Nous n’avons plus l’habitude d’écouter un album en entier mais à l’occasion de son EP Sunbursting, nous vous proposons de découvrir l’univers de Bibio une chanson à la fois.

 

 

Stephen Wilkinson

 

 

Sorry (Won’t Cut It) feat. Olivier St. Louis

Pour ce premier titre de l’EP, on reconnaît la voix de Olivier St. Louis. Collaborateur fréquent et éclectique sur les projets de Bibio, on l’avait entendu sur un ton plus disco sur S.O.L, une ambiance plus slow dance avec Fools et maintenant de retour sur ce titre plus R’n’B des années 90’s.

Bibio ne collabore pas avec beaucoup d’artistes, mais avec Olivier, ça semble se faire naturellement : « Je lui envoie une piste instrumentale et je le laisse écrire une chanson pour celle-ci à son propre rythme, ce qui ne lui prend généralement pas longtemps car il est très talentueux. Il enregistre les voix chez lui à Berlin et m’envoie les fichiers, puis je m’occupe de l’édition et du mixage. »

Malgré leur amitié maintenant nouée, jusqu’à présent les deux n’ont pas encore collaboré en studio mais il y aura de nombreuses occasions à venir.

 

« J’ai également collaboré avec un autre artiste cette année, mais je ne suis pas prêt à révéler qui c’est. Nous avons déjà suffisamment de musique pour un album … »

 

 

Shine A Light On Your Mirror

 

 

Cette chanson m’évoque invariablement un changement de décor dans une pièce de théâtre, au moment où on se tourne vers l’horizon. C’est pourquoi on envisage ce qui attend Bibio, même si on n’en est qu’au deuxième titre.

 

La prochaine sortie ? Phantom Brickwords LP2.

On se rappelle du premier projet associé à ce titre, une création unique concentrée sur des lieux marqués par une histoire industrielle. Un véritable voyage sonore déroutant qu’il est vivement recommandé d’explorer si vous n’avez pas encore eu l’occasion de le faire. Cependant, Bibio est un artiste qui continuera à mélanger les genres :

« À part cela, je travaille sur un nouvel album, mais j’expérimente actuellement de nombreux styles différents, il est donc trop tôt pour dire où il aboutira. Pour l’instant, il est moins orienté pop et plus psychédélique, mais tout pourrait changer dans un an. J’ai également collaboré avec un autre artiste cette année, mais je ne suis pas prêt à révéler qui c’est. Nous avons déjà suffisamment de musique pour un album, donc le plan est de sortir quelque chose à un moment donné, mais pour l’instant, nous nous envoyons simplement de la musique les uns aux autres, et le processus a été très amusant et rafraîchissant. »

 

 

« Je ne suis pas vraiment influencé par les tendances actuelles, car je puise mon inspiration dans de nombreuses époques différentes. Je pense que lorsque l’on fait cela, la musique ne vieillit pas aussi vite que si l’on suivait des tendances éphémères. »

 

 

A Matter Of Fact

 

 

En 2019, Bibio a publié un mix de morceaux inédits dans lequel se trouvait ce même son, et le voilà désormais disponible : « J’ai réalisé que c’était un morceau solide, et pour être honnête, je regrette un peu d’avoir fait ce mix inédit, en particulier d’avoir inclus A Matter of Fact dedans. Mais d’un autre côté, c’est agréable de savoir que sa sortie officielle a fait plaisir à certains fans. Le morceau semblait simplement convenir parfaitement à l’EP Sunbursting, mais je voulais le retravailler légèrement. J’ai donc réenregistré certaines parties vocales, ajouté des lignes de guitare talkbox et remixé le tout. »

« Parfois, je suis content de garder des morceaux pendant des années, car des idées pour les peaufiner peuvent survenir bien plus tard et vraiment améliorer un morceau. Pour moi, cela n’a pas d’importance que ce soit un morceau plus ancien, cela n’aurait pas d’importance si je l’avais fait il y a vingt ans. Je ne suis pas vraiment influencé par les tendances actuelles, car je puise mon inspiration dans de nombreuses époques différentes. Je pense que lorsque l’on fait cela, la musique ne vieillit pas aussi vite que si l’on suivait des tendances éphémères. Si l’on essaie trop fort d’être à la mode, on peut rapidement devenir démodé. Je pense qu’il vaut mieux essayer de développer son propre style et s’inspirer du passé et du présent plutôt que de se fixer sur ce qui est à la mode. »

 

 

Rosewoods

 

 

Ce qui nous interpelle dans Rosewoods, c’est la caisse claire que l’on retrouve instantanément en effectuant une recherche sur Google pour des batteries bossa nova. On est rassuré par Bibio, qui nous indique que c’est son intérêt pour les artistes brésiliens qui a influencé sa création : « C’était le son plus structuré et orchestré que je visais, c’est l’un des morceaux les plus complexes de l’EP, composé de quatre sections avec des tempos et des signatures rythmiques différents, certaines des mélodies sont réutilisées sous différentes formes à mesure que le morceau progresse, certaines sont inversées. C’est aussi le premier morceau que j’ai sorti avec des cuivres. »

 

Quand as-tu développé cet attrait pour la musique brésilienne ?

Mon premier souvenir de découverte de la musique brésilienne remonte au milieu des années 90’s, j’ai vu un documentaire sur la bossa nova et je suis tombé amoureux du son, en particulier de la musique de João Gilberto. Ensuite, environ cinq à six ans plus tard, alors que j’étais à l’université, un ami musicien à moi se passionnait pour la bossa nova et d’autres musiques brésiliennes des années 60’s et 70’s, comme Marcos Valle, Jorge Ben, Gilberto Gil, Antonio Carlos Jobim, João Donato, Elis Regina.

