Modzik a rencontré Jason Williamson, chanteur des Sleaford Mods, une formation post-punk/hip-hop originaire de Nottingham qui développe un style assez unique depuis près de dix années. Ils sortent English Tapas le 3 mars 2017, ce sera leur premier album chez Rough Trade.
“C’est un immense bénéfice d’être chez Rough Trade, ils vont nous permettre d’étendre un peu plus notre musique.“
La lucidité des Sleaford Mods n’est plus à prouver. Tantôt désabusés, tantôt engagés, le groupe a toujours suivi sa ligne de conduite qu’il s’est imposé à ses débuts : aucune ligne de conduite. Le témoignage le plus frappant serait certainement leur page Facebook où les fans se font littéralement insultés (et c’est parfois mérité).
Le groupe se compose actuellement de Jason Williamson et d’Andrew Fearn, qui remplace Simon Parfrement depuis 2012 et l’album Wank. Ce remplacement ne dénote aucune rupture dans l’entente des deux hommes, Jason explique : “Simon travaillait exclusivement avec la technique du sampling et on pensait tous deux qu’il était temps de produire nous mêmes les morceaux. C’est Andrew, que j’ai repéré en concert à Nottingham qui nous a apporté la solution. C’est lui qui produit tous nos morceaux qui sont désormais originaux. C’est dans la droite lignée de ce changement de maison de disque. Ça nous permettait d’asseoir notre son, de le légitimer.“
Chop Chop Chop est un morceau présent sur l’album The Originator sorti en 2007, on peut aisément y reconnaître, entre autres, un sample des Sex Pistols et leur fameux Roadrunner.
Si les Sleaford Mods, à l’appréciation de leur succès grandissant, ont eu à modifier leur processus musical afin de publier du contenu original et éviter les embrouilles judiciaires de plus en plus fréquentes, ils n’ont jamais eu à modifier leur processus d’écriture, dont seul se charge Jason, et qui a justement contribué à leur renommée de plus en plus évidente. Les thèmes sont sensiblement les mêmes depuis 10 ans : la société, le prolétariat, le foutu monde du travail, le café lyophilisé des open-spaces et leurs hémorroïdes qui vont de pair, les élites, la (putain de salope de) pop culture, l’alcool, les putes ou encore la drogue, même si Jason, sobre depuis sept mois, s’est définitivement calmé à propos des trois derniers.
“La vie de tous les jours est une source sans fin de situations incongrues que je m’efforce de relater et d’interpréter, je me nourris des erreurs quotidiennes des gouvernements ou du capitalisme (qui sont intimement liés), le nationalisme merdique, tous ces putains de trucs en -ismes m’inspirent de facto. Je trouve intéressant d’exploiter tout ce qui peut affecter les petites gens. Je pense que ce dernier disque est le plus personnel, de mon point de vue.“
Son point de vue, Jason l’a parfois exposé dans les pages de Noisey, s’épanchant sans vergogne sur les addictions ou la notoriété.
“Ils avaient accroché sur notre musique sans concession et les sujets qu’on abordait, ils sont venus me trouver et m’ont proposé d’écrire sur mes expériences passées. Ils sont arrivés au bon moment, je me questionnais beaucoup sur la finalité, les obstacles passés et ceux qui allaient se présenter. J’ai trouvé intéressant d’exploiter cette forme d’expression nouvelle, autre que le chant.“
Le chant, parlons-en, car on ne peut pas dire que Jason chante réellement. Adepte du Sprechgesang, il en fait une utilisation abusive qu’il couple à son accent naturel des East Midlands britanniques. Le résultat, on ne peut plus singulier, participe grandement à l’unicité du groupe.
B.H.S est l’un des morceaux le plus représentatif de la technique vocale utilisée par Jason. Il est extrait du dernier album, English Tapas, et son clip a été réalisé par l’ancien membre du groupe Simon Parfrement.
English Tapas. Un nom d’album qu’on peut appréhender sans toutefois le comprendre. Eléments d’explication du chanteur : “C’était une manière d’illustrer la manie qu’ont les anglais de s’approprier de manière exécrable d’autres cultures. Quand on pense aux tapas on pense à l’Espagne, le soleil et un apéro agréable. Le tapa britannique le plus connu est le scotch egg, qui ne devrait même pas exister selon moi ! C’est un œuf dur entouré de chair à saucisse qu’on pane et qu’on frit.“
Vous pouvez toujours essayer dès maintenant la recette des scotch eggs, ou vous pouvez attendre demain, vendredi 3 mars et la sortie du 8ème album des Sleaford Mods, English Tapas. Le premier, d’une longue série on l’espère, chez Rough Trade.