Son café au lait dans un verre à pied et le poignet usé par les vinyles de Photographie tout juste dédicacés, Alice et Moi est décontractée. Le mot d’ordre de ce nouvel album disponible le 3 novembre, c’est un retour à l’intimité, au home-made et à la beauté de l’imperfection.

 

 

Dans ce dernier projet, la chanteuse renoue avec la Alice la débrouille de ses premiers émois musicaux. « J’ai signé avec Sony en licence, donc toujours productrice. Au début, j’avais l’impression que j’avais ce truc à remplir, à être absolument parfaite parce qu’il n’y avait plus d’excuses. Et, j’ai lâché prise, en fait, le côté simple me plaît aussi ».

 

« J’ai toujours brillé ou pleurer, sur un physique, sur un cheveu, sur un truc qui va pas, sur des parties de mon corps que je voyais comme des pièces détachées ».

 

Alice et Moi, c’est une lentille qui reflète les images de notre époque. Elle est en recherche de bienveillance. « Ce que j’ai envie que ma musique puisse procurer aux autres, c’est juste de s’échapper, de s’évader et d’accepter. La vraie vie, terre à terre, elle est pleine d’imperfections. J’essaie de dire “c’est pas grave” », explique-t-elle. Aux travers de ses appareils musicaux et photos, elle capture les questionnements partagés par bon nombre d’Alices : est-ce que mes cheveux frisent, j’ai peur de sortir ce soir, j’ai peur du Covid, de la mort, est-ce que je rougis, je suis cancer et toi ? Et, l’une des techniques d’Alice pour parer ses angoisses, notamment celle de la scène : « c’est le “fake it until you make it” ».

La subtilité qui marie le moi à Alice, c’est le regard d’artiste qu’elle pose sur ces sujets. Sa polyvalence et la dynamique intimiste qu’elle entretien avec son équipe fait sa force. Grace à ses collaborations aujourd’hui amicales, Alice et Moi ne se contente pas de la chanson, elle se compose cinéaste et ajoute à ses musiques des gimmicks immersifs : un coup de feu pour Carabines, un orage qui gronde pour Ça me va, elle joue.

Alice trouve ses inspirations dans bien des arts, commençant par la musique d’une certaine Vanessa Paradis, flirtant avec les Sex Pistols désormais aux cotes de Girl in Red et Calica sur l’étagère. Le cinéma et la photo s’ont également une évidence au sein de son répertoire avec de grands noms comme Pierre et Gilles, David Lynch ou Wes Anderson. Enfin, la mode s’est manifestée comme une source de création dans laquelle Alice se positionne davantage en spectatrice. Elle le raconte lors de la Fashion Week de Paris : « j’arrivais un peu imparfaite, toujours en train de sourire alors que souvent les gens font la gueule, pour pouvoir après imaginer qu’est-ce que je vais faire à la maison avec ça, retransformer les choses. À des défilés je trouve plein d’idées de musique, aussi parce qu’il y a des mises en scène qui sont incroyables ».

L’esprit de cet album, c’est la capture, la projection exacerbée de moment de vie, « j’ai mis Photographie au singulier sur l’album parce que je voulais qu’on imagine la photographie d’un film. Du coup, il y a un côté immersif et on rentre dans une vraie histoire, dans un vrai film ». Un vrai film comme ceux qui l’ont inspirée afin que son projet audio épouse le visuel. Dans cet esprit, le film Sailor & Lulla s’impose pour son regard naïf sur l’amour et son aspect fantastique que partage l’univers de Lewis Caroll. Alice au Pays des Merveilles éparpille sa magie dans chaque chanson et la seule limite de l’autre Alice devient son imagination.

 

© Valentin Fabre

 

Ainsi, à chaque single sa référence, son identité : « Ça me va, la fin du monde. J’aime pas sortir, j’imagine la boule à la facette chez moi. Il y a Carabine, je tire à la carabine et je deviens immense, après, je dis que j’ai mon nom dans le journal, c’est vraiment Bonnie and Clyde. Il y a Poison, c’est Alice au Pays des Merveilles qui vient dans le monde du mal. Là, je goûte le poison et je deviens folle. Il y a La Dolce Vita, ça parle de vacances, mais d’un coup, on nous voit de haut, l’amour est dense et pluriel, et j’imagine une scène érotique à la plage ». Photographie, finalement, c’est un peu un hall de cinéma où le spectateur regarde les affiches et choisit à quel style de séance il veut assister. Étrangement, le single éponyme de l’album est celui qui fait office de documentaire, ancré dans le réel : « c’est celle qui a le nom le plus visuel. Et pourtant, elle est juste très franche », décrit-elle.

 

 

« Le fait qu’il y ait une sorte d’incertitude qui laisse place aux rêves, à la magie d’un monde un peu plus sensible, plus lié aux instincts, aux forces, aux énergies, à ce que tu lis de signes dans le ciel, dans les chiffres, ça me plaît ».

 

 

Le fantastique et l’ésotérisme passionne aussi bien la petite que la grande Alice. Elle s’y adonne en tant que personne et en tant qu’artiste, créant la rencontre par exemple avec Bonne Aventure, le podcast dans lequel elle tire les cartes de Tarot pour d’autres artistes.

D’une certaine manière, elle peut ainsi reconnecter avec sa version rapetissée, celle antérieure au contact du monde des adultes et sa rigidité. « Je pensais honnêtement contrôler tous les éléments sur terre. À la plage souvent je pensais que j’était responsable des vagues et que je n’arrivais plus à les faire retirer simplement parce que je ne maîtrisais pas encore mon pouvoir », se remémore-t-elle.

 

« J’ai jamais arrêté d’aimer quelqu’un. Donc je ne sais pas ce que c’est de ne plus aimer ».

 

 

L’enfance d’Alice prends une place importante de l’album tout comme le thème de l’amour et le lien qu’elle a fait entre les deux, c’est la nostalgie du caramel : « Ça me rappelait plein de souvenirs d’enfance et en même temps comme il y a presque un truc sensuel du caramel qui fond dans la bouche, je me disais “mais c’est comme embrasser quelqu’un”. Tout m’est revenu, les souvenirs amoureux et l’amour. »

 

Depuis son premier EP, Filme moi, Alice et Moi en parle de cet amour, cette sensualité, mais son regard et son désir ont évolué, changé, grandit. Elle s’en souvient comme d’« une naïveté » belle et passée. À l’air où le mouvement MeToo se fait entendre et où le milieu de la musique ne fait pas exception, elle n’est pas la seule à avoir évolué, changé, grandit. « Dans cette chanson, je citais des gens. Et maintenant, quand je la chante sur scène, je dis autre chose. J’ai changé les paroles du dernier couplet », explique-t-elle à propos de son tube J’veux sortir avec un rappeur.

« Je ne pourrai pas sortir avec un homme cis hétéro qui se comporte mal avec les femmes. Tu peux le mettre en grand »