De bon matin, nous avions rendez-vous avec Blowsom dans un café tout prés des bureaux de Modzik. Ne le voyant pas, je m’installe en terrasse avec des figures du quartier qui prenaient leur café. Le temps de commander un allongé, Blowsom arrive. Je le hèle et l’invite à notre table. Un café et un croissant plus tard, nous décidons de nous mettre au chaud.

 

 

 

Crédit : Victor Laborde

 

C’est un moment charnière pour Arnaud, de son vrai prénom, qui vient de sortir un nouveau single annonciateur de son tout premier album à paraître en début 2024. L’occasion de revenir un peu en arrière. Le projet Blowsom est né à Brighton. « ll y a une école de musique là-bas qui s’appelle BIMM (Brighton Music College). Et moi, je rêvais de l’Angleterre pour toute la culture musicale là-bas. J’étais fan d’un groupe qui s’appelait The Kooks, j’avais vu qu’ils avaient fait cette école, et le cadre me faisait rêver. Le bord de mer, plus toute la culture anglaise, j’avais envie de parler aussi bien anglais. J’ai eu la chance d’être pris, j’ai passé trois ans là-bas. » Les premiers morceaux sont plutôt électroniques : « Je n’avais pas trop de vraies batteries à l’époque. Je découvrais tout ça, les samples, les trucs comme ça. Et progressivement, je me suis mis à réutiliser des guitares, à enregistrer des instruments un peu bruts, et surtout des vraies batteries ».

 

Crédit : César Tresca

 

Arnaud, d’abord signé chez DDM Recordings avec Møme, quitte le label. « J’ai commencé à construire, à me dire comment je peux me démerder tout seul à sortir des titres dans les meilleures conditions possibles. Au début, j’étais en distribution avec mes copains de chez GUM qui m’aidaient un peu là-dessus. J’y ai d’ailleurs rencontré mon manager actuel. Ensuite, je me suis dit qu’il fallait que je montre ma propre structure. » Chose faite avec 1901 REC, son propre label. « La distribution, c’était la façon la plus facile pour moi de faire ce que je veux, de faire la musique que je veux. On m’a pas mal emmerdé avec le français. Moi, je n’avais pas forcément envie. J’ai fait des titres en français, mais c’est vraiment au compte-goutte. Quand ça me vient, je le fais, mais je ne veux surtout pas qu’on me force à le faire. Je veux que ça reste naturel. Et puis surtout, la musique anglophone, c’est tout mon bagage musical. Donc, c’est vraiment ce que j’avais envie de faire. »

 

 

Le background musical ?

Du funk, du jazz, beaucoup de Beatles et plus largement toute la musique entre les années 50 à 80, via son père qui a une collection impressionnante de vinyles. « Et puis après, à partir de 12-13 ans, j’ai commencé à découvrir mes propres trucs. Beaucoup de rock, beaucoup de musique électronique, très French Touch, ce qui m’influence le plus aujourd’hui, c’est… on va dire, tout ce qu’il y a eu entre les années 2000 et aujourd’hui. Toute la musique indé, les MGMT, les Strokes, les Tame Impala. Et puis plus récemment, toute la vague bedroom, surtout aux US, ces artistes qui font leurs albums dans leur chambre avec très peu de moyens. Mais au final, qui arrivent à faire des trucs géniaux. Et voilà, ce côté un peu DIY (Do It Yourself, NDLA), débrouillard. » « Au moment où j’ai créé mon label, direction artistique, ma musique a un peu changé. J’ai vraiment pris un tournant un peu plus pop, rock, indie, en 2020. »

 

Crédit : Instagram Blowsom music

 

Blowsom vs. Arnaud ?

