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Un double anniversaire 45 ans et 40 ans, mais de quoi, de qui ? Celui de cette salle mythique : Le Palace, Théâtre Club qui se trouve toujours rue du Faubourg Montmartre. Mais celui qui est célébré cette année est le lieu des fêtes mémorables des années 70 à 83 et de son créateur Fabrice Emaer.

 

Tant d’articles ont été écrits, tant d’images montrées. Qu’en dire de plus ? Que sans doute, il n’y eut aucun autre lieu célébrant la mode et la musique, en les plaçant sur un même pied d’égalité. Une sorte d’ancêtre Live de Modzik. Le 1er mars 1978, les portes du Palace ouvrent. Fruit d’une certaine utopie de Fabrice Emaer, celle d’offrir une liberté à s’abandonner. Un long couloir menait à une grande salle principale, trente mètres de hauteur sous plafond. Des barmen sabraient le champagne dans des uniformes Thierry Mugler. Là, une gigantesque piste de danse surplombée de balcons donnant sur des loges est balayée par trois lasers. Décoré par le peintre Gérard Garouste, ce lieu de « décadence » tel que le définissait Fabrice Emaer est un melting pot de l’aristocratie de l’époque et de quidams, une véritable démocratie festive. Nous sommes loin d’aujourd’hui où la nuit est segmentée en une constellation de communautés musicales dispersées.

 

 

Ici, on y célébrait l’esprit du bal populaire où le mélange était érigé comme la valeur ultime. A la porte, Edwige Belmore, Paquita Paquin ou Jenny Bel’Air veillaient à ce mélange, pouvant refuser un Michael Douglas, car mal chaussé ou une Carole Bouquet mal accompagnée et laisser entrer des jeunes gens sans le sou. « Je sélectionnais les gens sur l’esprit de fête : ceux qui arrivaient joyeux, lookés, déguisés. Blanc, noir, rose, jaune, riche, pauvre, célèbre. On vivait dans l’instant, dans une inconscience folle », dira Jenny Bel’Air dans le livre Jenny Bel’Air, une créature.

S’y côtoieront designers établis et jeunes créateurs Yves Saint Laurent, Karl Lagerfeld, Jean-Paul Gauthier, Kenzo, Montana, les artistes musicaux Prince, qui y fera son premier concert en France, David Bowie, Tina Turner, Elton John, Ian Dury, Grace Jones, les B52’s, les Village People ou Mick Jagger, les artistes Andy Warhol, Pierre et Gilles, Mondino, Jean-Paul Goude… Tout ce qui bouillonnait durant cette décennie se retrouvait au Palace. Les artistes venaient y faire leurs concerts, toutes les fins de défilés s’y déroulaient.

 

Elton John, ambiance, Karl Lagerfeld, Patrice Gouron, Jenny Bel’air et Guy Cuevas. Crédits : Philippe Morillon, Arnaud Baumann, Charles Duprat

 

Le tout ambiancé par Guy Cuevas, jeune immigré cubain, qui de sa cabine, située en hauteur sur la droite de la scène, surplombe le dancefloor. Jenny Bel’Air : « Guy était notre monstre sacré. Il avait un instinct musical, unique et cubain, qui restera à jamais gravé dans tout le monde ». Ces deux là se sont rencontrés au Nuage, microscopique bar dansant de la rive gauche. « Je n’avais pas d’argent pour acheter des disques neufs, alors je jouais les disques que je trouvais aux puces et ceux que j’avais ramené dans ma valise de Cuba », dira Guy Cuevas. Mais c’est au 7 que sa carrière de DJ star débuta véritablement. Fabrice Emaer en est le propriétaire. On pouvait y écouter le Philadelphia Sound, avec les O’Jays, Billy Paul, Teddy Pendergrass, Marvin Gaye mais aussi du West Side Story ou de vieilles opérettes.

Changement de lieu avec le temple mythique de la nuit mais dans une certaine continuité. Guy Cuevas y joue les derniers tubes disco : Cerrone, Sylvester, Boys Town Gang…  Nous étions en pleine Saturday Night Fever mania. Un soir, il décida de couper en plein milieu le tube des Bee Gees, pour passer un autre titre comme l’indique Paquita Paquin : « Soudainement, il jouait du Wagner. Ça rendait les gens fous. » Guy Cuevas dira, « Je ne sais pas ce que les autres DJs jouaient dans les autres clubs. Je n’allais pas ailleurs. Moi, j’inventais ma musique ». Vont se succéder les fêtes les plus folles, un bal vénitien, une soirée Sissi l’Impératrice, une soirée où tout le monde est en femme ou des happenings les plus fou imaginés par Paolo Calia, tantôt peintre, photographe de mode ou décorateur.

 

 

Célébrons cette décadence perdue. « La fête est contagieuse et rend les gens à la vie », Fabrice Emaer.

Le Palace, la compilation officielle, témoignage de cette période va paraitre via Parlophone le 8 décembre sous forme d’un double LP et un coffret 3 CDs où se côtoient disco, pop, world, soul et excentricités en tout genre.

 

Guy Cuevas, Avant que la nuit ne m’emporte, éditions Cherche Midi.

Jenny Bel’Air, une créature, éditions Points.

 

Texte Lionel-Fabrice Chassaing