Lorsqu’on rencontre Zach Condon alias Beirut, on ne peut qu’être touché par sa sincérité désarmante et sa capacité à vous entrainer momentanément dans sa vie. On parle de son séjour parisien, il a habité trois mois à Gambetta avant de se poser finalement à Berlin. Il s’apprête à nous offrir Hadsel, son nouvel album composé en Norvège, dans l’archipel de Vesterålen.

 

 

 

 

Son besoin d’isolement ne l’empêche pas de revenir ponctuellement dans le grand bain de l’industrie musicale. Moment idéal pour échanger sur son rapport aux médias, ses obsessions, son rapport à l’industrie et sur… le skateboard.

 

Crédit : Olga Baczynska

 

Vous parlez beaucoup aux médias, même au-delà de votre démarche artistique.

La chose la plus drôle est que vous pouvez tout leur dire et de manière très honnête. Mais, ils continuent de raconter n’importe quoi. Pendant longtemps, les gens me demandaient si mon grand-père était Eddie Condon, le célèbre guitariste de jazz. Je n’ai jamais dit ça. Parfois, je lis les articles complets me concernant pour voir ce qui est écrit. Neuf fois sur dix, il y a des erreurs majeures ou pire. (Me voilà prévenu…, NDLA). Imagine, s’il s’agissait de politique par exemple. Moi, je suis un artiste, qu’importe si je suis mal cité ou mal traduit, au final, ce n’est pas vraiment important.

 

Les réseaux sociaux ?

J’ai du m’y mettre, mais j’essaie de ne pas trop en absorber. C’est un peu comme quand tu as besoin d’une dose de sucre. C’est bien quand tu l’as, mais si tu continues, tu te sens un peu malade et un peu mal à l’aise. Je ne sais pas vraiment où trouver l’énergie pour ça. En même temps, c’était beaucoup plus difficile quand j’avais la vingtaine et que ma carrière commençait. Je voulais voir ce que les gens pensaient… Après les concerts, j’allais en ligne. Est-ce que les gens avaient aimé le live ? Que disaient-ils de moi ? Cela pouvait me rendre très malade. Je veux dire, littéralement, physiquement, je pouvais avoir des nausées. Parce que ce n’est pas une démarche naturelle. Pour The Flying Cup Club, je ne m’en suis pas soucié. Mais pour The Rip Tide et No No No, j’angoissais des retours, il m’était quasi impossible de m’asseoir au piano et de ne pas me dire que chaque note que je jouais sera entendue par quelqu’un. Et plus j’y pensais et plus cela ruinait ma créativité.

 

Maintenant que vous êtes célèbre, cela a-t-il un impact sur vos compositions ?

Absolument, c’est pourquoi je disais que cela a causé tant de douleur et de souffrance sans raison, surtout pour ces deux enregistrements, même Gallipoli ça m’a rendu dingue. Je pense que The Rip Tide, cela n’allait pas si mal malgré tout. Mais ensuite, cela m’a paralysé, de manière horrible. Parce que c’était à un moment de ma vie où beaucoup de choses s’étaient effondrées. Et je voulais vraiment, vraiment savoir que… j’étais accepté. Je voulais savoir que j’étais apprécié.
Et ce désir est devenu écrasant. Il m’a conduit dans des endroits très, très sombres. Ça a pris le dessus et je ne l’ai pas réalisé. Ça a pris le dessus pendant huit ans ou quelque chose comme ça, ce qui a conduit à la rupture et à l’effondrement en 2019. Tout ce que j’ai fait pendant ces années dans ma vie personnelle, pas sur disque, mais juste dans ma vie, mes interrogations étaient… « De quoi ai-je l’air ? Comment cela me présente-t-il au monde extérieur ? » Cela m’a obsédé au point de perdre tout sens de moi. Toute cette période a conduit à un épuisement complet et total. Parce qu’on ne peut pas vivre comme ça. C’est impossible. Mais pour en revenir à ta question initiale, cette situation m’a mis sous le feu des médias, j’étais très honnête dans ma démarche. Je crois que j’essayais de le présenter comme si… Comme si je savais quel serait le résultat, comme si je savais où j’allais, comme si je comprenais toutes les façons dont cela me rendait vulnérable, bon ou mauvais… J’ai en quelque sorte… essayé de jouer à Dieu… Maintenant j’ai réglé le problème. Et je n’ai pas à m’épuiser à essayer de faire semblant. C’est plus facile de dire. J’ai eu une vie très mouvementée, et je pense que si les gens me parlent, et que ce n’est pas seulement à propos de ma musique, car la chose la plus intéressante dont nous devons parler est probablement ce que j’ai traversé. Et je pense que j’ai beaucoup de choses à dire à ce sujet.

