Après A/N, un premier album né dans l’urgence après les attentats, l’artiste électro Apollo Noir s’est également fait remarquer en produisant les artistes français de la nouvelle scène comme Buvette, Jeanne Added, Canine, Bagarre ou encore Claude Violante. Il récidive aujourd’hui avec un second opus aux sonorités rétro-futuristes plus abouti intitulé Chaos ID, toujours sur le label Tigersushi. A travers sa playlist entre avant-garde et musique de films et ses réponses à nos questions, découvrez l’univers d’un artiste aujourd’hui plus accessible qui n’a pourtant pas abandonné ses recherches sonores futuristes.

Tu cites la science fiction et la littérature cyber-punk comme source d’inspiration : quels auteurs et oeuvres ont ta faveur et pourquoi ?
Venant du “milieu” punk, hardcore très DIY, j’ai toujours eu un penchant prononcé pour remettre en question l’ordre établit ou du moins le questionner.
La littérature cyber punk me parle énormément car elle représente pour moi le miroir de ma culture, dans un univers totalement dingue, futuriste, chaotique, créatif et inspiré.
Par exemple, Bruce Sterling, avec son anthologie « Mozart en verres miroirs » , a été une source importante d’inspiration.
Dans les années 80, les “proto-cyberpunks” ou “mirrorshades group” trouvaient leur inspiration auprès des marginaux de l’underground , qu’il soit hip hop, punk ou même pop.
Comme dans la science fiction, les auteurs de radical hard sf (aussi cyberpunk) inventent les mondes de demain pour tirer des sonnettes d’alarmes du présent. Utopiste surement mais souvent dystopique, cette littérature représente bien ce que je veux proposer avec à ma musique.
Aussi, ce courant littéraire est né dans les années 80. Etant un enfant de cette décennie, je ne peux nier éprouver une forme irrésistible de nostalgie face à cette littérature 🙂

Comment parviens-tu à transposer ces influences en sons et musique ?
Ma façon de créer de la musique avec ce projet Apollo Noir est totalement spontanée dès lors que je me lance dans la partie « composition », le côté « production » a été méticuleux sur cet album.
Avant de passer à cette partie concrète qu’est la composition, je passe des mois à me créer une sorte de décor / contexte afin d’avoir une fondation pour ma création musicale.
C’est là que je me suis inventé cette histoire à propos de l’album “CHAOS ID” : ID serait une IA auto-générée qui considère que son rôle est de sauver la planète terre. Pour parvenir à cela, elle choisit de mettre fin à l’espèce humaine. Se pose la question des divinités, de l’identité, de l’importance du corps physique et de l’âme… Cette histoire est purement SF cyberpunk avec une dimension peut-être un peu plus métaphysique.

Chaos ID est-il un album désabusé/désenchanté ?
J’aime les contrastes extrêmes.
Dans ce disque il est autant question de fin du monde que d’amour total.
Je suis quelqu’un d’assez sensible et emphatique: la société qui m’entoure me touche beaucoup par moment, mais elle peut aussi me faire vomir. Dans mon quotidien, je favorise de loin le positif, mais dans ma musique j’ai besoin d’exprimer également le côté sombre, c’est très libératoire et même jouissif pour moi.

Coté musique, qui sont les producteurs ou compositeurs qui ont ta préférence ?
Vaste sujet 🙂
Je serai marqué à vie par ma culture DIY punk et ce qui en découle, l’urgence, l’extrême mais aussi l’ouverture d’esprit et la remise en question.
Des groupes comme les Stooges ou Velvet Underground me marquent encore c’est évident.
Mais, avec des artistes comme Richard D. James j’ai découvert une autre forme d’extrême musical qui m’a beaucoup touché.
Et puis, Brian Eno m’accompagne totalement depuis plus de 10 ans maintenant.
Je suis très admiratif de son oeuvre, notamment qu’il a fait avec son frère Roger et Daniel Lanois sur l’album : « Apollo : Atmospheres and Soundctracks ».

Si ton album précédent lançait les bases d’une musique singulière et originale, Chaos ID semble plus homogène, plus construit et mieux produit que son prédécesseur : as-tu le même sentiment entre tes deux albums ?
Mon premier album possède un aspect beaucoup plus rugueux et brutal. J’avais volontairement délaissé les effets de style pour être très frontal. C’est pour moi un véritable effort de production dans un sens car aujourd’hui, en tant que musicien qui produit de la musique électronique, il est devenu plutôt accessible et simple de « sur produire ». A l’aide d’un bon logiciel, ça peut aller très loin et très vite
Ce choix esthétique de production brutal et minimal du premier album faisait sens avec le contenu et les thèmes que je souhaitais abordé.
Pour mon second album, CHAOS ID, j’ai pris deux ans pour fabriquer le disque (tandis que j’ai fait A/N en 3 semaines au total).
Je me suis promener dans les moindres détails du son afin de le sculpter exactement comme je le voulais afin d’arriver à cette forme qui paraît très « produite » .
Avec Apollo Noir, c’est important pour moi de ne pas me répéter, d’où cette envie de développer une production très racée sur ce 2e long format.
Tout comme mon premier, le choix de production fait totalement sens avec les thèmes abordés du contenu : trans humanisme, technologie, capitalisme, écologie ou les croyances.

Chaos ID est-il pour toi une sorte de manifeste du monde actuel, ta manière à toi d’en rendre compte ?
Totalement, comme je l’ai précisé plus haut, mon empathie me conditionne en quelque sort à évoquer les thèmes du monde qui me questionne. Il en ressort forcément quelque chose dans mon musique.

Comment entrevois-tu le futur ?
En famille avant tout !
Je viens de créer mon studio de production, enregistrement, mixage et mastering avec l’ingénieur du son Maxime Maurel (le lieu s’appel Studio Noir).
Je passe beaucoup de temps dans ce studio pour de nouvelles créations.
Aussi, je viens de lancer un label de musique, Santé Records, avec mon ami Clément Vidamant aka Botine.
Nous sortons le premier album du label le 15 novembre d’un groupe incroyable qui s’appel QDRPD. L’esthétique du label est très « avant garde expe mais naïf » 🙂
Ca promet d’être une expérience importante pour moi.
Enfin, concernant Apollo Noir je vais faire du live et commencer à aborder un nouvel album.
J’espère pouvoir développer mon rêve de faire la musique de film dans l’année qui va venir.