C’est déjà 7ème album pour notre chouchou Caribou (ex.Manitoba pour les puristes), et force est de constater que Dan Snaith ne s’est pas endormi sur ses lauriers loin de là. Sorti sur comme ses précédents City Slang records, Suddenly comporte tout ce qu’on aime dans sa musique mais va encore plus plus, évitant ainsi toute facilité ou redite. Il faut dire qu’il a pris le temps, Dan n’est pas homme à brusquer les choses mais le résultat est là : on adore déjà Suddenly comme on a pu aimer Our Love ou Swim mais pour de nouvelles raisons. Et nul besoin d’ajouter qu’on a hâte de le retrouver en live sur la scène de l’Olympia le 27 avril prochain. Nous avons rencontré pour vous ce gentil grand gaillard américain.

5 ans séparent ton dernier opus Our Love de Suddenly, comment as-tu gérer le succès de ton dernier album ?
En fait depuis mes débuts les choses se développent de manière graduelle pour moi, et fort heureusement le succès de Our Love est arrivé alors qu’il s’agissait de mon 6ème album, ce qui est bien plus facile à gérer que cela était arrivé dès mon premier disque. Cela a donc été complètement positif, on peut même dire que j’étais prêt pour cela donc j’ai pu en profiter et je me sens très bien dans la position où je me trouve actuellement dans ma carrière.

Pour ce nouvel album, on pourrait dire qu’il s’agit de la même chose et pourtant rien n’est pareil c’est comme se retrouver dans un endroit que l’on connaît et à la fois découvrir de nouveaux pièces de ce même espace, si l’on peut se mettre cette analogie.
L’idée c’était de ne pas me répéter mais en même temps que le public retrouve ce qu’il aime dans Caribou. Avec Swim la direction était clairement d’aller plus vers la pop, pour arriver finalement à Our Love. Mais je ne voulais pas aller plus loin dans cette direction. Il n’était pas question pour moi de faire encore plus pop afin de gagner un public encore plus large, et puis honnêtement je ne crois pas que je pourrais. Je n’écoute pas forcément la musique que j’ai faite mais je suis revenu à l’album Swim en même rendant compte que plusieurs aspects étaient assez étranges comme la production, le mixage… car en live nous en délivrons des versions relativement différentes. Cela reste pour moi l’album le plus bizarre que j’ai fait et voir le manière dont le public a pu connecter avec cette musique m’a fait réfléchir sur ma trajectoire musicale. Du coup cela m’a donné des idées pour lancer les bases de Suddenly.

Il est vrai que le morceau phare de l’album était « Sun » et c’est un morceau vraiment très étrange !
Oui car il ne s’agit pas vraiment de dance music, de pop ou autre, c’est une sorte d’ovni ! Du coup quand je me suis rendu compte de cela je me fixé comme objectif de ne pas abandonner ces excentricités musicales, ces étrangetés de production qui ont font partie de ma signature.

Quelle est donc la formule secrète de Suddenly ?
Ce n’est pas un secret (rires!) : ce que j’aime c’est allier une mélodie aussi accrocheuse qu’évidente, avec une base instrumentale très étrange. Après est-ce que j’y parviens toujours c’est une autre affaire !

La construction même de certains morceaux est vraiment bizarre comme dans « Lime » par exemple : pourquoi cela ?
En fait ce titre est une sortie de deux morceaux en un seul, comme un collage et du coup la fin n’est pas du tout ce à quoi tu t’attends par rapport au début. J’ai fait ces deux parties de manière séparée et pour être honnête je ne me souviens quand je les ai rassemblé. Par contre je me souviens m’être fait la réflexion : c’est génial et complément désorientant pour l’auditeur !

Pour cet album tu as beaucoup travaillé non ?
C’est vrai que j’avais 1900 pistes de morceaux possibles pour réaliser Suddenly. Pour le précédent j’avais 600 pistes donc cela empire à chaque album (rires!). J’avoue que c’est vraiment pas cool car il y a un moment où je me trouve noyé dans cet masse de possibilités.

