas sur ce disque je ne voulais pas choisir. Je voulais me sentir très libre et surtout, la couleur instrumentale vient de ce que j’avais sous la main dans mon studio. C’est principalement deux guitares et quelques synthés. Ce mélange acoustique/électronique vient de là j’imagine. J’ai aussi l’impression que l’époque actuelle pousse à ce mélange des couleurs.
Etes-vous trop naïf dans la vie / dans la musique ? Pensez-vous que c’est un défaut dans le monde d’aujourd’hui ?
Je ne crois pas être naïf dans la vie. Je suis assez au fait de ce qui m’entoure je crois. J’aime une forme d’écriture naïve car elle permet une expression plus directe/frontale. J’ai un peu peur de l’exercice de style poétique cryptique qu’on retrouve parfois en France. Je préfère écrire simplement. Ça rejoint la question de la simplicité. Être apparemment lisible/simple pour amener à découvrir une seconde lecture plus dense et cachée.
Quels sont les artistes qui vous inspirent le plus ?
Musicalement ce sont les gens un tout petit peu en marge. Ceux qui s’inscrivent dans un courant tout en le titillant pour le perturber. Robert Wyatt, Todd Rundgren, Charles Mingus par exemple.
Je suis aussi très inspiré aussi et surtout par les musiciens qui m’entourent et que je trouve très talentueux : Ricky Hollywood, Shorebilly, Wilfried, Halo Maud, Athanase Granson, Halo Maud…
Pourquoi avez-vous tant de mal à assumer votre voix ?
J’assume ma voix quasiment sans problème. Je crois que c’est juste l’endroit où je me sens un peu fragile. C’est l’instrument que j’ai le moins travaillé finalement. C’est un travail que je fais en ce moment et je commence à y prendre du plaisir.
De quoi avez-vous le plus peur ?
J’ai deux peurs fondamentales qui se rejoignent. C’est la mort et la notion d’infini. Malheureusement, je n’ai rien trouvé pour m’aider à surmonter ces peurs primaires. Pas même la musique.
D’où vous vient cette obsession du cercle ?
On y vient, l’idée de l’infini j’imagine. Comme c’est une notion qui m’effraie j’aime l’affronter et la travailler : faire des morceaux circulaires qui pourraient se répéter à l’infini, faire des sillons infinis sur mes premiers Eps vinyles…
Quel est le meilleur moment pour écouter votre musique ?
J’aimerais qu’elle soit écoutable dans n’importe quelle situation mais je pense qu’on gagne en compréhension et en plaisir si l’on ne sollicite pas nos autres sens en l’écoutant. Du coup, je dirais avec un casque sur un canapé, dans un lit ou à la rigueur dans un moyen de transport mais sans stimuli visuel.
Quelle est la chanson dont vous êtes le plus fier ?
Celle que je suis en train de composer.
Appréhendez-vous votre prochaine prestation sur la scène de la Maroquinerie ?
Oui et non. J’ai une confiance sans faille avec les amis avec qui je travaille. Il y a Mathieu Geghre aux claviers et Jérôme Laperruque à la batterie. Quand je monte sur scène avec eux, je me sens fort. Après je sais d’expérience que les concerts parisiens sont toujours un peu plus stressants. Il faut être très serein. Je vais essayer de l’être.
Pouvez-vous nous parler de la BO de Diamant Noir d’Arthur Harari ?
C’était une expérience fantastique. Ma première BO d’un long métrage composée tout seul. Arthur Harari est un réalisateur très talentueux et très précis. Nous avons travaillé assez facilement ensemble. Comme moi, il n’aime pas trop la musique qui ne sert qu’à souligner des sentiments, de l’action. Il faut que la musique ait du sens, qu’elle dise quelque chose. C’est donc à la fin une musique qui a du caractère je trouve. Sans parler de la musique, je trouve le film très réussi. J’ai hâte qu’il sorte.
Un torrent la boue ( Vietnam Label ) de O – Olivier Marguerit est désormais disponible
iTunes : http://po.st/Ountorrentlaboue
stream : http://po.st/OuntorrentlbStream