« C’est une espèce d’anti-héros un peu dans l’autodérision, le second degré. J’aime bien montrer que tu n’es jamais vraiment celui que tu aimerais être réellement, et que ce soit dans le succès, dans les relations, dans l’amour… Tu es finalement un peu victime de là où tu es en fait. Du coup ce personnage-là, qui se raconte un peu, il y a forcément une grande partie de moi, mais je pousse un peu le truc à fond, je grossis les traits. Je m’inspire de plein d’autres trucs, d’histoires, de gens autour de moi, mais aussi un peu de ce que je vis personnellement. Mais j’ai voulu essayer de raconter une histoire de façon assez spontanée, d’essayer de toucher les gens avec des histoires dans lesquelles ils peuvent se retrouver, s’identifier. Et au final, c’est plus facile de s’identifier pour quelqu’un de lambda, un mec un peu foireux, un peu anti-héros. »

 

Crédit : César Tresca

 

Depuis trois EP sont sortis. « C’est un peu le début de l’histoire que je continue de raconter maintenant. Cette histoire a commencé avec 1901, part 1, et ensuite la partie 2 , du même nom que mon label que je venais de créer. » Même s’il compose chez lui tout seul, Arnaud  aime les collaborations, en témoignent plusieurs singles avec Emma Hoet mais aussi un EP Blowsom & Friends avec l’australien Kesmar et les allemands Anaïs et Luke Noa. « En fait j’ai rencontré ces artistes via mes éditeurs et les gens avec qui je travaille. Je suis allé pas mal en Allemagne, où j’ai fait des writing camps. J’y ai rencontré Anaïs et Luke Noa. Cela faisait aussi longtemps que je faisais quasiment que des morceaux tout seul, sans collab. C’était l’occasion un peu de bosser avec d’autres artistes. Pour Kesmar, on s’est rencontrés pour la première fois il y a un mois. Je l’avais découvert sur RadioNova et j’avais adoré sa musique. En fait on s’est envoyé des trucs, on a fait des aller-retours, on a fini un morceau que nous avons sorti. »

 

Cover

 

Le premier album en 2024

« Sur l’album il n’y a aucune collaboration, j’avais envie vraiment de raconter une histoire, j’avais plein d’idées et là j’avais besoin de me retrouver seul. Mais, j’ai coproduit avec un pote, Julien Vignon, quatre ou cinq morceaux de l’album. On s’est retrouvé dans son studio à Barbés. Il a repris un peu certains titres, on a refait un peu de compos. J’ai re-repris tout seul, pour vraiment les finir. Ça m’a fait du bien aussi d’avoir quelqu’un avec qui échanger, avoir un avis. On a des affinités, des goûts en commun, son projet d’artiste s’appelle Timsters. J’ai vraiment envie de bosser avec des potes. Il a fait avancer un peu le projet. Il a donné aussi une direction, en quelque sorte aussi à l’album, il a ouvert des portes sur le son, et c’était super intéressant. Sur mon dernier single How Strange, on a bossé un petit peu ensemble, il m’a aidé à faire le bridge, il apporte des petits trucs un peu nouveaux, des idées qu’il n’y avait pas forcément. Du coup, l’album est assez moderne dans le son, on n’a pas trop vieilli les sonorités dans le mix. La prod’ est assez dynamique, assez bright, assez puissante. Il y a aussi beaucoup de distorsion, il y a un truc peut-être un peu plus torturé dans l’album, il y a un moment où c’est très saturé, un son un peu plus crado, sur les voix notamment. Parfois, ça se noie un peu dans des effets, dans du delay. »

 

 

L’amour, l’amour, l’amour…

« J’y parle énormément d’amour. C’est pas très original, mais j’essaie de le raconter à ma manière. En fait, il y a toujours des petites histoires, des personnages qui interviennent. Blowsom, est en quête de l’amour, l’amour est un grand A. Tout part de la rupture avec une Nancy, je raconte toutes les remises en question, tout ce qui se passe après, tous les questionnements. Il y a du tout de même du positif, un peu de la tristesse mais aussi de la nostalgie. »

 

Crédit : César Tresca

 

