En 2023, Mahalia a marqué les esprits avec son nouvel album IRL, une tournée européenne à guichets fermés et la deuxième saison de ses soirées Mahalia Presents à Londres et à New York. En cette saison festive où les clichés sont incontournables, revenons à notre rencontre avec l’artiste : tel un rayon de soleil perçant une journée glaciale, Mahalia parvient à réchauffer même les sujets les plus froids.

 

Photo : Sirui

 

Tu te rappelles ton concert à Paris ?

Ah oui, on s’est dit avec le groupe de façon unanime que Paris était notre meilleur concert en Europe. Cela faisait environ trois ans que je n’avais pas joué là-bas, donc je pense que l’énergie était au point, et en plus, c’était Halloween, donc tout le monde était déjà un peu survolté. Il y avait beaucoup de gens déguisés, c’était vraiment amusant.

 

Tu as dit sur scène que le public français semblait plus joyeux que le public britannique. Tu partages toujours cet avis ?

C’est marrant parce que j’ai déjà fait plusieurs concerts à Paris et l’ambiance n’est pas toujours aussi bonne. Les Parisiens me font parfois penser aux Londoniens. C’est un public un peu « cool ». Il y a de l’énergie, mais un peu de façon détendue. Au Royaume-Uni comme à Paris je parle beaucoup sur scène. Je fais des petites blagues et vois les gens rire avec moi. Contrairement à parfois, comme à Cologne, où j’ai fait un concert et raconté des blagues et il y avait des gens qui n’avait aucune idée de ce que je disais (Rires). Mais niveau ambiance, Paris c’était mon coup de cœur.

 

On sent que jouer les morceaux en live avec ton groupe leur rajoutent un dynamisme, est-ce que tu ressens ça aussi ?

Carrément. C’est toujours super cool d’adapter les chansons à la vibe dans la salle. Je sais que certains veulent entendre les chansons telles qu’elles ont été enregistrées, pour un certain riff de guitare ou une ligne de basse particulière, mais j’aime bien pouvoir les revisiter dans un contexte live. C’est fun de pouvoir chanter les chansons d’une manière différente, monter d’un ton ou descendre d’un ton. Mon groupe déchire. Les garçons sont vraiment au top. J’ai peut-être un peu de parti pris, mais ça fait des années qu’on est ensemble, et je les trouve tous géniaux. Je me sens vraiment soutenu que ce soit avec la musique ou leurs sourires sur scène. Je trouve ça génial, c’est le meilleur aspect d’être artiste. La connexion est vraiment là.

 

C’est vrai ce que tu disais que tu as changé l’ordre trois ou quatre fois pendant le concert ?

Oui, on modifiait la setlist chaque soir parce que c’était un nouvel album. On essayait de voir ce qui plaisait aux gens, ce qui plaisait moins, quelles chansons ils connaissaient ou pas. Et avec un nouveau set il faut un peu improviser, parce qu’on ne sait jamais comment les gens vont réagir à telle ou telle musique.

Mais ça veut dire aussi que je ne pouvais jamais retenir l’ordre. Je devais toujours vérifier, ou parfois quelqu’un me glissait à l’oreille : « N’oublie pas qu’on enchaîne sur In My Bag au lieu de November ». C’était vraiment à l’arrache, mais ça rendait tout plus fun. On ne faisait jamais le même show deux fois.

 

 

Il y a des titres que tu préfères interpréter ?

J’adore jouer les anciennes parce que les gens ont passé plus de temps avec eux. Mais j’aime bien aussi mettre des chansons auxquelles les gens ne s’attendent pas. Dans le rappel, on a joué Hideout, la première du dernier album. Je suis sûr que la moitié de la foule ne la connaissait pas mais pour les fans hardcore, c’est cool de faire un truc auquel ils ne s’attendent pas, mais qu’ils ont kiffé sur le dernier album. Mais sinon In My Bag c’est vraiment fun.

Je dirais aussi November, une sorte de chanson d’amour à l’agonie qui dit que je t’aimerai toujours. J’adore voir les gens se rapprocher à ce moment-là. C’est vraiment cool, parce que c’est exactement la réaction que je voulais.

