Tubulaire excentrique, l’américain Baths, officiant dans la musique tendancieusement électronique, prend son temps pour notre plus grand bien. Après le premier né Cerulean en 2010 et le deuxième Pop Music/False B Sides en 2011, un petit dernier du nom d’Obsidian est sorti en mai, toujours chez Anticon. Il semble indolemment se détacher de ses origines sonores tournées vers une chillwave à l’allure souvent fade. Un gain de caractère qui nous laisse contempler une superbe excentricité.
Pour vous situer l’esprit fantasque du monsieur, quelques mots seront nécessaires. Baths, Will Wiesenfeld de son nom, 24 ans, a commencé très tôt à pianoter. Dès 4 ans, il tapait de la touche avant de se lancer dans des expérimentations musicales foutraques. Il aurait ainsi enregistré son premier morceau à 14 ans, ce qui en ferait rougir plus d’un. Si le garçon commence à se frayer un chemin dans les méandres musicaux _ on notera notamment sa présence au festival parisien Pitchfork 2013 _ il n’a pas atterri dans nos oreilles ex nihilo. Sous l’ancien nom de Post-Fœtus (charmant…), il a sorti 4 albums et 3 EP’s, mais avait également jeté son dévolu sur un style plus ambiant avec son projet Geotic. Une fois exercé, il s’est lancé dans son projet du nom de Baths, nom qui lui vient de ses années d’enfance lorsque son temps passé dans la salle de bain était source d’intense inspiration artistique. Ce contact avec l’eau lui serait d’un grand confort physique et spirituel. Pour revenir à ces deux premiers albums, la sensation est celle d’un passage d’une frappante clarté à une évidente noirceur jusqu’aux ponctuelles fusions sur ce dernier album qu’est Obsidian. Ses allées et venues entre la pop, les sonorités r’n’b et l’électronique dessinent sa personnalité multigenre qui s’incarne au mieux sans confusion.
L’unité sémantique qui donne clarté pour l’entendement vient de ce flot de notes joué par le piano classique, présent à l’esprit ou en fond sonore, s’imposant dans la mélodie puis laissant place à d’autres instruments. Ce piano qui trouve sa plus belle déclaration d’amour dans Ironworks, délicat, cascade de notes agrémentées par un violoncelle déroutant de simplicité. La voix suit le rythme dicté, les rythmiques sont transgenres mais le ton est doux. Excitant transgenre qui est partout. Néanmoins, cela tourne parfois à l’ennuyant comme sur Incompatible qui semble moulé sur un style chillwave assez banal. Heureusement, ailleurs, Ossuary débute et te casse la gueule avec courtoisie, les beats durs mais élégants, la voix de Wiesenfield et sa chère technique du fausset donnant sans discutailler aux cordes vocales leur statut d’instrument. Au cœur de ce foisonnement, bien au chaud, le morceau Miasma Sky dont les débuts laissent entendre un écoulement d’eau, tranquille apaisement, avant que tu ne te retrouve catapulté de ton hamac par une accélération rythmique où se pose la voix tempérée à la touche pop et punchy. On se rend compte alors que, de trébuchements en vacillements, c’est avec génie que l’ami Baths retombe sur ses pattes.
Emilie Jouan