 

Album Cover – Lina Gaißer

 

Peut-on, à votre avis, et compte tenu de ton vécu sortir un album sans promo ?

Je fais de la promotion dans le sens le plus ancien du terme. Je pense que si mon nom et le titre de mon album sont dans la presse, cela créé de l’intérêt et donc de la curiosité. Mais, dans le même temps, je ne pense pas que vous ayez nécessairement besoin de cela de nos jours si vous êtes établi, que vous continuez à faire des concerts, vous pouvez probablement faire que cela. J’ai toujours eu un attachement envers les médias que j’ai lus en grandissant, et particulièrement ceux qui traitaient de la musique. Je voulais en en faire partie. J’aimais aller chez Borders, une chaîne de magasins qui a fermé aux États-Unis il y a 15 ou 20 ans. C’était le seul endroit à Santa Fe où je pouvais acheter des CDs et consulter des magazines de musique. L’une des choses que je préférais faire quand j’étais adolescent, c’était de m’asseoir et de lire des articles sur ces musiciens qui venaient de New York, de Paris et de Londres. J’avais l’impression d’être dans un monde incroyable. Cela me remplissait d’histoires, de possibilités et d’idées. Et j’adorais lire les articles concernant Elephant Six (collectif américain composé de Bill Doss, Will Cullen Hart, Jeff Mangum, et Robert Schneider, NDLA). C’était ma passion et mon obsession, et les médias en faisaient vraiment partie. C’est comme avoir une équipe de football préférée, tu t’énerves quand elle ne joue pas bien, de la même manière tu peux être déçu par un album d’un de tes artistes préférés. C’est une autre raison pour laquelle je fais de la promo, parce qu’il y a une partie de moi qui aime toujours ça et l’apprécie.

 

En parlant de sport, j’ai lu que vous étiez un nerd de skateboard.

Complètement. Mon rêve était de devenir skateur professionnel et en deuxième musicien. Mon intérêt pour la musique s’est renforcé vers l’âge de 18 ans. Vers mes 15 ans, j’ai arrêté de prendre le skateboard au sérieux parce que je me blessais beaucoup. Je me jetais dans de grands escaliers et j’essayais de monter sur les rampes. Et cette blessure… (me montrant son avant-bras gauche) elle vient de ma pratique du skateboard. Je l’ai cassé en faisant quelque chose d’incroyablement stupide en dehors du skateboard. Et puis pendant que ça guérissait, je sautais sur le skateboard. Je me le suis cassé, je crois, trois fois. Et donc cet os a cessé de grandir, le droit a continué à grandir. Ils ont donc dû retirer un morceau d’os pour raccourcir un côté parce que mon poignet se tordait. Et ça me faisait mal tout le temps. Et au début, mes parents me disaient, oui, bien sûr, ça fait mal, mais tu continues à tomber dessus.

 

Crédit : Holmes

 

Vous n’aviez pas une protection ?

Je n’en ai jamais porté. Aucun skateur sérieux à l’époque n’en portait. Maintenant, le skateboard a un des premiers pros qui n’est pas un patineur vert (abréviation de Vertical Skateboarding, NDLA), Andy Anderson. Il vend des casques de sa propre marque. Et pour moi, en tant que skateur du début des années 2000, c’était du jamais vu. Nous l’aurions traité de traître. Et maintenant je me dis, tu sais quoi, c’était peut-être une bonne idée.

 

Vous avez réessayé depuis ?

