LE DIGITAL COVER

 

 

LA SÉRIE MODE

 

CRÉDITS PHOTO/SHOOTING :

Photographe Mathieu Baumer – Styliste Barbara Boucard – MUA & Hairstylist Karine Marsac.

 

RHYTHM. BY MODZIK LIVE SESSION

 

 

CRÉDITS MODE LIVE SESSION :

Jaklin porte une robe FENDI, une bague Cassis Ivoire AURÉLIE BIDERMANN x

LULLI et des boots LOUBOUTIN.

 
 

L’INTERVIEW

 

Lada Niva, c’est le nom d’un 4×4 russe très populaire. Ladaniva, c’est le duo haut en couleur du multi-instrumentiste Louis Thomas et de la chanteuse arménienne Jaklin Baghdasaryan, aka, Jako. Pour Rythm by Modzik, elle a donné sa voix aux femmes arméniennes en interprétant la chanson Manoushak. Si la session mode a obligé la chanteuse à sortir des sentiers battus, elle raconte comment elle a tenté de trouver basket à son pied.

 

 

 

Parle-moi un peu de la Live Session, comment tu t’es sentie ?

Un peu fatiguée, on a beaucoup tourné ce mois. C’était une expérience intéressante pour moi. Mélanger la mode et la musique : on ne fait pas trop ça, on fait juste de la musique. Il y avait des moments que j’ai préférée plus que d’autres, quand je chantais, c’était bien.

Et tu es satisfaite de ce que tu as fait ?

Je ne suis presque jamais contente. Donc ça c’est un petit défaut et une petite qualité aussi. Mais en tout cas, oui, c’est plutôt bien. En plus, il y avait mon équipe qui était là qui m’ont aussi dit que c’était bien et je leur fais confiance. L’oreille d’Antoine, c’est un peu ma troisième oreille.

Vous mixez la culture française et arménienne ?

En fait, on n’a pas vraiment la culture française, on a un peu la culture occidentale et la culture orientale des Balkans. Le côté occidental, c’est Louis. Il a toute cette école de la musique anglo-saxonne et du jazz. Et moi j’ai grandis dans le pop russe, arménien et je dansais dans les ensembles traditionnels. Donc, en fait, on a des univers différents, mais on arrive à créer des choses qu’on aime tous les deux parce qu’on a la même sensibilité de la musique. Des fois on écoute des musiques et on se dit « Ah, tu vas kiffer ça », ou « ah, ça tu vas pas aimer ».

Et vous avez toujours raison ?

Ah oui ! On sait exactement ce que l’on aime et ce que l’on n’aime pas tous les deux. Ensuite on mélange nos instruments, la guitare, la batterie, des sonorités qui sont habituelles pour les oreilles françaises ou européennes. Et parfois on ajoute des sazs, des sons traditionnels, du maloya, etc.

Cet album s’appelle Ladaniva, de quoi peut parler un album qui a le nom d’un SUV ?

Il n’y a rien qui est vraiment lié à notre nom de groupe (rires). Il y a pas mal de chansons qui parlent d’amour, de nostalgie du pays natal, des montagnes, de la maison et de choses un peu plus personnelles. Quand j’écris, j’ai tendance à écrire ce que j’ai vécu ou que je ressens.

Et la chanson que tu as faite aujourd’hui, c’est inspiré d’un ressenti ?

La musique c’est Louis qui l’a écrite, et pour la mélodie on a collaboré ensemble. C’est en sept temps, ce qui est un peu inhabituel. En même temps je trouve que c’est entraînant au niveau du rythme. Le nom c’est Manoushak, ça veut dire « La violette ». Au départ de la chanson je décris une violette qui a poussé dans les rochers et qui y est à jamais enfermée, mais elle reste toujours aussi belle, magnifique. Ça parle d’un sujet qui me touche et m’inquiète beaucoup, ce sont ces femmes qui sont emprisonnées dans les traditions et qui vivent des choses qu’on leur impose. Elles se retrouvent malheureuses dans leurs mariages ou dans leurs professions. C’est le mauvais côté de la tradition qui peut influencer sur les femmes.

 

Tu peux me parler un peu de ces traditions ?

En Arménie ça va encore, ce n’est pas aussi strict, il y a plein de pays où c’est plus compliqué. Mais quand même, il y a le fait de ne pas avoir d’expériences avant le mariage. La femme est directement mal vue si elle a déjà eu une relation avant de se marier avec quelqu’un, et alors là c’est compliqué. Et moi je trouve que les filles de 18 ans, elles ont envies d’avoir un copain, de voir ce qu’est l’amour, d’être aimé, de faire l’amour. Elles subissent une pression qui fait qu’elles n’ont pas le droit de quitter ce garçon parce qu’elles l’ont déjà embrassé ou encore pire, elles ont couché avec lui. Elles sont donc obligées de se marier avec, et, au bout de quelque temps, elles se rendent compte que ça ne va pas du tout humainement. Je connais pas mal de filles qui sont malheureuses dans leurs mariages.

 

Cette chanson c’était le message d’une main tendue ?

Oui, c’est exactement ça. C’est même ce que je dis à la fin de la chanson : « même si tu as l’impression que personne ne t’attend, en fait, moi je t’attends ». Et voilà, j’ai envie qu’elles ne se découragent pas et qu’elles ne se sentent pas emprisonnées dans toute cette pression que, parfois, la famille aussi peut imposer.

 

Et dans votre musique, est-ce qu’il y a d’autres moments d’engagements ?

