Avec deux mixtapes et bientôt trois albums à moins de 24 ans, Hyacinthe est un artiste hyperactif aux airs de bad boy désabusé, qui parle néanmoins autant d’amour que de sexe. Garant d’un « rap-nouveau », le Parisien prend des chemins de traverse depuis les balbutiements de son projet, et a naturellement fini par crever l’écran. Une chronique à retrouver dans le Modzik #53.
Photos Yann Morrison – Style Nicolas Dureau –
Maquillage et coiffure Sayaka Otama – Texte Jakob Rajky
Des faux hipsters et des vrais grosses bites
Hyacinthe n’est pas un rappeur comme les autres, il n’y a qu’à voir le parcours de ce Parisien de 24 ans prénommé Marin. Pas loin du cimetière du Père Lachaise, comme un symbole, le crew sagement nommé Des Faux Hipsters et des Grosses Bites, constitué des rappeurs Hyacinthe et L.O.A.S et du beatmaker-homme à tout faire Krampf, distille depuis quelques temps maintenant leurs états d’âme et leurs sales habitudes. Après deux mixtapes en 2012 (« Des hauts, des bas, des strings ») et en 2013 (« Sur la route de l’Ammour ») sortait en 2015 le premier album de Hyacinthe (bien aidé de ses deux acolytes) « Sur la route de l’Ammour 2 : Mémoire de mes putains tristes » (SLRA2).
“Énumératif de ses vexations passées, de ses aspirations futures et de ses exaspérations présentes, le rappeur parisien gagne aisément le statut d’espoir de la scène rap hexagonale”
Inspiré par le gros son d’Oakland, de Chicago et d’Atlanta – mêlant alors cloud, drill et trap – mais aussi par son modèle de toujours Eminem ou par les Français Fuzati, PNL et Kaaris, Hyacinthe fait preuve d’une grande force d’écriture et s’échine à kicker les instrus de Krampf avec toute la hargne qui sied à un blanc-bec aux cheveux raides se lançant dans le rap. Énumératif de ses vexations passées, de ses aspirations futures et de ses exaspérations présentes, le rappeur parisien gagne aisément le statut d’espoir de la scène rap hexagonale. Mais pas seulement…
La vraie vie
C’est là toute la patte du jeune homme, qui loin d’entrer dans le moule de ces nouveaux rappeurs-stars, décline plutôt ses thèmes favoris, et surtout vécus – la drogue, le cul et la mort – en prenant le parfait contre-pied d’un genre devenu sans doute trop lisse. Une part d’ombre que le rappeur assume depuis ses débuts comme l’atteste cet extrait d’une entrevue avec les Inrocks : «Je vais vous raconter ma grande histoire : comment est né Hyacinthe.”
“La vie est dure ? Qu’à cela ne tienne, mon rap le sera aussi.”
“Je sortais avec une fille depuis très longtemps, jusqu’à fin 2011, quand j’ai commencé à écrire “Des hauts, des bas et des strings“. Ça s’est très mal terminé. À la fin, elle était suicidaire et enceinte de moi. Je me suis dit : alors c’est ça être un adulte ? C’est pour cela que pendant un temps, j’ai tenu des propos durs et violents. J’étais baisé ». Des coups pris qui font grandir le garçon et éclore l’homme lucide et sincère. La vie est dure ? Qu’à cela ne tienne, mon rap le sera aussi.“
Différent mais pas alternatif
Hyacinthe n’est qu’un catalyseur. Se défendant d’essayer de faire comme les autres, le rappeur fait plutôt comme tout le monde, au sens littéral du terme. Son nouvel album, « Sarah », regorge d’influences diverses : de la pop sur « Avec Nous » en featuring avec The Pirouettes, une orgie d’autotune sur « Ma Belle » avec Laylow, une ballade électronique sur « James Dean » et le premier morceau de rap-gabber de l’histoire avec le single « Sur ma Vie », coproduit par von Bikräv des Casual Gabberz. Les machines sont omniprésentes dans l’univers de Hyacinthe, les grésillements et les bugs digitaux se mêlent aux pianos langoureux et à l’auto-tune céleste, le tout survolé des textes incisifs tendance hardcore que le rappeur apprécie. C’est le fil rouge dans le travail du gamin et de son collectif de faux hipsters à gros membres : dépeindre la réalité de leur vie en utilisant les outils et les tendances qui font les beaux jours de l’industrie musicale.
“Se défendant d’essayer de faire comme les autres, le rappeur fait plutôt comme tout le monde.”
Hyacinthe a tout compris, dans un monde ultra-connecté et cosmopolite, il s’accapare tous les genres, les mélange, les salit, les bafoue. En résulte un melting-pot de styles, véritable feu d’artifice musical dont le seul véritable liant est la qualité première du rappeur : la sincérité. Un album à écouter ivre en marchant sous la pluie, une fille dévêtue pendue au bras, un joint dans la bouche.
Hyacinthe
Sarah
(Chapter Two / Wagram)