Oui, bien sûr. En 2017, je me suis encore cassé le poignet en faisant du skateboard. Comme entre les tournées, je n’ai pas de passe-temps, je vais au hasard et je veux vraiment patiner. Alors je me dis que je devrais faire quelque chose de physique. Je vais donc acheter un skate et je vais y aller. A New York, j’avais l’habitude d’aller patiner. Et une fois, entre les tournées, j’allais très vite dans la rue, je me suis retourné pour regarder mon frère, je me suis retrouvé au sol après avoir heurté un rocher. Je me suis cassé le coude. Après cela, je me suis promis que j’allais arrêter. Et puis, ils ont construit un skate park en face de chez moi, de l’autre côté de ma rue. Chaque jour, j’allais juste sur mon porche, la première chose que je voyais quand je sortais était le skate park et je le regardais pendant des heures. Et je me disais, tu devrais, non, tu ne devrais pas. Un peu comme un alcoolique dans un bar. Et puis, vous savez, j’ai fini par dire au diable. Et j’ai racheté une planche, j’y suis allé et j’ai patiné pendant environ deux semaines. Et je me suis dit je ne vais pas faire de figures. Je vais juste rouler. Et deux semaines plus tard, ma petite amie de Berlin est venue me rendre visite. Et je me suis dit, je vais essayer quelques trucs. Elle était là, lisait un livre et j’ai voulu l’impressionner. Et je l’ai fait, je faisais juste à un grind (une manière de glisser sur les trucks, NDLA) très simple et ma roue s’est écrasée et je suis tombé, une nouvelle fracture. J’ai donc passé une bonne partie de l’année 2017 dans un plâtre.

 

Crédit : Lina Gaißer

 

Quel parallèle faites vous avec votre pratique de la musique ?

L’obsession. Même pendant les confinements, j’ai décidé d’essayer un autre passe-temps… (Zac cherche sur son portable.)

 

Un jeu sur votre téléphone ?

Non, mais je fais ça aussi, de manière obsessionnelle, bien sûr… Je construisais des modèles réduits de voitures. (En me montrant sa galerie de photos) j’ai commencé de manière très amateur par cette voiture, je l’ai peinte à la main, elle est donc très grossière. C’est une Trabant (voiture très populaire de l’ex Allemagne de l’Est, NDLA). Mais je me suis beaucoup amélioré. La dernière que j’ai faite est celle-ci (une 2 CV, NDLA). Et les Allemands l’appellent l’Inter, le canard. C’est ma voiture préférée. Quand je suis à Paris, je prends toujours des photos à côté d’une 2CV quand j’en vois une. Tu vois que je me suis beaucoup amélioré. Et je suis devenu si bon que j’ai acheté pour 3000$ de peinture et accessoires…

 

Combien en avez-vous maintenant ?

Je n’en ai que cinq. Parce que ce qui s’est passé, c’est que j’ai acheté pour des milliers de dollars d’équipement professionnel, j’ai passé des heures à aller sur internet pour trouver les meilleures peintures. Mais, les meilleures sont les plus toxiques Et puis l’hiver est arrivé, je ne pouvais plus avoir la fenêtre ouverte dans mon studio, les vapeurs abimaient mes instruments. Alors, j’ai arrêté. J’ai perdu tout mon temps, tout mon argent pour ce nouveau passe-temps. Je ne peux pas avoir un passe-temps parce que cela deviendra une nouvelle obsession. Je n’ai donc réalisé que cinq voitures miniatures et j’ai encore tout l’outillage professionnel dans un coin de mon studio.

 

Votre nouvel album Hadsel, qui sort le 10 novembre, me semble plus impressionniste qu’expressionniste, comme étaient les premiers. J’ai la sensation que vous vouliez montrer qui vous étiez, alors qu’avec Hadsel, il s’agit plus de transmettre vos sentiments…

C’est plutôt que ce n’est pas quelque chose que j’ai fait consciemment. C’est simplement ce qui est arrivé. Mais je comprends pourquoi tu dis cela. Et je pense que je suis d’accord. J’essaie juste de penser à un bon moyen de connecter la musique avec ce que je ressentais quand je travaillais dessus. Le son est une chose très organique en soi. Mais les paroles, par exemple, je l’ai fait exprès, parce que tu sais, les paroles, je l’ai probablement dit dans toutes les choses que tu as pu lire, n’ont jamais été mon point fort. J’ai souvent détesté le processus. C’était comme arracher des dents, juste un sale boulot qu’il faut faire. Avec ce disque, j’ai en quelque sorte effacé tout ça. Quand j’ai commencé l’album, je composais en faisant attention à tous les détails. Le chant n’est arrivé qu’après la musique construite. Je me disais que tout ce qui venait dans les deux ou trois premières prises, je le conservais. Je n’avais pas écrit de paroles avant. Je les ai improvisés sur place.

 

 

A propos des paroles, vous dites qu’elles n’ont pas d’importance.