À cette époque, au début des années 2000’s, j’ai commencé à apprendre certaines chansons de l’album de João Gilberto de 1973, y compris à apprendre et à chanter les paroles en portugais, ce qui était un tout nouveau défi pour moi. La musique de João Gilberto est composée de nombreux accords de jazz, donc apprendre ses chansons a élargi mon vocabulaire en matière d’accords à la guitare. Apprendre les motifs rythmiques spécifiques de la bossa nova et le feel brésilien unique était également un bon entraînement.

À partir de là, j’ai commencé à m’intéresser davantage à d’autres artistes brésiliens, en particulier Marcos Valle, l’album Stone Flower de Jobim ces dernières années également.

 

 

« J’utilise mon téléphone pour enregistrer des croquis, ce qui fait de mon téléphone un bloc-notes pour mes idées musicales. »

 

 

All Of The Above

 

 

All Of The Above fait preuve de mélange d’éléments acoustiques et électroniques que l’on retrouve souvent dans la musique de Bibio. On a demandé à en savoir plus sur ce processus créatif :

« Beaucoup de mes chansons commencent par des moments où je joue de la guitare à la maison. J’utilise mon téléphone pour enregistrer des croquis, ce qui fait de mon téléphone un bloc-notes pour mes idées musicales. Les vidéos, par opposition aux simples notes vocales, servent également de rappel sur la manière de jouer ce que j’ai joué. J’utilise souvent des accordages alternatifs, il peut donc être vraiment difficile de comprendre comment j’ai joué un riff particulier sans référence visuelle, car il pourrait être dans un accordage non standard, surtout s’il s’agit d’un croquis que j’ai enregistré il y a des années. Il m’arrive de parcourir de temps en temps mon archive vidéo sur mon téléphone et de découvrir des riffs enregistrés il y a des années, parfois ils inspirent de nouvelles idées et peuvent devenir des chansons. »

« Après avoir esquissé un riff qui m’inspire, j’ai souvent un sentiment instinctif de la manière dont je veux que la chanson soit produite que ce soit pour la guitare électrique ou acoustique, si elle aura des batteries ou des boîtes à rythmes, si elle aura une vraie basse ou une basse synthétique, etc. Mais j’aime aussi voir où l’expérimentation me mènera. Parfois, j’aurai plusieurs versions d’une chanson, certaines plus électroniques que d’autres… J’essaie de ne pas séparer tous mes intérêts musicaux et sonores et toutes mes disciplines, car elles peuvent fonctionner ensemble, et c’est excitant quand elles le font. »

 

Clay Dots

 

 

L’Instagram de Bibio dévoile un intérêt pour la photographie. Cette passion aurait-elle une influence sur sa musique ?

Oui et non. Ce que j’aime le plus dans la photographie, c’est la recherche de l’inconnu. Quand je vais dans un nouvel endroit, surtout à l’étranger, j’adore découvrir de nouvelles choses inconnues et inattendues à photographier. Il pourrait sembler que je préfère photographier la nature, mais ce n’est pas vraiment le cas,  je préfère juste me promener à la campagne. En vrai, j’aime bien prendre des photos en ville – notamment à Paris la nuit – mais je n’aime pas beaucoup de villes ou de villages au Royaume-Uni.

Je réalise également des vidéos cinématographiques, comme cela a été le cas pour Phantom Brickworks, où des contenus étaient destinés à accompagner l’album. Cependant, j’apprécie également l’idée de créer des vidéos et de composer de la musique pour les associer à des images, même si je n’en ai pas encore fait autant. Découvrir de nouvelles sources d’inspiration et de nouvelles méthodes de composition est toujours passionnant.

 

 

 

Sunbursting feat. Óskar Guðjónsson

 

 

On termine sur une toute nouvelle collaboration :

« J’ai rendu visite à un ami à Norwich il y a quelques années. On est rentrés du pub tard dans la nuit et il a voulu mettre de la musique douce pour ne pas déranger les voisins. Il a choisi The Box Tree de Skúli Sverrisson et Óskar Guðjónsson. Au début, je n’ai pas réalisé que c’était un saxophone ténor ; je pensais que c’était une sorte de flûte. Cependant, j’ai été captivé par l’atmosphère de l’album. Il a été enregistré dans une église de Reykjavik, la ville où mon ami l’a découvert lorsqu’il était en tournée en Islande. L’album est finalement devenu l’un de mes disques préférés. »

« Le morceau Sunbursting a connu plusieurs versions avant que je ne choisisse celle-ci. Il a commencé comme une simple session de fingerpicking, similaire à celle que je joue dans la vidéo de la session en solo de guitare que j’ai récemment partagée. La mélodie principale jouée par Óskar était initialement prévue comme une ligne de guitare additionnelle. J’ai créé une version avec des paroles qui chantaient la même mélodie, puis j’ai enregistré une version en la jouant moi-même au saxophone. Mais je voulais vraiment avoir le timbre d’Óskar. »

« Avant de le contacter, j’ai demandé à Conor Smith (un musicien de studio qui apparaît sur Lost Somewhere dans BIB10) de jouer les mélodies à la guitare pedal steel. Après cet enregistrement, je me suis dit que cela valait quand même la peine de voir si je pouvais impliquer Óskar. J’ai pris contact avec lui en lui laissant de la place dans le mix pour improviser. Il a enregistré plusieurs prises dans son studio en Islande et je les ai intégrées dans le morceau. »

« J’ai été vraiment heureux du résultat, son timbre est vraiment unique et cela a fonctionné parfaitement avec le morceau. J’espère collaborer à nouveau avec lui à l’avenir. »

 

 

Texte Antoine Breteau