Nous avons déjà sorti un son qui n’est pas dans cet album-là qui s’appelle Orror. C’était le conflit avec l’Arménie et l’Azerbaïdjan qui m’avait inspirée à l’époque. Et en fait, j’exprime ma colère contre l’injustice. C’est l’injustice ; l’envie de pouvoir, l’argent qui font que l’humain, ça ne compte plus, il n’y a que des larmes… que des armes… Et en fait, ça reste tellement actuel. On la joue encore pendant les concerts et ça parle aux gens. L’Arménie malheureusement, elle est toujours un enjeu politique, comme plein de pays en ce moment. Même la question de la disparition de ce pays, elle monte. Ça me rend folle de me dire qu’on peut détruire un pays comme ça. On constate, on voit les enfants mourir aujourd’hui en Palestine et on ne peut rien faire. On peut juste regarder, et les pays européens aussi.

 

« (…) le fait que l’on réunisse des genres et des cultures musicales, pour nous c’est ça l’engagement. Donc voilà, les rapports humains, privilégier de rester humain et de ne pas se détester parce qu’on est manipulés par les autres ».

 

Tu sens qu’on est un peu les mains liées et qu’on n’a pas la possibilité d’agir…

En fait, on peut… Nous, de notre part, on a envie de partager l’humanité avec notre musique de mélange, de partage… En réalité, le fait que l’on réunisse des genres musicaux, des cultures musicales, pour nous c’est ça l’engagement. Donc voilà, les rapports humains, privilégier de rester humain et de ne pas se détester parce qu’on est manipulés par les autres.

 

Et tu chantes en russe et en arménien, votre public, qu’est-ce qu’il en comprend de ces messages ?

Notre public, quand on fait des concerts, ce sont en général des Français, du coup ils ne comprennent rien. Sinon, notre audience la plus large elle est arménienne. Parfois c’est compliqué, même quand j’ai envie d’enchaîner les morceaux, je n’y arrive pas parce que j’ai besoin d’expliquer aux gens le sens de la chanson. Après, on peut apprécier la musique sans comprendre vraiment les paroles. Quand j’étais petite j’écoutais les chansons françaises ou espagnoles et je kiffais juste la sonorité de la langue ou la musique. Mais c’est vrai que ça fait plaisir que les gens comprennent de quoi il s’agit.

 

Quand vous performez en Arménie c’est comment ?

Ce n’est pas la même énergie. On va y retourner, peut-être pas tout de suite parce qu’on y est déjà allé trois fois. Le public là-bas connait tout par cœur. Les enfants sont complètement déchaînés, ils montent sur scène, ils sont trop heureux. C’est encore plus fort le fait qu’ils comprennent tous les textes. 

 

Vous êtes intergénérationnels ?

À la base on n’avait pas pensé à rassembler des âges, en fait c’est juste que l’on partage quelque chose de joyeux. Après, il y a des moments tristes aussi pendant le concert. Mais, je pense que les enfants, ça les fait triper de voir quelqu’un qui danse et qui chante des chansons joyeuses. Et les adultes, j’avoue je ne sais pas comment l’expliquer, mais tout le monde peut un peu retrouver quelque chose dans notre musique.

 

Vous avez souvent un public âgé ?

On a déjà fait des concerts vraiment que pour les personnes âgées. Et vu qu’on joue de tout, on aime bien jamer, on s’adapte aussi au public en face. Par exemple, des concerts en église où il y avait majoritairement les gens âgés, et on se dit « mais vas-y, on ne va pas bourriner les morceaux qui vont vite, ça ne va pas sonner dans l’église ». Du coup, on a refait tout notre set pour que le public se sente dans la même assiette que nous. On cherche toujours à être sur la même vague que les gens : ne pas jouer fort quand c’est une ambiance intime, jouer fort quand c’est la teuf. En fait on est tout terrain BABABABA LADANIVA ! (Esclaffement en référence au 4×4).

 

Vous êtes tout terrain, même dans le monde de la mode ?

En réalité, ce n’est pas notre univers la mode. Après, je parle de nous parce que ce n’est pas mon projet à moi seulement. C’est mon projet à moi, Louis, et au reste du groupe. En fait, on s’en tape un peu des vêtements, surtout Louis. Tu lui mets un torchon et il est content ! En même temps, on comprend que ce soit important. C’est la première chose que l’on se dit, quand on monte sur scène « on va quand même repasser la chemise, ou alors on va quand même la laver ». Mais en même temps, le luxe ne nous provoque pas d’émotions particulières. Aussi parce que le luxe, c’est hyper cher. C’est un peu la course et, ce n’est pas ça la réussite pour moi. Après, ce soir, j’ai tenté de me plonger dans un univers différent du nôtre. C’était marrant, j’ai vu des facettes de moi que je ne me suis jamais vue. Mais voilà, ce n’est pas ça que je privilégie dans notre projet.

 

Et est-ce qu’il y a quand même des tenues dans lesquelles tu t’es sentie à l’aise ?

Ouais ! Le haut tricoté de Kenzo. J’ai adoré parce que je tricote moi-même. Et en fait je me suis dit « tiens, je vais refaire la même chose ! Gratos ! »

 

Donc tu aimes bien produire du vêtement.

J’aime bien les friperies, chercher, trouver. J’adore les vêtements simples, les belles couleurs et matières. Tout ça, je kiffe. Mais c’est le côté luxe en fait, qui me ressemble moins et ne me met pas à l’aise dans mes mouvements.

 

Est-ce que tu as quelque chose que tu as envie d’ajouter ?

Alors, prenez soin de vous et restez cool. Même si on est stressé avec le rythme de la vie, que l’on a l’impression que tout passe vite, et que l’on n’a jamais le temps de rien comprendre, essayez parfois de souffler et vous dire « allez, c’est quand même cool, il faut profiter ». En tout cas, c’est ce que je me dis en ce moment.

Texte Louise Pham Van