Le commencement d’une série d’articles qui traitera de l’implémentation et du rôle de la musique au sein du médium jeu vidéo. Pas seulement des compositeurs et bandes-originales, mais de la façon dont la musique en elle-même se retrouve implémentée au centre de nombre de productions vidéoludiques. Et quel meilleur exemple que Rez pour ouvrir le bal ?

La cover de Rez version Dreamcast

Commencée en 2001 sur Dreamcast et PlayStation 2, la série de jeux Rez fait partie de ce genre que l’on pourrait qualifier de “jeu-concept”, qui ne prend sens qu’à partir du moment où on y joue. Propulsé dans le “Project-K”, une matrice informatique, manifestement inspirée de l’univers du film Tron et des tableaux du peintre Vassily Kandisky, le joueur est un hacker contrôlant un virus matérialisé sous la forme d’un simple modèle 3D “fil de fer”. Objectif : localiser et secourir Eden, une intelligence artificielle perdue au sein du maelström digital qui compose le réseau.

Sous ce synopsis aussi abstrait que les œuvres de Kandinsky se cache un jeu de tir complexe non pas dans la manière dont il se joue, mais dans la façon dont se composent sa bande-son électronique et son univers visuel. En effet, ce sont vos actions de petit virus informatique et la façon dont vous jouez qui donnent vie à la musique. Chaque verrouillage et destruction d’ennemi ou obtention de bonus donne naissance à une note, qui vient s’ajouter à ses sœurs pour constituer un rythme s’accélérant selon les succès du joueur. Le tout renforcé au long des niveaux par des samples pré-enregistrés et l’impression constante d’évoluer au sein d’un visualiseur musical, façon Winamp. On parle dans le cas de Rez de véritable synesthésie, une expérience cognitive associant stimuli et sens (ici visuels et auditifs).

A noter que la version japonaise du jeu PS2 pouvait être complétée par le “Trance Vibrator”. Une sortie de souris vendue séparément, et qui retranscrivait le rythme du jeu par des vibrations ajoutant ainsi le toucher à la synesthésie.

Techno, EDM, électro… La plupart des genre relatifs à la musique électronique sont présents dans le jeu, et s’alternent en fonction des niveaux joués.
L’univers musical de Rez s’est construit sur plusieurs années, au gré des expériences et découvertes de son producteur Tetsuya Mizuguchi et du reste de l’équipe. D’abord inspirés par la musique traditionnelle japonaise (dont le tambour taiko) et les classiques 8-bits du jeu vidéo des années 80, c’est au final l’ambiance électrique des nightclubs du quartier tokyoïte de Shibuya et de sa musique électronique qui influencèrent le plus le son du jeu. Mais aussi des événement comme la technoparade de Zurich et le festival du Burning Man, qui orientèrent les compositions musicales présentes dans le jeu vers un style influencé par des artistes tels que Fatboy Slim, Coldcut (qui a composé pour le jeu), Aphex Twin ou Underworld. Des grands qu’a pu rencontrer Mizuguchi à l’occasion de ses voyages en Europe.

Malgré son expérience tournée vers la musique et le rythme, Rez n’est, de l’aveu de son producteur, pas à considérer en tant que jeu musical. Contrairement à des séries telles que celles des Guitar Hero ou Just Dance, pas besoin d’entraînement ou d’un sens du rythme aigu pour profiter de Rez. Le seul prérequis ne serait peut-être qu’un goût prononcé pour les productions abstraites. Après une version HD en 2010, le jeu a eu récemment droit à une refonte visuelle totale, Rez Infinite, sortie en 2016 et disponible sur PlayStation 4 et Windows. Cette mouture prend par ailleurs en charge la réalité virtuelle, permettant au joueur de visualiser l’univers du jeu à 360°.