Faisant dorénavant figure de vétéran, le groupe synthpop londonien Hot Chip, toujours emmené par le tandem Joe Goddard et Alexis Taylor, revient avec un septième album électrisant au titre évocateur de A Bath Full of Ecstasy ; tout un programme dont le premier extrait « Hungry Child » semble paré pour les clubs avec son influence house. On a rencontré cette bande de geeks timides mais talentueux lors de leur passage éclair pour un concert au Trabendo. Rassurez-vous, ils seront de retour à l’Élysée Montmartre pour deux soirs, les 7 et 9 décembre prochains, mais aussi aux quatre coins de l’Hexagone. Ils nous en disent plus depuis leur tour-bus.

Votre nouvel album célèbre la joie de vivre non sans envisager les difficultés afin d’y parvenir, c’est cela ?
Les deux chansons « Melody of Love » et « Bath Full of Ecstasy » ont donné le ton et la direction générale de l’album. Nous ne fonctionnons pas avec des concepts pré-établis, mais nous nous laissons guider par les premiers morceaux. On voulait rappeler aux gens ce qui nous apporte de la joie dans nos vies. On nous montre en permanence ce qui ne va pas dans le monde à travers les médias, donc revenir aux choses positives est plutôt salvateur. Si à notre humble niveau on peut influencer le monde positivement, pourquoi s’en priver ? C’est un acte de résistance en quelque sorte !

C’est donc un album pour s’évader du quotidien ?
Il ne s’agit pas d’évasion, mais plutôt d’une bouffée d’oxygène, notamment pour les minorités qui suffoquent de plus en plus. Il est important d’agir et ne pas se laisser faire par ce qui va à l’encontre de la démocratie, comme les montées populistes par exemple. Nous sommes assez naïfs pour penser qu’en rassemblant des gens autour de la musique, on peut galvaniser le public et l’inciter à réagir contre ce qui ne va pas dans la société. Ne serait-ce que rappeler aux gens qu’ils ne sont pas seuls et isolés, c’est important.

Vous avez toujours produit vos albums vous-mêmes, mais cette fois vous avez collaboré avec deux producteurs, assez différents d’ailleurs.
Nous avons enregistré l’album entre Paris et Londres et travaillé pour la première fois avec des producteurs externes : le Français Philippe Zdar (Cassius, Phoenix) et l’Écossais Rodaidh McDonald (The XX, David Byrne, Sampha). C’était une sorte de défi pour nous. Maintenant, nous sommes producteurs au sein d’Hot Chip, mais aussi sur divers projets que chacun mène en dehors. On connaît nos aptitudes et on est devenus assez sûrs de nous. Nous avons eu besoin de faire entrer des gens extérieurs pour éviter de nous répéter, d’emprunter toujours les mêmes chemins dans la production de notre musique. Travailler avec Philippe et Rodaidh nous a permis ne pas rester sur nos acquis, ça a eu un impact sur la qualité de nos compositions.

Comment s’est déroulé cette collaboration assez inhabituelle pour vous ?
Pour commencer, il est assez rarement arrivé que l’un ou l’autre nous demande de réenregistrer une partie : la majorité des prises que nous avons réalisées à Londres sont restées telles quelles. Leur influence a plutôt joué sur la structures des morceaux, les arrangements et le mixage. Avoir un regard extérieur sur notre musique s’est avéré très bénéfique selon nous. Même entre nous parfois ce n’est pas facile de demander à l’un de nous de refaire une prise ou de réengistrer, notamment pour des histoires d’égo. Alors avoir une voix extérieure ayant ce rôle a été plus que positif et nous a permis d’éviter certaines frictions entre les membres du groupe. Rodaidh a su nous pousser afin d’améliorer notre écriture, sur « Melody of Love » notamment. Et c’est Rodaidh qui a mixé l’ensemble de l’album à la fin.

Et concernant votre collaboration avec Philippe Zdar ?
Venir travailler à Paris avec Philippe a été très agréable, mais aussi efficace. Il est charismatique et joyeux, ce qui nous a galvanisés et poussés à aller plus loin. Il a su nous redonner confiance en nous quand nous avions des doutes. On a aussi pu profiter de sa collection d’instruments et de machines. Je dirais qu’il sait insuffler sa passion dans la musique ! Et puis venir travailler à Paris alors que nous étions en pleine tourmente avec le Brexit chez nous, c’était presque politique de notre point de vue.

Le dernier titre de l’album « No God » est assez différent, avec une sorte de piano old school…
Dès sa version démo, ce titre nous a rappelé les premiers Primal Scream et même certains morceaux des Rolling Stones, et on a poussé encore plus dans cette direction. Mais on n’arrivait pas à une version qui nous satisfasse et on a même failli retirer le morceau de la tracklist de l’album C’est Philippe qui nous a poussés à réenregistrer certains instruments et le morceau a pris une tournure nouvelle, avec ce côté disco lent qui nous a emballés. C’est l’un des morceaux dont nous sommes le plus fiers sur l’album au final.

Voilà un septième album qui oscille entre euphorie et mélancolie sur des mélodies en Technicolor et des rythmes percutants. Une fois encore, Hot Chip est parvenu à se réinventer musicalement.

HOT CHIP : A Bath Full of Ecstasy (Domino Recording)