En effet, et je dirais qu’en général, c’est toujours vrai. Pour moi, les paroles sont comme une belle décoration sur un gâteau, mais elles ne sont pas le gâteau. La beauté la plus mystérieuse est la musique. Les sons qui soudainement s’organisaient et s’harmonisaient rendaient ce sentiment, ce qui était juste complètement transcendant. Alors que pour les paroles, j’utilise la métaphore de clouer un cerf-volant au sol. Si on le ramène sur terre, on le ramène à quelque chose de si banal. Avec Hadsel , j’ai permis aux paroles d’être presque aussi libres que la musique, ce qui vient, vient.
Quand je relis les paroles maintenant, parce que je devais les écrire pour les publier, je les regardais et je me disais, cela ressemble à une conversation dans ma tête : c’est très répétitif et très obsessionnel. Pour la première fois, j’avais vraiment l’impression de voir mon propre esprit en dehors de moi. Intéressant. Avant, j’étais tellement obsédé par le contrôle, par la façon dont ce serait perçu, que je pensais dans un premier temps que je ne voudrais pas voir ce que je pense vraiment ou que je serai dégouté de voir mes propres pensées non filtrées et sans toutes les justifications et notes d’accompagnement et toutes ces conneries. Finalement, c’était un peu impressionniste dans le sens où c’était juste une simple question « que vois-tu devant toi dans ta tête ? » Pour cet album, j’exposais ce que je voyais de manière très libre et non structurée et je me disais, gardons-le.

 

C’est aussi dans cette obsession de contrôle que vous avez créé votre propre label Pompeii Records, alors que vous étiez chez 4AD ?

J’ai fait la plupart de mes albums avec 4AD. En fait, le réalisateur Cary Fukunaga, qui tournait un film sur les gangs de la drogue mexicains, m’a demandé d’en faire la bande originale. Il m’envoyait toute cette musique du Mexique, ces fanfares, et j’étais vraiment fasciné. Je me souviens m’être dit que 4AD était une bonne chose, mais qu’il n’y avait rien de pire que de se lancer dans une aventure sans savoir si l’on obtiendrait quelque chose d’utilisable, puis de demander à quelqu’un d’autre de payer pour cela et d’attendre des résultats. J’ai donc décidé de le faire moi-même, parce que je me sentais plus libre d’assumer un éventuel désastre, ou une belle réussite. Le fait de savoir que je pouvais soutenir financièrement le début de l’album, et après voir les résultats à la fin a été une belle expérience. Lorsque mon contrat avec 4AD s’est terminé et qu’ils m’ont demandé si j’étais à nouveau intéressé, je savais que je n’allais pas réussir à partir en tournée.

 

Crédit : Lina Gaißer

 

Parce que c’était la pression du label ?

Ce n’était pas seulement leur pression. Cette pression pèse sur tous les musiciens de nos jours. J’ai ressenti la pression de mon public. Mais le truc est que je tombais déjà malade, que j’annulais déjà des dates. Je savais alors que je ne pourrais pas faire le prochain album avec un label, parce que je ne tirerais aucun revenu de la tournée, et surtout parce que je ne pensais pas pouvoir repartir en tournée. En conclusion, A) je n’en tirerais aucun revenu si je partageais autant les royalties, B) je savais qu’il y aurait la pression et l’attente d’une tournée, et je ne pouvais pas vivre avec cette attente. Je savais donc que je devais le faire moi-même, parce que je n’allais pas me forcer à partir en tournée. Et puis je toucherais les droits d’auteur, et je pourrais peut-être en vivre. Je savais que c’était possible.

 

Entre temps, le streaming est devenu hégémonique pour écouter de la musique.

J’aimerais que ce soit encore l’ère des CDs. Oui, maintenant beaucoup d’artistes tournent beaucoup plus, l’argent généré n’a jamais été aussi important. Mais je trouve ça fou. Ça ressemble à une bulle boursière qui va exploser un jour ou l’autre. Et pour être honnête, je ne veux rien avoir à faire avec ça. Cela me fait peur. Je trouve qu’on engage les artistes, les musiciens en tant qu’athlètes, en recherche permanente de la performance, et je n’aime pas ça.
Je n’ai jamais été très à l’aise en tournée, et je ne peux certainement pas faire face à ce qui a été ajouté, à l’atmosphère extrême qui s’est développée autour d’elle. C’est tellement bizarre de voir tous les festivals, y compris Coachella ou même les festivals Pitchfork, se détourner de la musique indépendante, alors que c’est une catégorie très large et vivante au profit de grosses têtes d’affiche comme, par exemple, Jay-Z et Beyoncé. Pourquoi ont-ils besoin de cet argent, de cette exposition, de telles infrastructures ? En fait, ils n’en ont pas besoin. Ils pourraient faire un Coachella par eux-mêmes s’ils le voulaient. C’est donc une industrie qui se dévore toute seule. C’est comme le marché immobilier de New York.
Ça ne peut pas durer comme ça, ou si c’est le cas, je ne veux pas en faire partie. Mais tu sais aussi que je ne peux pas faire de tournée. J’ai tout essayé, ça ne marche pas. Je ferai des concerts parce que j’aime ça. Il est agréable de remplir un lieu et de sentir le son si grand et si agréable. Cette année, j’ai décidé de faire deux concerts à Berlin, au Tempodrom, les 16 et 17 février 2024. Ce fut un grand questionnement pour moi : dois-je le faire ou pas ? J’ai peur. En tout cas, c’est tout ce que j’ai prévu.

