Du 4 au 8 Mai, Lyon a vibré au rythme des Nuits Sonores. Le cadre est exceptionnel pour un festival de musiques électroniques, car il se déroule en plein cœur de la ville des Lumières. Il faut dire qu’il est de plus en plus difficile pour les festivals comme celui-ci de perdurer. Plusieurs d’entre eux sont contraints d’annuler au dernier moment suite à des arrêtés municipaux aux raisons douteuses. Mais ces débats politiques n’empêchent pas ce festival urbain de s’imposer comme le plus grand festival de musiques électroniques indépendantes de France.
Retour sur l’édition 2016, sous mon regard de bénévole-festivaleuse aguerrie.

La 14e édition du festival lyonnais a posé une fois de plus son territoire à Confluence. Ce quartier au confluent de la Saône et du Rhône fut longtemps connu pour ses friches industrielles. Aujourd’hui réhabilitée, la Confluence garde cependant son aspect défraichi avec l’ancien Marché de Gros – qui sera attribué au projet French Tech l’année prochaine.
S’y ajoutent la Sucrière et le Sucre, une ancienne usine éponyme où se déroulait une programmation diurne alléchante. Chaque jour, Motor City Drum Ensemble, Laurent Garnier et Seth Troxler avaient quartier libre pour composer leurs sets et convier leurs pairs.
En marge du festival avait lieu au Musée des Confluences l’European Lab, un cycle de conférences établi depuis 6 ans. Durant trois jours, des intervenants aussi variés qu’intéressants réfléchissent à l’avenir de la culture en Europe. Ce rendez-vous stimulant intellectuellement a compensé les moments de relâche qui m’attendaient une fois la nuit tombée.
Dans les jardins du musée s’est établi la Carte Blanche donnée à Séoul, qui honore l’année France-Corée. Les Coréens ont pu partager leur culture musicale, gastronomique et stylistique.
C’est d’abord en tant que barmaid bénévole aux Days à la Sucrière que j’ai participé aux Nuits Sonores. Autrement dit des « Un demi ! » enjoués, « Quoi ? Vous servez plus d’alcool ?! » ébahis, « Pourquoi vous enlevez les bouchons des bouteilles ? » étonnés à longueur de journées. Mon équipe était topissime et pour être bénévole depuis 3 ans, je peux dire que ce fut mon expérience préférée.
C’est ensuite – et surtout – en tant que public que j’ai profité des Nuits. J’ai battu le dancefloor des Nuits 1, 3 et 4. La Nuit 2 étant un circuit traversant plusieurs clubs de la ville, j’en ai profité pour rentrer prendre des forces.

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Une scénographie brute et lumineuse
Arrivée sur le Marché de Gros le premier soir, j’ai hâte de découvrir le décor que ces #nuitsso2016 nous réservent. Il y a 3 ans, j’étais envoûtée par des paysages de forêt, d’océan et de coucher de soleil projetés sur de grandes toiles blanches. L’année dernière, j’étais éblouie par les dizaines de boules à facettes qui surplombaient la halle 1.
Et cette fois ? Les architectes de Looking For Architecture, toujours en charge de la scénographie, ont opté pour un ensemble de néons croisés en halle 1. En halle 2 sont alignées des colonnes de projecteurs qui flashent du rouge, du bleu ou du blanc. Sur le chemin de la halle 3 défilent des gifs toutes références confondues (du Prince de Bel Air au Loup de Wall Street en passant par Beyoncé ou des extraits de télé-réalité), scandés par des hashtags. Ce mur sponsorisé par Ray Ban affiche en effet des slogans contemporains tels que #FACECRITICS, #FIGHTPERFECTION, #ITTAKESCOURAGE.
En face de la halle 2, des centaines de palettes sont à notre disposition pour reposer nos gambettes. Elles m’ont sauvées plus d’une fois !

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Nuit 1 : « Y a des porteurs de talons »
J’atterris en halle 1, où Pantha Du Prince présente son dernier projet The Triad. Pas mal pour commencer mais je vais voir ce qu’il se passe ailleurs. Et je tombe sur le début du set de Paula Temple en halle 2, où j’ai pris une grosse claque. L’Allemande adepte du noise n’envoie pas de son à la légère. Elle entre en matière sans fioritures ni commodités de politesse. Je reste plantée là, fascinée par la puissance de ses mix – la taule ferraillée des escaliers en tremble encore.
Je suis tellement hypnotisée par ce moment que j’oublie une autre identité marquante, celle de la Canadienne Peaches. J’arrive à la fin du concert, à son image : déjanté mais non moins revendicateur. La halle 3 accueillait effectivement une scène queer, orchestrée par la figure des soirées Garçon Sauvage : j’ai nommé Chantal La Nuit, accompagnée de Fifi du Calvaire et Tracy Gareth. Car Nuits Sonores, c’est aussi des univers souvent marginalisés qui ne demandent qu’à être entendus. C’est cet instant où la musique n’est pas que du divertissement mais un combat à part entière.
Des queers se préparent devant moi : turbans, bas résilles, talons hauts, jupes courtes, maquillage outrancier et perruques colorées. Il est temps de voguer sur les vibes transgenres de Cakes Da Killa. Il finira dans le public, en sueur.

Nuit 2
Euh… dodo.

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Nuit 3 ou le live mémorable de cette édition
Je me jette sur le premier food truck en vue. Ce sera Mamma Gina et ses paninis siciliens.
Le ventre plein, 01h15 : je peux enfin voir les Berlinois attendus de Moderat. A mon grand désarroi, j’ai eu la même idée que les 10 000 autres festivaliers. La salle est blindée, pleine à craquer et il faut être fou pour s’y aventurer. Je me case sur les barrières de la régie. Ils sont à la hauteur de nos attentes mais les passages de la foule m’oppressent.
Je cours rejoindre les Italiens de Ninos Du Brazil qui enflamment la halle 2 aux côtés du collectif tangérois Mémoires d’Avenir. Ce fut une révélation pour beaucoup et pour sûr mon set préféré de toute la programmation. Pour la recette : confettis, ballons, percussions et un featuring chaleureux.
Je finis avec Bambounou, ma valeur sûre, mon chouchou de la techno française que je vois pour la troisième fois.

Nuit 4, quand l’indie yéménite rencontre le mijwez électrique
La fatigue se fait sérieusement sentir. Mes jambes sont lourdes, mon dos bloqué. Mais impossible de louper le pionnier de la house chicagoane Lil’ Louis… qui m’a laissé sur ma faim.
Au final, ma soirée est comblée par le plateau de la halle 3. Après plusieurs tentatives, Arty Farty (l’association à l’origine des NS) a réussi à pacifier à sa manière les tensions israélo-palestiniennes. Les Palestiniens de 47SOUL ont ainsi succédé aux sœurs israéliennes A-Wa. Deux groupes dont les influences musicales sont palpables, au-delà du conflit.
La légende DJ Harvey n’atteint pas mes espérances et c’est Maceo Plex qui finit par me surprendre.

Je retiens les lives atypiques qui marquent l’histoire des Nuits Sonores, les licornes, des barbus (beaucoup de barbus), le soleil généreux, les litres de bière, et par dessus tout vos beaux visages et ces sourires profondément réconfortants dans ce monde de fous.

 

Anaïs Gningue