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Avec Casey Manierka-Quaile, alias Casey MQ, tout est une question de mémoire. Son premier album, Babycasey, revisitait ses souvenirs d’enfance et ses premières passions pour les célébrités, célébrant les sons effervescents de l’hyperpop. Mais cet album fut surtout un moyen de se réconcilier avec lui-même et son identité queer. La mémoire est également au cœur de Later That Day, The Day Before, Or The Day Before That à paraître le 7 juin prochain. Une mémoire en perpétuelle transformation, altérant ainsi nos souvenirs.
« J’ai souvent réfléchi dans ma vie à l’acte d’oublier. Qu’est-ce que cela implique vraiment, comment cela se produit, pourquoi cela se produit et où cela va-t-il ? Je veux une identité, mais j’oublie qui je suis. Parfois, je suis terrifié à l’idée de ne pas être vrai, d’être faux et de montrer des choses que je ne peux pas reconnaître en moi. » C’est ainsi qu’est né ce nouvel album, où la musique emprunte des voies épurées, essentiellement construites autour du duo piano-voix, reflet d’une certaine maturité de Casey.
Né à Hamilton, en Ontario, Casey MQ a grandi dans un foyer qu’il décrit comme peu musical. Cependant, sa mère imposait à toute la fratrie l’apprentissage du piano. Il se partage entre cette passion pour cet instrument et un intérêt pour le théâtre et la danse. À la fin de ses études secondaires, il choisit de se consacrer à la musique, avec une prédilection pour le piano. En 2014, après avoir déménagé à Toronto, Casey commence à cumuler les petits boulots musicaux pour payer les factures. Il joue du piano dans des bars, des salons funéraires et des résidences pour retraités… Et commence à se produire en tant que DJ dans les clubs.
En 2016, il intègre la Red Bull Music Academy, ce qui lui ouvre de nouveaux horizons. Il collabore ainsi avec d’autres artistes, dont Oklou, Pink Pantheress, Christine and The Queens, Flume, Carly Rae Jepsen… Parallèlement, il suit un programme du Centre canadien du film, collaborant avec des réalisateurs, scénaristes et monteurs. Il commence alors à composer pour des cinéastes de Toronto, remportant même le prix de la meilleure chanson originale aux Prix Écrans canadiens pour And Then We Don’t, dans le film Learn To Swim.
Ces diverses expériences de création ont nourri Later That Day, The Day Before, Or The Day Before That et particulièrement son premier titre Grey Gardens. « J’avais passé la soirée seul avec le film Sans Soleil du réalisateur français Chris Marker (documentaire traitant des subtilités de la mémoire humaine, du temps et de la fragilité humaine, NDLA) et quelque chose en moi a commencé à éclater. Je me suis senti transparent, décortiqué et je me suis endormi. Grey Gardens me semblait préhistorique lorsque je l’ai écrit. Je ne me souviens même pas l’avoir terminée. D’habitude, j’ai ce sentiment de fierté et d’ego lorsque je termine une chanson. (…) Ce titre est une exception à cette règle ; c’est comme si elle était apparue sur mon bureau, me hantant nonchalamment sous la forme d’un fichier wav. Quelques éléments qui ont entouré la chanson : 1. J’avais pris l’habitude de noter mes rêves quotidiennement. 2. Je venais d’acquérir un nouveau matelas (rappelé par mon journal). 3. J’avais regardé Sans Soleil la nuit précédente. »
Non seulement ce documentaire fut un déclencheur, mais sa lecture d’À la recherche du temps perdu de Proust qu’il a mis des mois à lire a trouvé le chemin dans les lyrics de Grey Gardens : « Se souvenir n’est pas le contraire d’oublier ». Cela « donne une voix à tout mon album et résonne dans les couloirs, derrière les portes, sous les pierres et sur les lèvres des gens que j’ai aimés. Cette chanson est le manifeste de mon album et revêt une importance particulière parce qu’à un moment donné, j’ai réalisé que j’avais trouvé l’âme de l’album. Découvrir la relation entre le passé et le futur, découvrir la malléabilité de mes souvenirs. Les souvenirs sont dynamiques, ils interagissent les uns avec les autres et conversent. Mes rêves, mes fantasmes, ma langue, mes amis, mon lieu de résidence, tout cela informe la tapisserie. J’ai besoin de tout cela pour me maintenir ensemble, mais j’ai aussi besoin de les laisser disparaître et se tisser dans mon quotidien. Je pense que l’oubli est une source d’identité en soi. »
Ce nouvel album est parsemé de questions sans réponses et de doute de soi, un voyage intérieur où chaque instant de vie peut vous mener n’importe où : dans une relation passée (Tennis Man, See You Later), un échange autour des relations hétérosexuelles et monogames (Is This Only Water), un amour indicible et familier (Me, I Think I Found It), l’oubli mémoriel salvateur (Later That Day).
L’album Later That Day, The Day Before, Or The Day Before That est un incroyable condensé musical impressionniste de la sensibilité pop de Casey MQ nourri de son expérience de création de musique pour l’image. Il nous murmure des fragments de vérité, se dissolvant doucement dans l’oubli. En explorant l’ambiguïté de la mémoire, il nous invite à embrasser la fluidité de notre propre identité, à la fois évanescente et éternelle.
« Je m’enfonce lentement dans une ambiguïté lucide. À chaque tour, à chaque ronde, j’entre un peu plus profondément dans la caverne des rêves oubliés. (…) Je retiens le fragment aussi longtemps que je le peux, mais à un moment donné, je le lâche, que faire d’autre ? C’est le processus inévitable et je le traverse vigoureusement. » Casey MQ.
Later That Day, The Day Before, Or The Day Before That, disponible le 7 juin via Ghostly International.
Texte Lionel-Fabrice Chassaing