 

Crédit : Lina Gaißer

 

Hadsel.

L’été fut très chaud en 2019, je finissais la tournée, j’étais en burn out… Je cherchais une échappatoire. Ma petite amie m’avait montré Lofoten, les îles les plus célèbres en dessous de Hadsel, plus touristiques (célèbres pour les aurores boréales, le soleil de minuit et ses petits villages de pêcheurs, NDLA). Nous sommes allés à Vesterålen, un peu plus au nord parce que c’était aussi beau et moins touristique. Et nous avons fini par vraiment, vraiment tomber amoureux de l’endroit. Je pense que j’irais à Vesterålen, peut être m’installer.

 

Vous aimez l’hiver ?

Oh oui, j’adore l’hiver. Parfois je me demande si j’aime plus l’hiver ou si je déteste plus la chaleur. En fait, j’aime l’obscurité, cela me recentre. Se sentir à l’abri est vraiment important pour moi. Alors qu’en été, je me sens exposé et nu tout le temps. Je ne supporte même pas de porter des chemises. Je veux toujours porter des vestes. Alors, qu’à Vesterålen… j’y ai fait la majeure partie de la musique du nouvel album dans ce rêve de fièvre, juste une période folle de créativité que je n’ai pas eu depuis. Actuellement, je travaille toujours sur un nouveau projet. J’utilise des chansons que j’ai commencées en Norvège pour ce nouveau projet. Il y a donc encore plus que Hadsel. Mais ce sont les éléments les plus cohérents.
Puis, je suis retourné à Berlin au moment où la COVID-19 a commencé. C’est à ce moment-là que les gens du label, notamment Evan Whikehart, avec lesquels je travaillais m’ont demandé si je voulais rééditer ceci ou cela. J’ai accepté. En fait, j’ai fait cette compilation de mes premiers EPs qu’on a intitulé Artefacts pour faire une pause avec Hadsel. Puis j’y suis retourné et je l’ai terminé juste après la sortie de la compilation.

 

Cette fois-ci, c’est une rencontre avec deux orgues…

Nous cherchions sur Airbnb un endroit pour se poser et travailler. J’ai vu une photo de l’une de ces maisons à Hadselhavn, où il y avait un orgue. Je me suis dit, oh mon Dieu, il y a un orgue à pompe dans la maison. Pas comme un orgue d’église, mais comme un vieil harmonium. J’ai donc pris contact avec le propriétaire en lui demandant s’il était en état de marche. Il m’a dit oui, et en plus, le gars qui nous l’a donné les collectionne et les répare. C’est à lui que vous devez vous adresser.

 

Crédit : Lina Gaißer

 

Vous aussi, vous collectionnez les instruments.

Moi, ce sont juste des claviers. Il n’y a rien d’autre. Je me suis donc adressé à ce Monsieur, Oddvar Kleppa, qui m’a finalement prêté le fameux orgue. C’est lui aussi qui m’a fait découvrir l’orgue de l’église de Hadsel, parce qu’il y travaillait. Sa collection d’orgues remplit de mur à mur son garage. Il fait aussi de la taxidermie, et collectionne les vieilles plaques des églises de Norvège. Il pêchait même du poisson et nous l’apportait pour que nous puissions le manger. Un homme incroyable.

C’est sur ces paroles d’amitié nouvelle que nous quittons Zac Condon. Hadsel, témoignage sonore et sensuel de ce séjour à Hadselhavn sera disponible le 10 novembre 2023.

Beirut sera en concert à Berlin, les 16 et 17 février 2024.

https://www.beirutband.com

 

Propos recueillis par Lionel-Fabrice Chassaing