Quand la Française multi-instrumentiste, Melody Prochet de My bee’s Garden, rencontre le musicien producteur austra- lien, kevin Parker de tame impala, cela donne Melody’s Echo Chamber. servi par une production hautement psychédélique et des compositions sensuelles et mélancoliques, ce premier album ravive notre été perdu. il était donc grand temps d’organiser une rencontre sous le ciel gris de Paris. histoire d’y voir plus clair…

Kevin, comment as-tu découvert Melody ?

Kevin : Nous avons fait une tournée ensemble, il y a deux ans. C’est là qu’elle m’a fait écouter ses nouvelles compositions.

Et vous vous êtes découverts des influences musicales communes?

K : Pas tout de suite, cela ne s’est fait que récemment en fait. C’est, d’ailleurs, elle qui m’a fait découvrir la musique de Serge Gainsbourg.

Melody : C’est vrai qu’à Perth, où nous avons enregistré l’album, nous avons beaucoup écouté Histoire de Melody Nelson.

Comment s’est passé l’enregistrement là-bas ?

m : C’était très inspirant. J’avais d’abord écrit quelques morceaux seule. Pendant la tournée que nous avons faite ensemble, je lui ai fait écouter quelques titres et cela l’a intéressé tout de suite. Il avait envie de les produire. Je suis donc partie à Perth pendant quelques semaines. Nous avons fait quelques instrus ensemble, Kevin a aussi joué de la basse et de la batterie.

Kevin, beaucoup de gens disent que tu es un control freak, car Tame Impala est avant tout ton projet perso… C’était facile de travailler avec quelqu’un d’autre ?

K : [Rires] Oui, mais c’est un peu exagéré de dire que je suis un control freak. Ce que je veux dire, c’est que j’aime faire de la musique par moi- même, pour que mes opinions et mes idées ne soient pas altérées par d’autres personnes. Mais cela ne veut pas dire que je ne peux pas faire de la musique avec d’autres gens. Tu vois, avec Melody’s Echo Chamber, c’était génial, car je n’avais pas besoin de penser en termes artistiques, j’étais plus sa main, celui qui s’occupe de réaliser ses envies.

m : Ma main magique !

Un peu comme Serge Gainsbourg et ses chanteuses…

Kevin : Non parce que Serge Gainsbourg écrivait paroles et musique. Moi je suis juste un gourou du son. [Rires]

m : Honnêtement, il est modeste, mais c’est quelqu’un de très inspirant, dès qu’il branche sa guitare, il en sort des sons sidérants. C’est tout de suite envoûtant. Il a créé son propre son, sa marque qui est vraiment reconnaissable.

Il y a une touche assez mélancolique aussi…

m : Cela vient de moi, puisque ce sont mes morceaux. Et encore, il y a une évolution car il y a quelques années, j’étais vraiment une ado triste. Avec ce projet, c’est plutôt une douce mélancolie.

Il y a également deux chansons sur l’album qui sont en français. Cela te tenait à cœur ?

m : Je n’avais jamais écrit en français, même si j’avais beaucoup écouté Gainsbourg, Bashung, Bogaerts, car je trouvais cela dur, et eux, ce sont des pointures. Je pensais que je n’arriverais jamais à m’exprimer, que cela ne sonnerait pas bien. En Australie, en improvisant des voix, c’est en français que j’ai chanté. Je pense que j’avais également besoin de me reconnecter avec la France, une fois loin d’elle.

Kevin, tu sais si les autres mecs de Tame Impala ont écouté Melody’s Echo Chamber ?

K : Ils l’aiment tous beaucoup. Ils pensent que c’est le deuxième meilleur album psychédélique de l’année. Après celui de Tame Impala, bien sûr ! [Rires]

C’est plus facile de travailler avec qui ? Ton groupe ou Melody ?

K : [Rires] C’est vraiment différent. C’est comme comparer être dans une équipe de foot et faire un gâteau ! Honnêtement, c’est plus confortable de bosser avec Melody car je n’ai pas à me soucier des compositions, des éléments artistiques.

Kevin, est-ce que cette expérience t’a donné envie de produire d’autres personnes ?

K : Oui, j’aimerais bien, mais je ne pense pas que cette situation se renouvellera dans les mêmes conditions. Quand je travaille avec Tame Impala, ce sont mes amis, c’est différent. Avec Melody, c’était un autre procédé, c’était une véritable rencontre. C’était naturel.

m : J’adorerais faire un deuxième album comme ce projet. Ce disque a été un véritable épanouissement. A un moment, j’ai vraiment eu besoin de partir loin, d’abandonner des choses. En Australie, cela a été un véritable déclic : les grands espaces, les rencontres, la scène musicale, là-bas, est véritablement incroyable. C’est plus sauvage, plus extrême, cela m’a donné envie de faire quelque chose de plus fou.

Justement, cette scène australienne, autour de Tame Impala, Pond, le label Modular, est assez médiatisée. C’est un fantasme ou tu as réellement senti une atmosphère particulière ?

m : Complètement. Dans la maison de Kevin où il a son studio, on vivait avec des mecs de Pond et d’autres artistes, des mecs qui sortaient directement des années 70 avec des afros… C’est hyper inspirant. Quand tu y es, c’est hallucinant, c’est très bohème, ils boivent du cidre, fument des pétards, il y a des hamacs. [Rires] Mais eux ne rêvent que d’une chose, c’est de quitter Perth. Comme c’est la ville la plus isolée du monde, ils rêvent de Paris, Berlin, etc. Mais quand ils viennent en Europe, ils ont hâte de retour- ner dans leur ville, ils réalisent que c’est quand même la belle vie chez eux.

Kevin, qu’est ce que tu préfères dans ta ville ?

K : J’aime le fait que tu ne te sentes pas dans une partie du monde. Tu es juste à Perth. [Rires] Ce que je veux dire, c’est que quand tu es à Perth, tu vas à la plage, tu fais de la musique, tu fais la fête, et c’est tout. Tu n’as pas à te soucier d’autre chose.

Etes-vous intéressés par la mode ?

K : Pas vraiment… J’aime bien me sentir à l’aise.

m : J’aime quand la mode me rappelle des souvenirs. En ce moment, j’aime bien la mod.e du college rock nineties, cela me rappelle quand j’étais ado et que j’avais des mèches rouges. [Rires] La mode est un bon moyen de s’exprimer.

Melody’s Echo Chamber, Melody’s Echo Chamber (Domino) www.melosechochamber.tumblr.com

Tame Impala, Lonerism (Modular/La Baleine) www.tameimpala.com

 

 

 

Propos recueillis par Guillaume Cohonner

Photos Thomas Paquet

Réalisation Clémence Cahu