Notre duo franco-venezueliano-cubain Ibeyi formé par Lisa-Kaindé et Naomi Diaz revient sur le devant de la scène avec un nouvel album intitulé Ash. Ce nouvel enregistrement est plus dansant et bouillonnant que son prédécesseur mais toujours aussi percussif, normal pour les filles du percussionniste cubain Anga Díaz, membre du Buena Vista Social Club. L’an dernier, on les a retrouvées au générique de l’album Lemonade de Beyoncé et elles ont chanté lors du défilé Cruise Collection de Chanel à Cuba. Rencontre avec deux sœurs qui portent haut leur héritage culturel et montrent une fougue et une joie de vivre des plus communicatives. Difficile de canaliser ces deux boules d’énergie !


Naomi
Top Ellery
Pantalon Topshop
Boots Marine Serre

Lisa
Manteau Off-White C/O Virgil Ablon
Pantalon et mules Ellery

Notre shooting vous a-t-il plu ? En parlant mode, c’était incroyable le défilé événement de Chanel Cruise Collection à Cuba…
Oui, l’équipe de Modzik s’est très bien occupé de nous, on a beaucoup aimé le shooting. Quant à Chanel à Cuba, on a vraiment été honorées de se produire comme cela. On ne s’est même pas rendu compte de l’impact que cela avait sur les jeunes filles de Cuba. Il faut imaginer que les jeunes Cubaines qui veulent avoir accès à la mode se font envoyer les magazines de mode par leurs cousines qui vivent à l’étranger. Les voir assister au show les yeux brillants, c’était vraiment touchant.

Votre premier album était un disque familial avec des références à votre père, à votre sœur… Cette fois, on a l’impression que vous êtes allées vers d’autres sujets, d’autres thèmes.
C’est toujours familial car pour nous c’est important, avec « I Wanna Be Like Me » ou encore « Vale » qui est une berceuse en espagnol pour ma petite nièce de cinq ans. Mais c’est vrai qu’avec ce disque on avait envie de transmettre notre regard sur le monde et aussi nos espoirs, notre énergie viscérale mais en même temps pleine de joie et d’émotions positives.

Le premier morceau que vous avez écrit s’intitule « Ash », il donne le titre à l’album et il clôt le disque.
On a écrit ce morceau juste avant que Trump ne soit élu. C’était dans l’air, on avait peur du résultat et c’était une période hyper électrique. Pour autant, ce n’est pas un album politique même s’il s’agit bien de notre vision du monde d’aujourd’hui. On parle de sujets qui nous sont chers, qu’on a évoqué dans la sphère de l’intime mais dont on n’avait jamais parlé dans nos chansons.


Naomi
Robe Chanel
Ceinture Anne-Sophie Back
Mules Sonia Rykiel

Lisa
Chemise Sonia Rykiel
Pantalon Topshop
Bracelet Ambush
Escarpins Sportmax

Vous saviez déjà ce que vous vouliez faire en débutant l’album ?
On savait ce qu’on voulait en termes de production, une ambiance beaucoup plus uptempo avec plus de hip-hop. C’est aussi la tournée qui nous a confortées dans cette envie de bouger, les thèmes sont venus en cours d’écriture, durant les deux ans de tournée. Richard (Russell, tête pensante de XL Recordings, ndlr) nous avait demandé d’écrire avant de le rejoindre en studio. Du coup, on est arrivées avec vingt-quatre chansons, notre mère Maya a participé à l’écriture de certains titres. Mais il y a aussi une partie qui s’est faite en studio : on se met à danser sur une rythmique, on fait les fous et cela donne un morceau… ou pas grand chose, cela dépend.

C’est important pour vous de travailler avec un entourage qui comprend votre culture, votre musique ?
C’est capital. C’est pour cela qu’on a travaillé à nouveau avec Richard. D’ailleurs, je pense qu’il n’aurait pas accepté qu’on travaille avec quelqu’un d’autre, on a un tel degré de complicité en studio. Je pense qu’entre-temps on a tous beaucoup grandi d’une certaine manière et on avait tous envie de se retrouver et de faire de la musique ensemble.

Sur l’album il y a quelques invités de choix ; cela s’est fait assez naturellement ?
Pour Me’shell Ndegeocello, notre père a joué avec elle et ma mère l’a connue à travers son travail sur ses albums chez Naïve donc la connexion est de longue date. On a grandi avec la musique de Me’shell et on l’a vue plein de fois en concert. On ne s’appelle pas tout le temps mais à chaque fois qu’on se voit on sait qu’il y a un truc. Quand on lui a demandé de participer, elle a répondu le jour même.
Chilly Gonzales on l’a rencontré sur une promo France Inter, on a fait un bœuf tous ensemble avec Orelsan et Chassol qu’on avait aussi invité. Il est vraiment génial, il est venu aussi jouer avec nous en live sur un show parisien.
Quant au saxophoniste Kamasi Washington, on a tellement souvent partagé les affiches des festivals qu’on a fini par se connaître.

Naomi
Blouson Acne Studios
Top Area
Pantalon Topshop Unique
Collier Koché

Lisa
Robe Sonia Rykiel

Pour la première fois vos chansons ne sont plus seulement en anglais ou en yoruba, deux titres sont en espagnol.
On fait des titres en espagnol depuis longtemps en live mais il n’y en avait pas sur le premier album, c’est vrai. Voilà qui est réparé avec « Vale » et « Me Voy ». Cette dernière est très sensuelle et on en est très fières.

Et il y a ce titre incroyable avec des samples de voix féminines !
Oui, grâce aux samples on a les voix de Michelle Obama, Frida Kahlo, Claudia Rankine (l’auteur de Citizen, un recueil de poèmes sur l’expérience du racisme). On n’a pas cherché à faire un titre féministe mais on aime ces femmes, on les admire, elle nous inspire et on espère être comme elles plus tard.

L’album débute avec « I Carried this for Years », un titre magnifique mais qui peut surprendre puisqu’il inclut Le Mystère des voix bulgares.
C’est vrai que cela peut surprendre car on est loin de la culture cubaine. Mais je pense qu’on a réussi à marier nos voix et cela fonctionne plutôt bien, non ? Musicalement, on a peur de rien, du moment que c’est ce que l’on sent, on y va.

C’est quoi votre moment le plus dingue concernant cet album ?
Avoir Chris Cunningham qui te dit qu’il adore ton morceau (il s’agissait de « Numb »). Mais aussi Me’shell qui accepte de jouer sur « Transmissions ». Chilly Gonzales qui débarque au studio, fait une prise et c’est la bonne. Retrouver Richard Russell pour faire un album ensemble avec toute la confiance qu’on lui porte. Tout ça c’était fou !

IBEYI
Ash
(XL Recordings)
ibeyi.fr

Photos : Nil Hoppenot
Style : Tiphaine Menon
Maquillage : Cyril Laine
Coiffure : Yumiko Hikage