Point de jet privé pour ce rendez-vous avec Bomel, bien qu’il affirme en être un heureux propriétaire, dans Airplane le 1er extrait de son nouvel EP WAKE UP FALL. Pas de champagne, non plus. Ce sera plutôt café et verre d’eau  alors qu’une pluie battante s’abat sur Paris en ce jour de fin d’automne.

 

Véritable boule d’énergie positive, Bomel s’amuse autant qu’il travaille à faire kiffer son public. Arrivé en solo avec Breathe, en 2019, il essaie de se faire une petite place dans le monde des musiciens producteurs. Il faut dire que le gars, d’aujourd’hui 24 ans, a commencé par le piano, à l’âge de 7 ans, s’est perfectionné via Youtube, a commencé à composer pour ses potes vers 13-14 ans, a fait une année de droit, une école de jazz deux ans. En conclusion, il ne tient pas en place. Autant de qualités qui font de lui ce qu’il partage sur scène ou virtuellement.

 

 

De sa chambre au collectif

Bomel nous avait intrigués avec ses minis vidéos où il nous ambiançait, en peignoir avec sa keytar, en short de bain au milieu d’une piscine jouant des claviers, toujours avec autodérision. « A l’origine, je faisais ces vidéos pour faire marrer mes potes. Au début, j’ai cinquante abonnés. Il y a eu tout un truc autour de ce projet. Je ne joue pas, je n’ai pas envie d’avoir deux personnalités. Ça me permet de ne pas me prendre au sérieux, même si j’ai beaucoup d’ambition pour ce projet. »

Les choses s’enchainent vite. Il est repéré par Jules Penalver de Triple-Double, structure de production, management, événementiel/touring et édition. Agence qui place « l’humain et sa créativité au cœur (…) dans le but d’apporter aux Talents tout ce dont ils ont besoin ». « Quand ils me signent, j’avais un niveau de production nul. Ils m’avaient contacté en me disant “écoute, tes idées musicales sont top. En termes de production, tu es nul. Donc, viens chez nous et on va te faire bosser avec des mecs qui sont beaucoup plus forts”. Georges avait fait une école d’ingé son. Bellaire est un très grand producteur. En six mois, je pouvais faire des démos que je pouvais jouer sur scène. C’est génial ça. J’ai tellement progressé grâce à cette équipe-là. Je suis trop bien ici. Le terme Triple- Double vient du basket. En fait, c’est comme une équipe de sport. Eux, ce sont les entraîneurs et nous, on est des joueurs. C’est comme ça qu’ils approchent le truc. Il faut que les joueurs s’entendent bien ensemble. »

 

Bellaire, Bomel et Georges

 

Question sport d’équipe, Bomel en connait un rayon. Il a joué à un niveau national en hockey sur gazon. « Mon frère a fait ça, donc moi quand j’ai eu l’âge vers 9-10 ans… mes parents m’ont foutu à ce sport le mercredi après-midi. Je laissais tout le monde tranquille. Et j’ai adoré. On est 15 000 en France à le faire, tu connais tout le monde, c’est comme une grande famille. Il y a des valeurs dans ce sport très différentes de ce que tu peux avoir au foot. J’avais fait deux ou trois stages de foot, j’avais pas du tout aimé. Y avait un truc un peu péteux, que j’aimais pas. Le hockey sur gazon c’est beaucoup plus humble, ça se rapproche plus d’un esprit rugby. Ça me plaisait énormément. Et vu qu’on est 15 000, si tu te la donnes un peu et que t’es pas trop mauvais, tu montes assez vite. Très jeune, j’ai pu faire des belles compétitions, des beaux championnats. J’ai fini à l’équivalent de la Ligue 1, le championnat Elite. Quand j’avais 15 ans, je jouais avec des mecs qui étaient en équipe de France. C’était top. On est onze dans un vestiaire et on rigole, on va prendre des coups après. Et puis, tu gagnes en équipe, il n’y a rien de plus beau. C’est inégalable comme sensation. Et tout le monde s’entraîne ensemble. On a la même chose avec Triple-Double. Et puis, le 4 décembre 2016. Je me suis déchiré la cuisse sur onze centimètres, comme un con !  Je peux refaire du sport, mais je ne peux pas en refaire du haut niveau, et ça m’a un peu brisé le moral. »

 

 