En tout cas tu ne connais pas l’angoisse de la page blanche, ou du disque dur vide, peut-on dire !
Lorsque je me mets à mes machines il en sort toujours quelque chose, que ce soit bon ou pas. Je ne suis jamais bloqué.

La construction de l’album elle-même est étrange : le premier morceau « Sister » étant un des morceaux sinon le morceau le plus émotionnel du disque ! En fait un morceau sur deux est sur l’émotion et l’autre sur l’efficacité, comme une sorte de rollercaster permanent !
Quand tu dis ces mots, cela me fait penser à la manière dont mon dj set est conçu entre morceaux oldschool soulfull, titres house et quelques influences plus pop. Pour le tracklisting j’ai essayé plein de combinaisons différentes et cela aboutissait à des sentiments très différents j’ai essayé de faire une version à la manière de l’album Low de Bowie avec deux faces au style distinct. Mais après de nombreux essais, je suis parvenu à quelque chose qui me plaisait. Le dernier morceau de l’album que j’ai réalisé est celui qui se trouve en premier sur le disque. J’ai fait ce morceau de manière totalement intentionnelle car l’album manquait d’une intro pour moi. Personne ne l’a peut-être remarqué mais tous mes derniers albums commencent avec le morceaux le plus catchy et pour ce disque cela ne me semblait pas indiqué : je voulais que Suddenly débute avec une sorte de résonance émotionnelle. Et d’une certaine manière c’est une sorte de miroir du dernier morceau « Cloud Song ».

Concernant ton versant pop, tu sembles aimer les auteurs des années 60’s, quels sont-ils ?
Mes auteurs ultimes de cette période sont le duo britannique The Zombies : ils n’avaient pas leur pareil pour trouver les meilleurs accords avec des mélodies parfaites, comme les Beach Boys l’ont fait eux aussi. Mais mes influences sont tellement variées sans oublier mes choix particuliers en matières d’accords, de mélodies, la façon dont ma voix sonne, ma musique incorpore des éléments très variés et c’est ce mélange original qui fait ma signature personnelle. Quand aux paroles, elles viennent de ma vie personnelle de manière inextricable, Suddenly est aussi le reflet de cinq ans de mon existence.

Tu combines à la fois des éléments très modernes et d’autres plus olsdchool, comme pour les morceaux très housy « Never Come Back » ou « Home » ?
D’où viennent mes inspirations est quelque chose d’assez complexe et je m’attache avant tout au coté émotionnel délivré par ma musique. Je suis un collectionneur de disque et la boucle de Home m’a été inspirée par l’un des ces disques mais cela m’a pris longtemps pour transformer cette base en une véritable chanson. Quand à « Never Come Back », il s’agit plus d’un morceau en adéquation avec ce que le public peut attendre de moi. Le morceau a été composé assez vite et ça a été le premier morceau de l’album que j’ai terminé.

Comme sur tes autres autres albums, il n’y a aucun invité… Aucune collaboration en vue ?
Je dois avouer une chose, je suis quelqu’un d’assez solitaire quand je travaille, même mes musiciens de live ne participent pas à la composition ni la réalisation de l’album, j’aime garder les choses séparées et puis je suis assez lent dans le travail et ce serait impossible à concilier avec les emplois du temps d autres artistes.

Le style graphique de tes albums raconte aussi une histoire de pochette en pochette : avec qui travailles-tu ?
C’est l’artiste Jason Evans qui réalise les pochettes de mes disques depuis 15 ans, il travaille également avec Kieran Hebden (Four Tet) pour ses pochettes. J’ai totalement confiance en sa vision pour illustrer ma musique.

Concernant le live, retravailles-tu toujours tes morceaux de manière spéciale ?
C’est là que mes musiciens de live interviennent : pas question de délivrer les même versions que sur l’album : l’idée est de proposer quelque chose de différent, de plus énergique mais sans perdre l’essence des morceaux.

album tracklist (et pour écouter c’est ici)
1. Sister
2. You and I
3. Sunny’s Time
4. New Jade
5. Home
6. Lime
7. Never Come Back
8. Filtered Grand Piano
9. Like I Loved You
10. Magpie
11. Ravi
12. Cloud Song