 

Tu parlais d’espérer que les gens la choisissent comme leur chanson de mariage, quelqu’un l’a déjà fait finalement ?

Non, pas encore, j’attends toujours. Quelques personnes m’ont dit que ça serait leur chanson de mariage mais j’attends de voir.

 

Pourquoi penses-tu que cet album a particulièrement bien accroché avec les auditeurs ?

J’y ai vraiment réfléchi. Je pense que j’écris de manière assez conversationnelle. Toutes les chansons viennent de quelque part. Elles sont toutes inspirées de situations de la vie réelle, et c’est peut-être pour ça qu’elles résonnent.

Je crois que les gens aiment se voir reflétés dans l’art. Je sais que moi, ça me parle beaucoup quand je suis vraiment immergé dans une série télé par exemple. Je pense que c’est à la fois de l’évasion et aussi de se retrouver dans un personnage ou dans une histoire. J’apprécie cette sensation de connexion. C’est la musique que j’aime le plus. Quand j’entends quelque chose et je me dis, « Wow, elle vient de décrire complètement ma situation ». C’est vraiment super honnête et fun.

 

Je suppose que c’est ce qui vient avec l’écriture de musique honnête, c’est que tu as toutes ces histoires réelles qui y sont attachées et je revis un peu tout ça à chaque fois que je les chante sur scène.

 

C’est clairement quelque chose que tu réussis bien. Une de nos chansons préférées, Lose Lose, est sans doute l’une des plus mélancoliques de l’album. Comment ça fait de chanter une chanson aussi émouvante, comparé à quelque chose de plus léger comme In My Bag ?

Lose Lose peut parfois être difficile à chanter parce que c’était une chanson vraiment, vraiment, vraiment difficile à écrire. C’est d’ailleurs devenu ma préférée assez rapidement. Je dis tout le temps que je suis une fille amoureuse, mais je suis clairement une fille qui aime les chagrins. J’adore cette sorte d’émotion, quand quelque chose de musical te déchire complètement. Cette chanson est particulièrement dure à chanter, car parmi toutes les chansons, c’est probablement celle aux paroles les plus honnêtes.

Je pense que les gens sont peut-être passés à côté de Lose Lose parce que l’enregistrement qu’ont a gardé sur l’album  c’est en fait la démo, donc la chanson n’est pas du tout parfaite. En vrai, ça sonne un peu bancal par moments, mais c’est ce qui lui donne son charme. Ce n’est peut-être pas la chanson dont tout le monde parle, mais c’est celle que je pense qui pourrait te surprendre sur l’album.

 

 

J’adore la poésie de cette chanson. C’est à propos de mon mec, et je lui dis essentiellement que je ne veux pas rompre, mais que si je sens que c’est ce dont j’ai besoin, alors on le fera. Je suis toujours avec mon copain, donc parfois devoir chanter cette chanson en live, surtout à Londres quand il est dans la foule… Il sait que c’est à propos de lui, et il sait que c’était une période douloureuse. C’est vraiment une chanson pleine d’émotion sur scène. Vers la fin de la tournée, ça allait mieux, mais au début, cette chanson me rendait vraiment triste quand je la chantais.

Mais après avoir dit tout ça, finalement j’apprécie ces moments plus que tout. Grateful, une de mes anciennes chansons, est une chanson d’amour à propos d’un mec avec qui j’étais quand j’avais 19 ans, qui a fini par être l’une de mes pires relations toxiques. Et j’ai « grateful » tatoué sur mon bras. Chaque fois que je la chante, même si je sais que ça rend beaucoup de gens heureux, ça me rend assez triste parce que j’ai un souvenir assez négatif attaché à cette chanson. Je suppose que c’est ce qui vient avec l’écriture de musique honnête, c’est que tu as toutes ces histoires réelles qui y sont attachées et je revis un peu tout ça à chaque fois que je les chante sur scène.

 

Photo : Sirui

 

En plus d’une année phénoménale, tu n’as pas cessé de témoigner ton soutien aux artistes R&B, notamment à travers les soirées Mahalia Presents, où tu offres une scène à des talents divers. La dernière a marqué la soirée de Noël et la fin de cette deuxième saison, comment s’est déroulé cet événement festif ?