Bomel est un artiste de partage, qui aime le collectif. Il co-écrit souvent avec Georges et Bellaire, écrit pour les autres (2TH, Kaky entre autres), fait aussi des séminaires d’écriture, le dernier fin 2022. « Une semaine créativement unique. C’était une symbiose entre tout le monde. Je crois qu’il y a 26 ou 27 morceaux qui sont sortis en cinq jours. On était juste là pour s’amuser. Il n’y avait pas d’enjeu. C’est ça. Sur les 26 morceaux, je crois qu’il y a déjà neuf qui sont sortis. » Expérience nouvelle pour lui. « Le revers de la médaille à ce niveau-là, c’est que je me suis un peu perdu. Comme un enfant qui découvre des nouvelles choses, j’y suis allé tête baissée. J’ai fait avec le dernier EP (Have A Seat, NDLA), quelque chose d’assez éclectique. J’ai tenté plein de styles différents. Je ne regrette pas du tout, parce que ça m’a permis de progresser sur plein de choses. Mais c’est vrai que c’est un projet qui était beaucoup moins personnel que le premier (I Left School for This, NDLA). Il y avait moins d’âme. »

WAKE UP FALL, le nouvel EP

Composé de six titres et accompagné d’autres titres surprises dont un duo avec l’incroyable Fleur de Mur, on découvre un nouveau Bomel, plus personnel, plus pop. « J’ai essayé d’apprendre un peu de toutes nos erreurs, de garder le bon du premier et le bon du deuxième. Il y a un morceau, par exemple, de deux minutes, juste du piano. C’est mon morceau préféré de l’EP. En tout cas, c’est celui dont je ne me lasse absolument pas. Il y a d’autres morceaux qui sont avec un format plus single, ça c’est sûr. Mais je n’ai pas du tout l’impression de me “travestir” ou de me brider. » La grande nouvelle est qu’il s’est mis à chanter sur la plupart des titres. « Je me disais que je pourrais le faire chanter par quelqu’un qui est mille fois meilleur. Au début, tu as un regard critique assez terrible sur ta propre voix, parce que tu te brides complètement. » Passé l’apprivoisement de l’écoute de sa voix, Bomel retravaille avec Georges. « Je fais ce que moi, j’ai envie d’entendre, ce que j’ai envie de faire. J’arrive avec quelque chose qui est fini à 90 %. Il sait là où je veux aller. Avec son recul, il va ajouter des petites pépites de temps en temps. C’est ça qui est génial. On adore bosser ensemble. » Dix petits jours pour mixer l’EP avec pour maitre mot « Less is More », selon la maxime du deuxième acolyte Bellaire. « Six pistes, pas plus, il sait, il entend, si ça peut dégager, ça dégage. Nous avons remis, comme le premier projet, le clavier au centre du projet. Ce nouvel EP est beaucoup plus facilement défendable en live. »

Cover WAKE UP FALL (c) Leo Katt

Une incroyable énergie scénique, non sans failles

Le vendredi 3 février 2023, Bomel fait sa Maroquinerie, Sold Out ! Ambiance de feu, les amis sont là, Georges évidemment, Jean Castel, Blowsom… Il est sur son nuage. « C’est un shot d’adrénaline monstre. C’est aussi un shot d’ego. Il ne faut pas se mentir, c’est un métier qui est aussi narcissique. T’affiches ta gueule partout. On est très content d’être sur le devant de la scène et d’avoir des gens qui crient notre nom,  c’est notre petite drogue à nous. »

« Il y aura un avant et un après 2023. J’ai grandi, j’ai pris de la maturité sur énormément de choses qui vont m’accompagner toute ma vie. »

