À seulement 22 ans, Jo-Vaughn Virginie Scott, alias Joey Bada$$, a déjà sorti trois mixtapes avec le collectif Pro Era (dont il est fondateur et membre), avant de se lancer en solo avec un premier album, B4.DA.$$, en 2015, suivi de son deuxième opus, All-Amerikkkan Bada$$, en 2017, qui s’est classé 5ème au Billboard 200 sa première semaine de sortie en avril. Pour les non-anglophones, un petit cours de Wall Street English : en français, « badass » est l’équivalent de « dur à cuire ». Mais il se trouve que Joey, loin d’être rigide et buté, est plein de finesse, de bon sens, et surtout, il a un cœur en or. Entretien avec le rappeur de Brooklyn qui ne cesse de faire parler de lui. Extrait de l’interview du MODZIK n°54, spécial “Virilité”.

Veste Kanghyuk
Pantalon Bellerose

 

Comment décrirais-tu ton évolution musicale depuis 1999, ta première mixtape en 2012, jusqu’à aujourd’hui ?

C’est très organique. Je n’aime pas me concentrer sur un genre musical en particulier, j’aime les mélanger, casser les codes. Je n’aime pas un style musical en particulier, mais plein, dont le hip-hop, la pop et le folk. En gros, j’évolue selon mes envies et mon ressenti, je ne me prends pas trop la tête.

Ton deuxième album s’intitule All-Amerikkkan Bada$$, c’est un album très audacieux, qui s’écoute comme une lettre ouverte aux États-Unis…

La vérité, c’est que je voulais donner une voix aux gens qui n’en ont pas. Je parle de plein de différents sujets qui sont chauds en ce moment, tels que le racisme, la pauvreté et la corruption. Ce sont, selon moi, les plus grandes problématiques existentielles de mon pays, mais aussi du monde en général. S’il y a quelque chose que je veux que les gens retiennent de All-Amerikkkan Bada$$, c’est que c’est aussi un album universel, qui s’adresse à tout le monde, un peu comme un témoignage de nos temps. Alors, oui, je parle beaucoup de racisme et surtout de la cause noire, mais en même temps cette cause-là constitue un microcosme du message de mon album dans sa globalité. Et le message de cet album, c’est la paix dans le monde.

Costume et sous pull Acne Studios
Manteau J.W. Anderson

 

Est-ce qu’on peut dire que tu entretiens une relation d’amour et de haine avec les États-Unis?

En tant qu’homme noir-américain ? Oui. En tant qu’artiste, j’essaie encore de comprendre comment me positionner face à mon pays, mais, globalement, c’est tumultueux. J’ai toujours inconsciemment ressenti ça et j’ai finalement dû l’exprimer, mais je ne suis pas politisé pour autant. En tant que jeunes artistes, nous avons la responsabilité de parler au nom des personnes qui nous entourent et de celles qui nous ressemblent : de parler au nom des personnes qui ne peuvent pas être entendues. Il est important de parler pour les gens qui nous soutiennent, pour les communautés d’où nous venons.

Être un homme, être virile, cela signifie quoi pour toi aujourd’hui ?

Être un homme, un vrai, c’est tout d’abord avoir confiance en soi, être intègre et honnête vis-à-vis de soi-même et des autres. C’est aussi savoir prendre la défense des gens qui ne peuvent pas se défendre et revendiquer leur cause. C’est tout ce qu’un homme devrait faire.

Manteau Balenciaga
T-shirt Raf Simons

Joey Bada$$

All-Amerikkkan Bada$$

(Pro Era Records / Cinematic)

photographie: Mous Lamrabat
style: Lisa Lapauw et Marine Gabaut
MUA: Marlien Echelpoels