Paris, Elysée Montmartre, lieu névralgique du MaMA Festival & Convention. Tout est plus calme ce matin. Les visages sont un peu fatigués, les deux premières soirées de retrouvailles et de musique furent à la hauteur des espérances. Allez, un petit café pour démarrer la journée et nous voilà prêts !

 

Nous décidons de commencer doucement. Direction la Belgique avec Loverman, artiste anglo-belge à la voix profonde. On marche un peu dans les pas d’un Leonard Cohen ou encore Nick Cave. Formule guitare solo, Loverman sort un album intitulé Lovesongs, chez Pias, de onze titres narrant l’amour sous toutes ses formes. Parfait démarrage de cette longue journée avant d’aller découvrir qu’il n’y a pas que Céline au Québec au 360 Music Factory, nouveau lieu du MaMA.

 

 

Là, nous attendent David Dubué et Lori Éthier, du label Kartel Musik, mais surtout Amay Laoni qui mêle influence européenne et racines américaines. L’occasion de prendre un long moment pour discuter mode et musique. « J’ai une curiosité pour la mode, mais ce n’est pas quelque chose que je connais bien. C’est spécial pour moi, car c’est venu vraiment après. En 2018, c’est là qu’on a commencé à vraiment creuser. Je travaillais au Québec avec Maud Dubé-Lefèvre, une de mes amies stylistes qui est incroyable. On a défini l’identité visuelle, associées avec un graphiste. Je sais ce que je veux et j’ai la chance d’être magnifiquement bien entourée. J’adore bien m’habiller quand il y a l’intérêt de le faire. J’habite en campagne, et je m’habille plutôt pratique. »

 

Crédit (c) Dequoy

 

« Ça me fascine à Paris de voir comment les femmes sont belles. Il y a un soucis du détail ici. » C’est la raison pour laquelle Amay travaille maintenant avec Suzon Depraiter de Maison Foule. « On a fait vraiment un travail intérieur avant l’extérieur. C’est ça que j’aime, c’est ce que je voulais. Si j’avais à choisir entre ma spiritualité, mon intérieur, la mode et l’extérieur, ce serait facile. J’ai l’impression que ça fait évoluer aussi ma musique d’avoir bougé aussi le visuel, d’y avoir ajouté des couches, une histoire, de la profondeur. » Il est à noter qu’Amay Laoni, c’est deux personnes : Amay auteur-compositeur-interprète et à la réalisation Etienne Chagnon, son compagnon à la ville. Ils font leur musique de manière totalement indépendante.

 

Cover du nouveau single

 

Avant de se concentrer sur un projet personnel, « J’ai aussi un background d’autrice-compositrice pour plusieurs interprètes québécois (très connus localement 2Frères ou Marc Dupré), et là tu t’adaptes à comment les gens aiment recevoir ces messages-là ». Les différences entre nos deux pays ? « Une commande pour une chanson pop ici et une commande pour une chanson pop chez nous, ce n’est pas du tout le même langage, pas du tout la même manière. Et puis, j’ai besoin de savoir pour qui j’écris et d’avoir des infos sur son public. Je pense que c’est là que j’ai du talent dans la collaboration. » Amay poursuit, « Au Québec, on tourne un peu les coins ronds, on est très, très gentils, mais des fois on a de la difficulté à assumer ce qu’on a réellement à dire. Tandis qu’ici, vous êtes direct. Quand je travaille avec des équipes ici, quand je me fais dire ça peut le faire, c’est que ça va le faire ». Nous en sommes certains !

 

 

Depuis toute petite, elle a toujours su et voulu venir faire carrière en France. « Je fais encore un peu de collaboration, mais là, je sens vraiment que c’est là, c’est maintenant. Mes influences sont ici, en Belgique, en Europe. Ça a été un problème quand j’étais plus jeune. » Lors de sa participation au tremplin Ma Première Place des Arts à Montréal. « Je me suis fait engueuler, on m’a même dit plusieurs fois : “Ah, va-t’en en France”. ». Cela a pris du temps. Amay devient maman alors que ses amis privilégiaient leur carrière. Et puis, Amay se cachait beaucoup derrière les artistes pour lesquels elle composait. La peur d’être en avant, d’être vue car elle est grande, ce qui lui a posé des difficultés : « je prends de la place. Je ne sais pas, il y a quelque chose qu’il fallait que je règle ». Mais la voilà maintenant, elle est prête ! De nouveaux titres sont prêts, les dates de concerts sont là. « Je me sens plus solide que jamais. Bien sûr. Je suis équilibrée. Je me dis “non, il doit avoir moyen de faire quelque chose”. » Exactement.