Peut-être, ce fut trop, trop vite. « Je me suis mis beaucoup trop de pression en sortie de Maroquinerie en me disant bon maintenant il faut que tu prépares la Cigale (2 février 2024, NDLA) et je m’étais mis dans la tête qu’il fallait  absolument arriver avec un tube… J’ai eu une sorte de syndrome de l’imposteur et une mise de pression malsaine qui m’a paralysé. » Passage à vide de six mois. « C’était plein de phases de vie que je n’avais jamais traversées et que je ne savais pas comment aborder. Donc au début tu te laisses submerger partout. Tu te couches et te réveilles la boule au ventre.  T’es un peu névrosé. Tu es même désagréable avec tes potes, avec ta famille. Tu commences à ne plus pouvoir te blairer. » Grâce à la compréhension de Jules (Penalver) et de son équipe, Bomel fait une grande pause. « Ça m’a permis vraiment de vivre plus le moment présent et de prendre du recul. » La tournée d’été fut salvatrice, avec des copains dont Møme. « C’est crevant physiquement, mais c’est du plaisir. » C’est ainsi qu’il a attaqué la composition de ce nouvel EP fin août, début septembre. En trois semaines, c’était terminé. « Tout est venu facilement. Je faisais des morceaux. Je n’avais aucune idée de si on allait les sortir ou pas. Et quand on me demandait “Qu’est-ce qui va aller dans l’EP ?” Je disais, “les gars, je ne sais rien. Je m’en fous”. J’ai envie de m’amuser et de refaire de la musique pour moi. » C’est aussi dans l’objectif de sa première Cigale que les morceaux ont été composés. Il va se préparer pour cette date importante. « Je commence une préparation physique et vocale de deux mois afin que les morceaux soient mieux en live que les versions studios. » Le show est pour l’instant prévu pour durer une heure et demie, show qui va tourner ensuite en France dans les grandes villes (Lyon, Bordeaux, Toulouse, Brest, Lille…). « Je n’ai jamais été aussi excité de préparer un concert. C’est une nouvelle étape. On va surtout tellement s’amuser. Si tu ne te fais pas kiffer, si tu perds ton âme d’enfant de jouer de la musique, au sens littéral de  jouer,  fais autre chose. »

Un homme de partage

« Je suis quelqu’un d’assez extraverti, j’aime bien avoir des gens autour de moi, j’adore discuter. J’ai besoin d’avoir des interactions. C’est pour ça que j’aime la scène, j’ai besoin d’avoir des interactions avec le public, avec tout le monde. » Bomel est un véritable épicurien. « La deuxième passion dans ma vie c’est la bouffe et le pinard. J’adore ça, ça me passionne. » Au point de rêver de devenir vigneron. « J’aimerais beaucoup avoir mon vin et surtout avoir ma pâte dedans. M’associer avec un mec qui va comprendre ce que je veux. » Qui dit vin, dit cuisine. « Avoir un resto aussi, ça me ferait plaisir. J’aimerais bien avoir un truc où je peux accueillir les gens chez moi, qu’ils soient à mon image. Un endroit où tu manges bien pour pas trop cher. J’ai le sens du partage ». Bomel adore cuisiner. « Je ne cuisine pas tous les jours, mais plusieurs fois par semaine. Quand je m’y mets, j’y suis pendant cinq heures. Je ne me fais pas des petits trucs. Je suis donc obligé d’organiser un dîner. La bouffe, c’est du partage comme la musique l’est. Je peux faire le beau gigot de 7h que je vais arroser au Cabernet Franc toutes les 20 minutes avec un petit verre. »

 

 

Pourquoi ne pas mêler musique, gastronomie et œnologie ? C’est ce qui sera fait pour la sortie de l’EP. « On va intégrer beaucoup plus mes passions dans le projet. On organise un dîner avec un excellent chef qui va nous faire un menu correspondant au nombre de morceaux sur le projet. Un dîner presque étoilé avec notre partenaire de vin, l’ancien Maître d’Hôtel du Plaza Athénée qu’on connait très bien, qui vient avec deux de ses potes qui vont s’occuper du service, donc on va être sur un truc très très quali. » Un diner auquel pourront assister certains fans sur tirage au sort sous condition qu’ils soient en possession de leur billet pour la Cigale. Qui sait si cela ne deviendra une autre marque de fabrique de Bomel ?

Qui va piano, va sano e va lontano

« Je veux un truc pérenne, je veux quelque chose de solide. On va prendre le temps. Là on construit un joli cadre. Quand toutes les planètes s’aligneront, si elles le sont un jour, on sera tranquilles, prêts. On pourra continuer à faire exactement ce dont on a envie, à s’éclater et si on peut le faire en amenant un maximum de monde, ce sera parfait. » Un seul mot : plaisir.

