Comme si l’homme avait marché sur la lune, Pégase lui a composé un album. Du même nom, efficace sensible et mélancolique. Nostalgique, rythmé et parfois touchant comme si ces 10 titres composaient la bande originale d’un documentaire qui retracerait l’apparition de la vie sous forme humaine sur terre et son évolution. Les sentiments en plus. Darwin aurait approuvé. 

Sorti le 3 février dernier, l’album de Pégase propulse dans leur univers interstellaire voire carrément martien. Le projet qui tient au jeune Raphael, se voit entouré de tout un groupe en live. Dès ce soir au Nouveau Casino, on pourra apprécier d’ailleurs les efforts scénographiques imaginés pour la tournée qui démarre par Paris et représente ce joli album. « On a essayé de ramener un univers sur scène avec un show de lumières et de miroirs. Il y a des passages où on se croirait un peu sous l’eau. On a passé beaucoup de temps à travailler dessus pendant tout le mois de janvier, et l’atelier regular qui s’occupe avec moi du graphisme et du design. » Raphaël attache de l’importance à l’esthétique de sa musique. La pochette de l’album est faite à partir de ses propres photographies et le clip de Ladybug, lui est issu d’une volonté de montrer ce qui se passe en live avec Pégase et travaillé avec soin. « Je travaille beaucoup avec le collectif Incredible Kids et parfois faire une vidéo c’est presqu’autant de travail qu’un album ! ».

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Annoncés également au Printemps de Bourges, le festival aura la chance d’accueillir le combo à la dream pop sensiblement synthétique. Habitué de la musique industrie, Raphaël est aussi à l’origine du label Futur dans lequel il lance des groupes comme Disco Napoléon. « Avoir un label par contre était un rêve d’ado et c’est passionnant. Tous les musiciens de Pégase, sont aussi dans des groupes de mon label » raconte-t-il. Ce projet solo, pour celui qui sort du groupe nantais Minitel Rose est à la fois une manière de reprendre le contrôle sur une musique qu’il fabrique de toutes pièces seul, depuis 10 ans, et un moyen de répondre à un appel de création très instinctif. Sur ce sujet, il n’exclut pas d’ailleurs de refaire un groupe un jour.

« Faire de la musique seul, c’est différent et c’est une autre approche. J’ai des choses à exprimer seul qui sont super intimes. Dans un groupe chacun se pousse pour atteindre le meilleur de soi, c’est très positif. Quand tu créés un groupe tu fais émerger un univers. Dans Pégase, c’est pas un univers, c’est moi ! Cela ressemble à ce que je suis, à ce que j’étais quand j’étais gamin, et à ce que je vais devenir. »

 Lui. Mais qui est-ce  justement ? Inutile de donner son âge ou de parler de sa première fois. Ce qui fait Raphaël – pégase, c’est sa culture à la fois bercée des années 80’s, du Club Dorothée et de ces mangas interdits et de science-fiction. Fan des films fantastiques, ses machines et synthétiseurs représentent une musique du futur qui berçait ses rêves d’enfant.Des machines parfois plus vieilles que lui qui sont toujours dans sa tête le « son du futur ». Revenu de plus en plus aux instrumentaux, le bonhomme lui ne se cache pas d’être un peu « ailleurs », comme il dit. « J’espère que quand les gens écoutent mon album cela les fait voyager ailleurs, voire changer de galaxie…(rires) » explique-t-il. Musicalement pourtant, Pégase est loin d’une musique électronique condescendante. Les mélodies, même naïves ont toute leur place et cela s’explique par ce regard de producteur qui vit derrière le synthétiseur. Un parti-pris qu’il exprime sans regret : «  Il y a beaucoup de projets très produits. Mais au final, tu es incapable de te souvenir de la chanson car il n’y a pas d’écriture. »

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Une composition aussi bercée de rythmiques entrainante qu’il a étudiées depuis ses racines africaines à asiatiques. Comme tout est pensé à sa base, il n’est même pas étonnant de comprendre que l’album est aussi, lui pensé dans son ensemble et même dans un ordre chronologique… 

« Je voulais vraiment m’imposer de décrire d’abord le premier morceau de l’album, puis le second etc. Parfois je m’impose des concepts super forts ! Mais je n’ai pas réussi. J’ai fait beaucoup de titres, d’une façon assez instinctive car je comprends souvent mes textes plusieurs semaines après les avoir écrits. Je laisse vieillir mes chansons. C’est le seul truc que j’ai trouvé pour être sur qu’elles me plaisent. Il y a d’ailleurs un morceau que Thibaud adore: « Petite Star » qui n’est pas dans le disque, pour moi c’était hors propos. J’ai construit l’album comme un tableau », avoue le musicien.

Maniaque mais pas jusqu’au bout des doigts c’est finalement le live qui ordonnera l’album  à coup de set list testée et re testée. Un ordre finit par s’imposer de lui-même et tant mieux car si cet homme venu d’ailleurs semble n’avoir peur de rien, le format de l’album constitue à lui seul une phobie : « j’avais peur que les morceaux se ressemblent tous. Cela arrive souvent que des tubes entrainent des sortes de « petits-frères » surtout en électro. Ici, chaque titre est une personne différente mais si tu en enlèves un, tout se casse la gueule ».

Difficile le bonhomme, il l’est encore plus lorsqu’on lui demande quel style prédomine dans son Ipod. « Il n’y a pas un seul style que je ne trouve fantastique. Pour me satisfaire j’ai besoin d’aller dans tous les styles». Peur de se laisser influencer ? L’artiste n’est pas à l’affut des dernières sorties façon geek mais aime plutôt redécouvrir.

« J’écoute pas mal en ce moment Tim Hecker, c’est beau, c’est de la vraie musique du futur. C’est fou à l’heure d’internet de redécouvrir un album de 2007. En musique électronique par contre, l’album de l’année c’est celui de Daniel Averic : « Drone logic ». C’est rare d’avoir un album électro que l’on aime du début à la fin. Si j’écoute les morceaux individuellement et dans le désordre il y a des morceaux que je ne vais pas aimer. Mais dans sa totalité, c’est cohérent. Daniel Averic a construit son album comme un disque de pop ou rock. » analyse Raphaël.  

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Chevalier du Zodiaque (on ne s’y trompe pas) marqué par l’enfance mais aussi Blade Runner (Rachel est son icône féminine au même titre que Bowie l’est au masculin…), les variations de sa musique il commence à peine à les reconnaitre lui-même, aussi bouleversante qu’elle a pu l’émouvoir dans “Monkeys” par exemple, il confie que derrière se morceau se cachent des choses très fortes. Une part d’intime qu’il ne dévoile pas plus qu’il ne l’a fait dans cet album. Et on en devine alors bien plus. Dix titres qui emmènent au coeur d’un voyage qu’il entreprend comme pour la première fois de sa vie. Et pour cause: ” Mes parents ne voyageaient pas, mais avec mon précédent groupe on a du jour au lendemain fait trois fois tous les continents ! C’était extraordinaire et vécu en accéléré dans un univers de la musique et non pas en tant que touriste” s’émerveille-t-il. Extasié, par les amitiés naissantes comme ces Ukrainiens dont il se dit “pote à la vie à la mort” et qu’il n’a vus que 40h00, il reconnait alors que “voyager aide à se connaitre”, tout simplement.

Nous on se dit que son album nous ferait presque, lui, économiser un billet d’avion…