Bar à Bulles, parasol. On se croirait presque dans la photo du nouvel album des Charlotte Fever. Mais nous ne sommes plus en été. Beaucoup de monde ce soir-là, nous nous faufilons pour engager le dialogue avec Cassandra et Alexandre, le duo « pop à paillettes » comme le qualifie Cassandra.

 

Avec quatre EPs à leur actif et l’album Paris Cyclone (sortie le 10 novembre dernier), le groupe s’est surtout retrouvé propulsé dans le monde entier avec la saison 2 de la série Emily in Paris. « C’est arrivé par l’intermédiaire d’un agent qui travaille avec notre label. Netflix a pioché dans leur banque de son. Il se trouve qu’il y avait deux de nos morceaux et qu’ils les ont bien aimés », nous raconte Cassandra. Mais avoir deux morceaux sélectionnés ne se transforme pas toujours. « L’avant-dernier maillon de la chaîne, notre label, nous a expliqués que jusqu’au dernier moment, si la prod décide de couper la séquence où il y a ta musique, tu ne seras pas payé. » La chance a voulu que les deux titres accompagnent des moments clés d’Emily. Les shazam ont grimpé en flèche et Charlotte Fever naissait à l’international.

 

Crédit : Emma Birski.

 

Ce qui a fait le charme de la série est cette image française fantasmée, mais aussi celle du duo. Ce qu’ils vont découvrir lors de leur première tournée en Corée du Sud, montée en indépendant par leur manageuse. Tout est parti d’un voyage entre potes et puis cela s’est transformé en tournée, par les réponses positives des salles de concerts. « Quand tu arrives sur place, tu comprends que la culture française est très appréciée. Je pense qu’on évoque le côté un peu stéréotype français. On parle d’amour, on parle de plage. Les gens étaient trop à fond. On a fait cinq gros concerts »Cassandra. Premier EP à peine publié, les voilà déjà défendant leurs titres à l’étranger d’autant qu’en France, ils avaient de la peine à trouver des dates.

 

Une date mémorable

« On a fait des salles indées de renom à Séoul. Et notamment, une date qui était incroyable. C’était une soirée métal. Et le mec nous avait dit de clôturer la soirée métal, truc improbable, de faire la transition entre le dernier concert et le clubbing. On s’est dit, “on va flopper”. On essaie de lui expliquer qu’on fait de la pop à paillettes, ce qu’il n’a pas vraiment compris. Il a dit “il faut que ça fasse boom boom”. On a dit “ok, on va faire boom boom”. Et je crois que c’était un des concerts les plus mémorables de notre vie », nous explique Alexandre.

Suit une tournée en Amérique centrale, mais celle-là avec l’Alliance Française, un concert tous les trois jours dans un pays différent. Du Panama au Salvador, de salle des fêtes à un grand festival, ce fut une tournée des contrastes, mais aussi un test pour les deux potes, qui avouent « se prendre la gueule » de temps en temps. Néanmoins, chacun dit être tombé sur la bonne personne pour faire de la musique et regarder, malgré les divergences qui peuvent apparaître, dans la même direction. « On amène des choses différentes et ça crée Charlotte Fever. Je trouve que c’est magique. C’était un pari. Se dire qu’on continue de faire de la musique en live et de composer en étant heureux d’être ensemble. J’’ai vraiment l’impression qu’on a réussi des trucs de fou », Cassandra et Alexandre de concert.

 

 

Au-delà de cette aventure humaine qui les aura menée au Japon, en Espagne, en Autriche, entre autres, ces jeunes gens ont été bercés par les albums d’Elton John, Pink Floyd ou Vangelis où les claviers dominent, mais aussi les Beach Boys, ou les Beatles, qui se retrouvent digérées dans les productions des Charlotte Fever. Période qui fait rêver Alexandre quant aux méthodes d’enregistrement « Pour moi, c’est du fantasme quand je regarde les vidéos de session de ces groupes là. J’aimerais passer dans un studio comme ça, avoir cette expérience un jour. Mais, cela reste du rêve, car on fait des choses incroyables avec des logiciels et des machines ».

