Forte et à la fois fragile, douce et en même temps brute, Joanna s’épanche au sujet de son nouvel opus Where’s The Light ?. En quête de lumière dans ce tunnel obscure qu’est la dépression, la musique s’avère être son Salut. Malgré une solitude omniprésente et des démons envahissants, la chanteuse ouvre les bras à la guérison. Joanna offre alors, à travers son art, un message d’espoir à toutes les âmes tourmentées.

 

 

 

Ce deuxième album est beaucoup moins R’n’B que le précédent, pourquoi ?

Parce que j’explore. J’avais envie d’explorer d’autres influences.

 

Quelles ont été tes inspirations musicales pour ce nouvel opus ?

J’ai écouté énormément d’ambiant. Je ne sais pas pourquoi j’avais besoin de faire une pause de paroles. Peut-être pour pouvoir faire un point sur ce que j’avais à dire et ce que j’avais besoin d’exprimer. Sinon j’écoutais beaucoup l’album de Rosalia Motomami  et du FKA Twigs.

 

« En soi je crois que cet album est pour guérir. »

 

On constate une certaine dichotomie à l’écoute de cet album. Entre titres plutôt aériens et sons très électroniques. Dans quel état d’esprit étais tu lors de la création de l’album ?

Pour composer ce projet ce que je faisais c’est que je commençais une prod, et faut savoir que quand je fais des prods je ne mets pas de drums. Simplement pour avoir la liberté avec ma voix de chercher la top line, chercher l’émotion. Après, par exemple sur Mes larmes sont belles où j’avais la prod direct avec le beat, ça m’a portée pour faire un truc plus dansant, plus pop. Mais ouais, j’avais vraiment besoin de trouver des accords qui résonnent en moi, qui me fassent sortir les choses que j’avais à sortir. C’était très introspectif et très thérapeutique aussi.

 

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© Erika Kamano

 

Quelles émotions souhaitais-tu transmettre ?

Cet album il correspond au moment de ma vie où j’ai commencé à me rendre vraiment compte qu’il fallait que je sorte de la dépression. Donc c’était un moment très intense ! J’étais à la fois en colère contre moi, mais j’avais aussi beaucoup de compassion envers moi-même. Et arrivée au milieu de l’album je me suis dit « Ok, en fait cet album il va m’aider et j’ai aussi envie qu’il aide les autres ! » Que ça résonne chez les gens et que ça mette le doigt sur un truc qu’ils n’avaient pas regardé en eux. En soi je crois que cet album est pour guérir.

 

Pourquoi l’avoir appelé Where’s The Light ? ?

Parce que c’est la question. Et puis je trouve qu’en anglais c’est un plus dramatique. Je dirais que l’album représente le cheminement de l’obscurité à la lumière.

 

En termes d’écriture on sent que tu traversais vraiment une période sombre. Dans Fighting par exemple tu répètes beaucoup « J’essaye de rester en vie ». Qu’est-ce qui te permet de rester en vie aujourd’hui ?

La musique et le fait de créer. En vrai, la musique dans ma vie avant même que j’en fasse et que je sorte des albums, c’est ce qui m’a sauvé la vie. C’était thérapeutique. Dans le sens où je suis enfant unique et mon enfance n’a pas été simple. Et je me suis sentie extrêmement seule la majorité de ma vie, mais la musique m’a accompagnée je pense. Je trouve que la musique panse les plaies et parfois elle les ouvre aussi et ça permet de regarder dedans et de nettoyer.

 

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© Erika Kamano

 

Tu as une plume très aiguisée d’ailleurs, tu penses que cela te vient de ton passif assez douloureux ?

Je pense que c’est né de mon besoin de m’exprimer parce que quand j’étais petite j’étais très réservée. J’avais des amis mais j’étais très introvertie. Donc j’avais un rituel le soir c’était de faire du piano, de chanter, d’écrire des choses, même pour dire des choses à mon père. Je pense que j’ai commencé à m’exprimer à travers l’écriture via la musique. Je me suis rendue compte que j’avais pleins de choses à dire mais que je n’avais pas la place pour m’exprimer. Mais c’est grâce à la musique qu’aujourd’hui je peux faire passer des messages.

 

Quel est le titre qui a été le plus intense à écrire ?

Je crois que c’est Fighting. Je l’ai écrite d’un coup mais c’est surtout la chanter qui est difficile. Je pleure souvent en la chantant. Mais à écrire, la plus difficile ça a été Cher Ego.

 

« Je trouve que la musique panse les plaies et parfois elle les ouvre aussi et ça permet de regarder dedans et de nettoyer. »

 

Tes titres sont très évocateurs, comme Si je meurs, tu fais quoi ? ou Je ne suis pas un objet. C’est une volonté pour toi de choquer ?

C’est pas une première volonté, mais c’est une conséquence. Par exemple pour Ce n’est pas si grave je vois bien que quand je la chante sur scène les réactions sont intenses, les gens sont souvent en pleurs. Je culpabilise d’un côté, mais en même temps non, parce-que je pense que c’est en se prenant des claques qu’on réalise certaines choses. C’est plutôt choquer pour avancer.

 

Finalement, as-tu réussi à trouver de la beauté dans l’obscurité ?

Oui, je pense. Dans l’obscurité ce qui est bien c’est que tu confrontes tes peurs, des tabous, des choses que tu n’as pas envie de montrer aux gens. C’est là où tu puises ta force. Quand t’es dans l’obscurité t’es méga vulnérable, mais t’es plus fort que ceux qui refusent de regarder dans l’obscurité. Par contre, tout est une question d’équilibre. Mais pour moi, l’obscurité c’est la vérité.

 

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© Erika Kamano

 

Joanna sera en concert au  Trianon le 10 avril 2024. lien vers la billetterie

 

 

Texte Samantha Kiangala

Photos Erika Kamano