C’était vraiment bien. C’était différent parce que je ne buvais pas. Je ralentis un peu pour Noël et j’essaie de prendre mieux soin de moi parce que j’aime bien prendre un petit verre de vin en soirée… voir cinq ou six (Rires). Mais c’était incroyable. Notre première soirée internationale. On avait un artiste d’Australie et un artiste de Toronto. C’était une étape vraiment importante. Un moment fort pour la soirée elle-même.

 

Est-ce que certains artistes se sont vraiment démarqués ?

Absolument. La semaine dernière, il y avait une artiste de 17 ans d’Australie [JACOTÉNE] et elle m’a vraiment bluffé. Tout son show était dingue. Je ne veux pas trop focaliser sur son âge parce que je détestais quand les gens le faisaient avec moi, mais c’était impressionnant de voir cette adolescente monter sur scène et incarner une telle force artistique. J’ai versé une petite larme en la regardant.

On a eu Saint Harison il y a environ un an, c’était le show le plus fou que j’aie jamais vu. J’étais sous le choc toute la soirée. On a eu No Guidance, un groupe de R&B qui est aussi venu en tournée avec moi. J’ai toujours hâte de voir tous les artistes que j’invite parce que je crois en eux. Mais honnêtement tout le monde m’a impressionnée à sa manière.

 

 

Y a-t-il quelque chose qui t’a surpris en organisant ces shows ?

Le fait qu’ils soient Sold-Out à chaque fois, parfois même avant qu’on annonce la programmation. Les gens ont confiance en moi pour organiser une bête de soirée et il y a des gens qui reviennent plusieurs fois. Ça me permet de créer des liens avec des gens qui sont, oui, fans de ma musique, mais aussi avec des fans de l’ambiance de la soirée. C’est une manière vraiment cool de connecter avec les gens, de se rappeler qu’on est tous là ensemble à apprécier un artiste de dingue. J’aime briser le quatrième mur, je suis vraiment une fille comme les autres. C’est important pour moi de montrer ça, d’où l’idée d’être toujours là, constamment. J’adore quand les gens rentrent, me voient, et se disent, « Oh my God, t’es la ?! ». Et je réponds : « Évidemment que je suis là ! Pourquoi je ne le serais pas ? ».

Le week-end dernier, je suis rentrée en métro avec des filles de la soirée, et elles ne comprenaient pas que je prenais le métro. Je prends le métro partout moi. Y a plein de trucs dans ma vie que je veux garder comme ça. J’espère toujours pouvoir être moi-même.

 

L’annonce des Brits me rend très heureuse, parce que je pense qu’à présent, une petite version de moi-même quelque part se dit : « Peut-être que je pourrais remporter un Brit un jour ».

 

Tu comptes faire des soirées en Europe ?

Oui, absolument. On planifie une mini-tournée au Royaume-Uni, pour voir comment ça se passe. On a fait quelques soirées à New York, c’était vraiment sympa, mais certains pensaient que j’étais la tête d’affiche donc c’était peut-être encore un peu tôt. Il faut surtout agrandir la marque – ça fait tellement business (Rires). Il y a beaucoup de choses auxquelles je pense, j’adorerais avoir une scène de festival !

 

T’as toujours soutenu le R&B et réclamé que les Brit Awards séparent Pop et R&B. C’est fait depuis l’annonce du 24 novembre. Penses-tu que l’année 2024 marquera véritablement l’essor du R&B ?

Je pense que oui. En ce moment, je me sens vraiment optimiste à propos de toutes ces discussions. Mon objectif a toujours été de m’assurer que la jeune génération d’artistes R&B se sentent à leur place. L’annonce des Brits me rend très heureuse, parce que je pense qu’à présent, une petite version de moi-même quelque part se dit : « Peut-être que je pourrais remporter un Brit un jour ».

Quand je pense aux artistes que j’ai vu lors de mes propres soirées et ailleurs, je pense que le R&B, particulièrement au Royaume-Uni, est vraiment entre de bonnes mains.

 

Pochette d’album : IRL