 

Quittons la francophonie pour aller assister au showcase explosif de Blonde Diamond, de Vancouver et dirigé par main de maitresse par Alexis Young. Designer de formation, l’aventure musicale du groupe a décollé grâce à Lululemon, pour laquelle Alexis est engagée à l’occasion des 20 ans de la marque. « C’était juste une sorte de travail pour gagner de l’argent pendant qu’on partait en tournée et qu’on jouait de la musique. En fait, ils ont beaucoup soutenu le groupe. Nous avons joué à un grand festival qu’ils ont organisé à Vancouver avec environ 15.000 personnes, nous jouions avec Chromeo. »

 

Crédit : LFC

 

A cette époque le groupe se nomme Youngblood, comme l’artiste britannique. « Quand on a commencé, on s’est dit, “oh, on va jouer de la musique. On va voir ce qui se passe”. Et puis j’ai mis le premier single, Feel Alright, sur Spotify. Il n’y avait pas d’argent, pas de presse, pas d’aide, pas de label, rien. Le lendemain matin, je me suis réveillé avec un message disant : “C’est dans le classement viral de Spotify“. Ensuite, cela a fait boule de neige. Au début, je n’étais pas très maline pour choisir un nom. » Les Blonde Diamond (Malcolm Holt à la batterie, Bruce Ledingham aux claviers, Louis Wu à la guitare) naissent de leur inspiration des années 70’s-80’s. « J’adore cette période. C’est comme quand tu regardes en arrière et que tu écoutes les disques ou que tu regardes la mode. C’est tellement incroyable. On a l’impression d’être transporté sur une autre planète, c’est comme un autre mode de vie, une autre façon d’être. Tout n’a pas été rose, évidemment. Mais, il y a tellement de culture, de mode, de musique et d’art de cette époque qui sont intemporels. On n’a pas l’impression que c’est daté ou vieux. La période 70’s-80’s a ouvert une voie très intéressante pour les nouveaux artistes de tous les genres. Et c’est vraiment intéressant pour moi. »

 

 

Néanmoins, musicalement, le groupe aime brouiller les pistes. « Nous expérimentons tous les types de musique. Et je pense que c’est ce que les gens aiment dans notre groupe. Nous ne sommes pas attachés à un son spécifique. Toutes nos chansons sont uniques, dans leur propre histoire, à leur manière. Nous faisons ce que nous voulons. Et c’est ce que nous voulons continuer à faire. » Ce premier concert en France et cette première visite de Paris leur ont donné l’occasion de visiter le musée Yves Saint Laurent. « J’adore la collection principale en noir et blanc. C’est tellement étonnant, les lignes sont tellement magnifiques. Mais j’adore les nouveaux créateurs. Et surtout Jacquemus, il est vraiment cool. »

 

 

Après ce premier concert public français programmé à 2 h 30 du matin, les Blonde Diamond rentreront « pour le reste de l’année, puis pour l’année suivante, 2024, nous nous concentrerons sur la finalisation du travail. Qu’il s’agisse ou non d’un EP ou d’un album, cela dépendra de la façon dont les choses se mettent en place. Mais nous avons beaucoup de chansons sur lesquelles nous travaillons. » Le prochain single I’m So Fucking Happy devrait paraitre au printemps. Nous laissons Alexis, fière de nous montrer sa dernière acquisition vestimentaire, un blouson jean brodé coloré, repartir se reposer avant le concert du milieu de la nuit.

Nous terminerons en douceur cette journée de showcases par celui proposé par French Go Live, l’avant-garde 2023 des éditeurs indépendants où nous croisons les Charlotte Fever qui sortent leur nouvel album le 10 novembre, nous y reviendrons prochainement. Véritable voyage musical et poétique avec OJÜN, projet de Guillaume Chartin, compositeur de musique électronique qui s’inspire de ses voyages et rencontres.

 

Crédit : LFC

 

Nous allons quitter la ruche MaMA, non sans une certaine frustration de n’avoir pu en découvrir plus : le grand retour d’Anaïs, les prestations de Chien Noir, d’Ysé ou de Jeanne Added, entre autres.

Une mention spéciale pour Victor Mechanick, qui nous a charmé avec ses mélodies pop intemporelles, qui nous rappellent le meilleur des années 70’s.

 

Texte Lionel-Fabrice Chassaing

Photo de couverture Ludivine Pellissier