“On retrouve dans cette collection des influences du peintre Josef Albers “, dixit Paul Smith, “C’est un hommage à Oskar Schlemmer mélangé à mon style BCBG” laisse entendre Thom Browne… Mais d’où vient cette avalanche de patronymes aux accents allemands omniprésente dans la bouche des créateurs. C’est l’esprit Bauhaus pardi ! Bien que disparu en 1933, cette école de beaux-arts et d’arts appliqués germanique n’a toujours pas fermé les vannes de son succès. Bien loin des fantômes du passé, l’institution a laissé derrière elle une armée d’artistes qui ne cessent d’inspirer bon nombre de créateurs. Comment expliquer ce lien indéfectible avec la mode ?
Moteur, action. Ambiance de pellicule qui grésille nous voilà plongé dans l’Allemagne de l’entre-deux-guerres. 1919, la ville de Weimar voit pousser un drôle de bâtiment entre ses murs. Façade de verre, blocs disposés en quinconce, mais quel est donc cet OVNI ? Tout simplement la naissance d’un lieu atypique qui donnera sa définition au mot “design” tel que nous la connaissons aujourd’hui. Créée et tenue à tour de rôle par une brochette d’architectes clairvoyants, l’école Bauhaus est une révolution. Ici on veut casser les codes, épurer, démocratiser dans un certain sens. L’utile et le beau ne se tirent plus dans les pattes. Les beaux-arts et les arts appliqués ne forment plus qu’un. Pour mener à bien le projet, très vite les grands esprits se rencontrent. On murmure qu’un certain Paul Klee ou encore un Wassily Kandinsky y enseignent. Après avoir déménagé jusqu’à Berlin, l’institution ferme finalement ses portes en 1933 face à la fièvre politique. Mais ce bouillon d’esprits ne cesse de s’agiter. Ses élèves alors dispersés aux quatre coins du globe, le Bauhaus se transforme en joyeuse pandémie.
Il n’existe aucune différence essentielle entre l’artiste et l’artisan. Voulons, concevons et créons ensemble la nouvelle construction de l’avenir qui embrassera tout en une seule forme.
– Walter Gropius, fondateur du Bauhaus
Alors qu’on aurait pu croire qu’il s’arrêterait aux domaines de l’architecture et du mobilier, le Bauhaus frappe de plein fouet une toute autre esthétique : la mode. Cette fusion des arts, pilier de l‘esprit Bauhaus deviendra le fantasme d’une flopée de créateurs. Ici on cherche l’essence des choses. Les silhouettes se font aseptiques, les couleurs primaires (blanc et noir) dominent et les coupes sont nettes, tranchées, à l’image de la collection automne-hiver 2019 de Jil Sander .
Mais l’immaculé n’est pas synonyme d’ennuyeux avec le Bauhaus. Sous la voûte de cette philosophie des miracles se produisent. Jamais l’asymétrique n’avait semblé si symétrique, les tons neutres aussi chatoyants, les lignes droites aussi rebelles. Une magie que certains créateurs ont voulu pousser, quitte à donner au Bauhaus un côté baroque et festif. La géométrie prend alors de la dimension, les volumes s’étirent et les couleurs éclosent. Résultat: des visions quasi surréalistes chez Thom Brown ou encore Walter Van Beirendonck où les figures s’entourent de sphères colorées ou de visages en mosaïque non sans rappeler les oeuvres du prodige cubiste a.k.a Picasso. Les puristes crieront à l’imposture, les adeptes au génie. Une chose est sûre, le Bauhaus ne cessera d’inspirer.
Les 100 ans du Bauhaus
Happy birthday mister…. Bauhaus. L’institution souffle cette année ses 100 bougies. Pour l’occasion, la marque d’accessoires de luxe Lutz Morris et l’institution de porcelaine berlinoise KPM s’associent pour fêter l’anniversaire du centenaire. Au menu, des services à thé rappelant le design de Marguerite Friedlaender, professeure au Bauhaus ou encore des sacs peint à la main avec motifs carreaux colorés à la Mondrian. Vous en prendrez bien une part ?