 

Paris Cyclone

Logiciels et machines qui furent utilisés pour le premier album Paris Cyclone, où l’on retrouve la figure de l’eau. « Les nouveaux titres, on les a composés il y a un an. On en joue déjà certains en live, on ne peut pas les garder éternellement dans notre sac. » L’artwork est une photo prise à Cabourg. « Il faisait 12 degrés, frissons et chair de poule. Il fallait avoir l’air content parce que c’était l’été. Malgré tout, nous en sommes très fiers, avec un beau coucher de soleil, c’est trop beau ». Cassandra et Alexandre ne sont pourtant pas Normands, mais une belle histoire s’est construite. « C’est la région qui nous a accueillis comme ses enfants, on a une histoire d’amour avec la Normandie ».

 

« C’est l’érotisme des années 60-70 qui nous fait fantasmer et qui nous inspire aussi bien musicalement qu’à l’image. L’érotisme est la vision poétique du sexe »

 

Les nouveaux titres, comme une grande partie des anciens, ont une portée poétique érotique. « C’est l’érotisme des années 60-70 qui nous fait fantasmer et qui nous inspire aussi bien musicalement qu’à l’image. L’érotisme est la vision poétique du sexe », Alexandre. Leur maitre en écriture érotique est Gainsbourg. A son image, les titres ne naissent pas uniquement de leurs expériences. « C’est parce qu’on a été animé par quelque chose à un moment donné que nous pouvons l’exprimer dans nos chansons. C’est ce que j’appelle la transmutation : quelque chose que tu vis ou qui est en toi et qui ressurgit »Alexandre. Un point de vue humain et non genré : « Le sexe est fédérateur. C’est important de l’incarner en tant que femme et d’avoir les mêmes propos qu’un homme. Je ne me positionne pas en tant que femme et lui en tant qu’homme. Nous sommes un groupe qui parlons de sexe de la manière la plus neutre et la plus saine qu’il soit », Cassandra.

 

 

Une vision lucide de l’industrie

Au-delà de la pop à paillettes, « il y a la sueur ». Il est vrai que le duo a galéré comme beaucoup d’artistes. Cassandra et Alexandre ont complètement autofinancé l’album, qui n’est pas, pour eux, le but ultime d’une carrière. « Nous privilégions le format EP, car il y a moins de chansons. On peut donc en faire plus, avec différents concepts et donc différents artworks à la différence d’un album qui nécessite beaucoup plus de temps. Au final, tu peux être frustré, car seulement les deux ou trois premières tracks seront playlistées et écoutées »Cassandra. Le mode actuel d’écoute a influencé leur mode de travail. Ils se sont entourés d’une « famille » de potes, mais cela s’est construit naturellement. Ils sont totalement maitres de leur destinée et soignent particulièrement leur image et les live, conscients que c’est la raison pour laquelle, ils sont aussi demandés à l’étranger. « Moi, j’aime les concerts où nous sommes proches du public, où il peut y avoir une vraie interaction »Cassandra. Le territoire national reste quelque peu à la traine, ce qui n’est pas sans leur laisser une certaine frustration. Combien d’invitations à des tourneurs pour montrer leur travail ont restées sans réponse ? Les deux shows faits au MaMA cette année leur auront sans doute apporter des contacts intéressants.

Nous poursuivrons tardivement notre échange avec la bouillonnante Cassandra et le serein Alexandre autour de la série Get Back des Beatles, sur la composition d’un album après deux ans d’absence, de Love & Mercy, film de fiction sur les Beach boys mais aussi de la vie tout simplement.

 

Paris Cyclone, disponible via Riptide Records.

En concert le 22 février 2024 à la Boule Noire.

Instagram Charlotte Fever

 

Texte Lionel-Fabrice Chassaing