Ce samedi 16 mars le Palais Galliera ouvre ses portes pour présenter la première monographie du grand photographe italien Paolo Roversi à Paris. Le photographe de mode pour qui toute photographie est un portrait.

 

 

Cette exposition est le fruit du travail de plusieurs années. Sylvie Lécallier, chargée de la collection photographique du Palais, nous confie que l’idée de l’exposition date de 2016. Plusieurs années de travail plus tard, sous la direction artistique du photographe lui-même, on se retrouve avec un parcours dans le temps et l’espace qui met en scène d’une manière théâtrale et très rythmé, plus de cinquante ans de carrière dans la photographie de mode, mais pas seulement. Un montage qui se libère de la chronologie pour rester d’autant plus fidèle au corpus artistique qu’il présente. Une oeuvre qui a la particularité d’être construite par un jalonnement de surprises et faux pas, mais traversée par le fil rouge d’une curiosité et d’un goût pour l’expérimentation inépuisables. Ce qui lui donne une cohésion formelle surprenante en dépit de la diversité de sa production. « Les pas en avant, les évolutions dans mon travail sont nés des accidents », confie Paolo dans le communiqué de presse.

 

 

 

Paoloroid

L’histoire d’amour de Paolo Roversi avec le Polaroid – qui comme il le rappelle lui même dès que l’opportunité se présent est né comme lui, en 1947 –, commence en 1980. Le travail avec ce format instantané et aux émulsions fragiles que Paolo détourne complètement de ces arguments commerciaux, à savoir la rapidité et l’absence d’intervention de l’utilisateur, se présente comme une aubaine pour celui qui, au contraire, le mettra à l’épreuve avec des longs temps d’expositions pour ensuite le manipuler au laboratoire.

 

 

« Un long temps de pose, c’est laisser à l’âme de faire surface. Et laisser au hasard le temps d’intervenir ».

 

 

 

Portrait de Natalia Vodianova, format grand Polaroid, Paris 2003. ©️Paolo Roversi

 

 

Une démarche d’explorateur pour qui le studio, la chambre grand format et le Polaroid seront ses outils principaux. Un admirateur de Man Ray et de Erwin Blumenfeld qui se livre à des technique DIY pour aboutir à des images moins nettes, plus vaporeuses et délicates, mais qui en même temps se révèlent habitées par une subtile et délicieuse « narrativité ». Comme le signale l’auteur lui-même : « Un long temps de pose, c’est laisser à l’âme de faire surface. Et laisser au hasard le temps d’intervenir ».

 

 

Peintre de la lumière

Né à Ravenne, Italie, Paolo s’installé à Paris en 1973. Il travaille pour les magazines Vogue italien et français, Egoïste, Luncheon et collabore avec des grands créateurs de mode notamment Yohji Yamamoto, Romeo Gigli, Rei Kawakubo pour Comme des Garçons. Cette exposition réuni 140 œuvres dont des images inédites, des tirages Polaroid et des archives où l’on peut voir des magazines, des livres, mais aussi les cahiers de travail du photographe.

 

 

Lida et Alexandra, Alberta Ferretti, Paris 1998. © Paolo Roversi

 

 

L’exposition est une expérience réjouissante où chacun pourra trouver sa série ou « période » préférée, comme l’a été celle de la série Nudi pour ce chroniqueur. Une suite de portraits avec le même cadre et mettant en scène les corps nus de célèbres modèles fixant la caméra de leur regard. Réalisé avec une technique d’éclairage indirect et puis avec une rephotographie du tirage noir et blanc à la chambre avec un Polaroid 20X25, le résultat donne des images aux traits délicats ressemblant à du dessin au crayon. Face à nous, le regard et les corps d’Inès de la Fressange, de Kirsten Owen, de Guinevere Van Seenu ou de Kate Moss entre autres. Toutes sont photographiées avec une certaine pudeur, créant un contrepoint émouvant entre la blancheur évanescente et presque abstraite des formes et la présence crue et naturelle de femmes bien réelles.

Soit qu’il le fasse avec la lumière du jour et des longs périodes d’expositions ou en utilisant une lampe torche pour remarquer à la main les vêtements ou les lignes du corps, Paolo Roversi, son œuvre, témoigne d’un attachement presque religieux à une des prémisses fondamentales de la photo : « dessiner avec la lumière ».

Paolo Roversi, du 16 mars au 14 juillet 2024, au Palais Galliera, Musée de la mode de Paris.

Pour plus d’information, billetterie et réservations ici.

 

 

Texte Esteban Ulrich

Photo couverture Paolo Roversi (Kate Moss, New York 1993)