Avec l’arrivée d’un second album cette année – ses premières nouvelles compositions depuis 2005 –, la diva fantasmagorique des eighties semble bien décidée à faire de nouveau parler d’elle. Retour sur les hauts et les hurlevents d’une carrière atypique à l’heure de ce qui ressemble fort à un album de noël…


On la croyait recluse dans le quotidien d’une vie tranquille de province anglaise, vocalisant au piano pour son mari, attendant son fils devenu grand le dimanche midi, regardant parfois avec nostalgie les justaucorps et leggings scintillants rangés avec soin au fond de l’armoire… stop. Inutile de fantasmer la possible retraite de Kate Bush, celle-ci ne semble pas encore avoir dit son dernier mot. Malgré un silence total depuis le mystique Aerial de 2005, précédé lui- même par une absence de douze ans, Kate Bush n’a pas chômé. Et nous le prouve en sortant deux albums à quelques mois d’intervalle. Le premier, Director’s Cut, sorti en mai, présente des versions retravaillées de ses deux albums The Sensual World (1989) et The Red Shoes (1993). dans un souci de réhabiliter les arrangements il est vrai relativement datés, ou plus vraisemblablement de parfaire le travail : kate tient en effet son surnom de « stanley kubrick de la musique » de son perfectionnisme légendaire. Car, à l’heure où la jeune génération se plaît à ressortir des placards les disques taxés de kitsch il y a quelques années, on oublie volontiers l’avant-gardisme sans égal de la jeune femme à une époque où les maisons de disques aimaient jeter en pâture au public de jolies filles qui passaient bien dans les vidéo-clips de morceaux sur lesquels elles n’avaient que peu de choses à redire. kate, elle, soutenue par son mentor David Gilmour, est signée chez Emi dès ses 16 ans. Bien que les photographies promouvant la sortie de son premier single et tube Wuthering Heights en 1978 la montrent en justaucorps rose ne masquant pas grand chose de sa plastique, c’est bien elle qui compose tous ses morceaux, avec l’aide de son frère. Elevée dans une famille où la musique et les arts ont une importance cruciale, Kate compose dès l’âge de 14 ans et, très vite aguerrie, tient à avoir un contrôle et une maîtrise totale de sa musique et de son image. Avec son timbre expressif de cantatrice délurée, elle se met en scène dans ses clips – et dans son unique tournée de 1979 – avec des chorégraphies et une théâtralité à faire pâlir à la fois Véronique et Davina et le mime Marceau.

Pour The Tour of Life, elle réalise elle-même les chorégraphies, choisit les danseurs, le staff et ses propres décors et costumes : du jamais vu. Ce désir de tout contrôler explique sans doute pourquoi, en 23 ans de carrière, Kate Bush n’a publié que dix albums dont elle espace de plus en plus les sorties et ne s’est produite que lors d’une tournée de six semaines ainsi que dans de très rares apparitions, le live restant l’exercice sans filet par excellence. Inoubliable autant par sa voix qui ne peut laisser indifférent que par son esthétique mêlant cours d’aérobic et opérette sexy (on se souvient du costume de xena, la guerrière des steppes dans le clip de Babooshka), celle que l’on avait bien vite reléguée au rang des icônes eighties datées se révèle une source d’inspiration pour les musiciens des années 2000. De Placebo et Muse à Florence Welch en passant par ariel pink qui lui dédie le morceau For Kate I Wait, ce regain d’intérêt et le soutien sans faille des fans ont-ils motivé Kate Bush a enfin sortir de son silence ? Il avait fallu douze ans, pendant lesquels, certes, Kate avait donné naissance à un fils, pour qu’elle nous revienne avec Aerial, un double album plutôt réussi bien qu’aux orchestrations légèrement surannées.

Après Director’s Cut, on attend donc au tournant les nouvelles compositions de la dame. Baptisé 50 Words for Snow, ayant apparemment comme source d’inspiration la neige et sortant en fin d’année, l’album sent d’emblée le sapin. le premier single, Wild Man, en écoute depuis le 11 octobre, nous parle de yéti et de flocons blancs. Mais ce qui choque en premier lieu, plus que l’instrumentation façon bossa nova, c’est cette voix superbe qui n’est plus. Les fans, eux, crient déjà au génie. Laissons donc à chacun le droit d’avoir sa part de bûche…

Kate Bush, 50 Words for Snow (EMi) www.katebush.com

Par Ottavia Pellemoine