« A titre personnel, la question du couple me passionne depuis quelques mois, je me pose tellement de questions. Je trouve ça tellement complexe, et tellement difficile à gérer. Peut-on aimer quelqu’un vraiment pour la vie ? Est-ce qu’on est obligé d’être dans l’attente permanente, d’être dans la peur de quelque chose pour continuer à rester amoureux ? Comment on gère la désillusion totale, quand on a l’impression d’avoir créé un truc, et qu’en fait, tout se casse la gueule du jour au lendemain ? C’est la chose la plus ouf qui puisse nous arriver, et en même temps c’est la pire chose. Ce peut être les moments les plus douloureux de ta vie, donc comment les gérer. Mais, finalement, tout le monde passe un petit peu par là. »

« Je ne voulais pas que ce soit un album triste. La musique, de toute façon, prend le contre-pied là-dessus. Je voulais vraiment essayer de donner une forme d’espoir. Il faut arriver à trouver le beau dans tout ça. Car vivre ça, c’est peut-être mieux que de ne rien vivre du tout. Et de toute façon, tout le monde le vivra un jour ou l’autre. C’est ce que j’essaie de raconter dans ce disque, avec mes mots, ma manière. »

Cette fameuse Nancy, un peu imaginaire, comme nous le dit Arnaud est dans pratiquement tous les morceaux. Parfois, il s’adresse directement à elle, déballe son sac, lui laisse des messages vocaux en français et en anglais.

 

Blowsom, version live

 

Morceaux qu’il a hâte de jouer le 22 novembre au Trabendo, où il partage l’affiche avec Colours In The Street« Ce sera la première fois que je vais jouer pas mal de morceaux de l’album, c’est toujours assez excitant. Sur les tout premiers EPs, j’étais tout seul sur scène, c’était plus facile pour trouver des dates, c’est un truc qu’on m’a rabâché. Il se trouve que j’ai beaucoup plus de dates depuis que je ne suis plus tout seul. » Arnaud travaille avec Velvet Coliseum (Ysé, Hugo Barriol, entre autres). « On est quatre sur scène, et c’est génial. C’est ce dont je rêvais depuis toujours, être entouré de musiciens, d’être comme un groupe, d’avoir un batteur. Mes musiciens sont des potes, pour qui j’ai une affection super particulière, et on est hyper content de pouvoir jouer ensemble sur scène. » Une autre date est d’ailleurs prévue pour la sortie de l’album.

 

Blowsom, un personnage, une image de mode ?

« J’ai commencé à m’y intéresser il y a deux, trois ans. Tu sais, à ce niveau, je ne suis qu’un mec lambda, qui trouve des choses belles. J’ai travaillé un peu avec Céline, parce qu’ils m’ont contacté. En fait, c’est un peu à partir de là, je me suis dit que ça pouvait être intéressant aussi de mettre en avant cet aspect-là, pour le projet, si cela pouvait m’aider à le valoriser… Et puis, j’ai découvert les Fashion Week, je suis allé voir des défilés, j’y ai pris goût. J’ai trouvé des esthétiques qui me plaisent. J’ai pris vraiment conscience de ce qu’un vêtement peut dégager. Mon but final étant de faire le meilleur album possible, et de le partager avec un maximum de personnes possible. Si ça peut servir l’album, d’avoir cet aspect image, de travailler les looks, je suis partant. » D’où le choix du costume ? « Je me suis dit que l’album allait être fondamentalement plus rock que mes EPs. J’avais envie de tenter un truc. Beaucoup de gens m’ont dit que cela m’irait bien de mettre un costume, que j’étais assez grand et tout fin. J’ai pas mal bossé avec Céline, j’ai lu toutes leurs références. Je me suis senti en accord. Comme je ne porte pas le costume en mode super sérieux, cela fonctionnait parfaitement avec Blowsom. »

 

Texte Lionel-Fabrice CHASSAING

Blowsom, How Strange, via 1901 REC, disponible sur toutes les plateformes.

O réponse, prochain single extrait de l’album disponible le 23 novembre 2023.

En concert, le 22 novembre à Paris au Trabendo.

Instagram Blowsom