Grosses actus cette semaine pour Young Fathers qui ne nous avait pas habitués à temps de gesticulations publiques : un poème écossais clipé par Lemonade Money sur C4 mercredi et le clip de Queen Is Dead aujourd’hui. Cerner Young Fathers n’est pas simple et ne se fait pas vraiment dans la lumière des médias. Au contraire, il faut plutôt suivre l’ombre dans le noir, puis entendre le bruit pour comprendre mieux le son. Une fois arrivé(e), ne vous attendez pas à tomber sur un mignon petit jardin secret mais plutôt sur une cave hantée, brumeuse et crade. Pourtant, vous verrez qu’avec Tape Two, dernier album du groupe, à fond dans le casque, vous vous sentirez bien dans cette pièce. Modzik tente de percer le mystère des intrigants YF.
Dire simplement qu’il s’agit d’un trio de rap écossais ne serait pas aller plus loin que le bout de la première écoute. YF est d’abord le heureux fruit d’un mic-mac international. Formés à Edimbourg, la capitale écossaise est le point de rencontre de ces trois garçons issus du Nigéria, Libéria et des Etats-Unis. Return To The Love diffusé mercredi sur C4 témoigne avec poésie de l’influence et l’importance de cette ville dans le parcours et l’histoire des trois garçons. Ils sont d’ailleurs acteurs et compositeurs dans ce clip de 3 minutes. Pour l’histoire, ils se rencontrent alors qu’ils ne sont que des adolescents et commencent à poser leurs voix sur des instru de karaoké. En 2006, ils sortent leur premier EP, Automatic/Dancing Mantaray. Seulement deux titres mais YF y pose ses premières lignes de voix sur des productions électroniques sur-vitaminées en basse. Le résultat est lourd : une sauce electro/ragga au flow souvent relevé, parfois déglingué. Dans le son, on pourrait le comparer à Outkast ou De La Soul mais cet E.P secret reste malheureusement difficile à trouver sur le net.
Mais, on voit déjà se dessiner ce que YF six ans plus tard sera. Car à la différence d’un Major Lazer par exemple qui envoie franchement la sauce, les intentions des écossais sont plus dissimulées. C’est à l’auditeur d’y trouver ce qu’il peut, ce qu’il veut. Et cette théorie va se vérifier par la suite. En 2011, YF sort son premier album, Tape One. Huit titres où YF teste, manipule, mélange tout avec n’importe quoi : sonorité électro ou dub, percussions tribales, lignes de voix ragga ou pop, synthés ambiants lourds, chœurs soul, entre autres. Tout ça dans la plus pure tradition du DIY. On remarque ainsi l’apparition d’une identité musicale lo-fi de plus en plus marquée dans le son, Il faut préciser qu’entre temps, nos trois apprentis sorciers sont passés de chez Eurostar Records à Anticon, label underground des aventuriers (Bath, Why ?, Son Lux, Sage Francis). Ainsi, en 2012, devenus vaudous, YF sort Tape Two. En neuf titres, ils démontrent que leur coller l’étiquette rap, hip-hop ou r’n’b serait aussi absurde que les qualifier de pop, ragga ou soul. Pour comprendre, il faut trouver les mélodies bien planquées sous l’ambiance lourde. Le mystère réside dans la sincérité de la voix (Only Child), la fragilité des chœurs (I Heard), l’atmosphère pesante des nappes d’ambiances (Mr Martyr) et les instrus comme venues des 4 coins du monde pour un son unique (Freefalling). Devenus vaudous, les flow sont maîtrisés, les mélanges micro-dosés pour un résultat à la fois tétanisant et touchant.