Un album« Le concept d’un album est quelque chose que j’affectionne beaucoup : l’idée d’avoir un projet avec un fil rouge, une histoire. Cet EP-là est dans les prémices de ce que je souhaiterais. Il intégrera des interludes qu’on va enregistrer en binaural. Avec les écouteurs, c’est le son spatial. Tu as vraiment l’impression d’avoir des gens autour de toi. C’est hallucinant. L’idée, c’est d’avoir trois interludes qui vont résumer cette année. Pour un album, Je veux pouvoir être prêt. » Un album est-ce une bonne stratégie à l’ère du streaming et des réseaux ? « Moi je préfère avoir mille mecs qui vont écouter tout l’album que 200 000 qui vont écouter un single. Car ceux qui vont écouter tout l’album, tu vas les fidéliser. Je compose mes morceaux sans stratégie. Si je sors des morceaux de 6-7 minutes, on va aller viser peut-être un public qui n’est pas le mien et qu’on n’a pas forcément aujourd’hui. Donc, on a quelque chose dans les structures où j’essaie d’être efficace. »

Bomel est parfaitement clair sur l’utilisation des réseaux. « Je suis né en 1999. Je commence à être conscient de l’importance des réseaux et de leurs dangers dans les années 2010. Je m’estime assez chanceux à ce niveau-là, d’être arrivé à un bon moment. Au collège, on parlait déjà des dangers d’internet. Donc, je fais gaffe. Il faut que ça reste maîtrisé, que ça reste naturel. C’est aussi une force de frappe indécente. Incroyable. Tu peux créer ta propre communauté et une communauté engagée. Pour notre projet, on a axé notre stratégie sur le live. J’ai la chance d’avoir des fans qui sont là depuis trois ans. Je les reconnais. Je sais comment ils s’appellent. Je discute avec eux. Il y en a même quelques-uns à qui j’envoie des petites démos avant qu’ils sortent. Ça me fait super plaisir et puis leur retour est important. Sans eux, mon projet, ce n’est pas grand-chose. »

Du rock, de la funk, du disco et des envies

« J’ai une culture musicale qui vient pas mal du rock, Elton John, Guns N’ Roses… Mais c’est vrai que j’aime beaucoup le rap américain, la pop américaine, et tout peut me cueillir dans la mesure où ça va à mon oreille. C’est vrai que j’ai pas du tout une influence qui est purement house disco. Je saigne par contre les Earth, Wind & Fire. Mon père écoutait énormément du Billy Joel, un mec qui remplit un Madison Square Garden tous les mois depuis onze ans. Quant à ma mère, c’était plutôt Cerrone. »

Bomel a aussi des petits plaisirs. « Random Access Memories des Daft Punk est mon disque de chevet, c’est un chef d’œuvre. J’écoute aussi beaucoup Amy Winehouse, mais aussi Whitney Houston, parce qu’il y a un côté kitsch des années 80, je trouve, dans la production. J’écoute peu de français, je pourrais pas te dire pourquoi. J’écoute un peu de variété, quelques variétés qui marchent et Dalida, j’en écoute pas mal, j’avoue. De temps en temps, dans mon aléatoire, ça tombe dessus, je laisse. » Mais le gros coup de cœur de Bomel est la chanteuse américaine Raye. « Elle a une voix de fou. Avec Jules, on a été allé à un concert à Bercy. Elle faisait la première partie. C’est la première fois de ma vie, honnêtement, où j’ai eu des frissons en entendant quelqu’un chanter. Je n’ai jamais assisté à une telle voix en direct. » Nous poursuivrons notre échange sur la qualité de la production de l’album de Raye, des modes d’approche des Américains, de l’album solo de Maurice White, de Chili Gonzales et de Hans Zimmer. « Je rêverais de faire de la musique de films. Les gens qui nous liront, venez, je vous fais ça gratuitement, on teste des choses, je vous fais des démos. La musique de film est une représentation très précise de ce que la musique peut faire et de son “importance dans les émotions”. J’adore l’idée de raconter une histoire à travers la musique. On a un scénario, on a une histoire, comment on va raconter ça ? Comment on va le mettre en son, en vibration ? C’est ça que je trouve fou dans la musique de film. C’est clairement ouvert. »

Le temps passe vite, la pluie continue de s’abattre sur Paris. Bomel met ses écouteurs avec pour sûr du Ariana Grande ou Backfired, titre remixé par Dave Lee, ses marottes du moment, enfourche son vélo et disparait dans la circulation de Paris.

 

WAKE UP FALL, disponible  via AOC Records.

Bomel en concert à la Cigale le 2 février 2024 et en tournée en France : Lille, le 9/02, Rennes le 1/03, Brest le 2/03, Toulouse 26/03, Bordeaux 27/03 …

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Texte Lionel-Fabrice Chassaing