Le premier album de Tom Grennan, jeune artiste anglais originaire de Bedford, arrive enfin, lui que rien ne prédisposait au début de carrière qu’il construit actuellement. Presque footballeur pro, il décide finalement de chanter et très vite est adoubé par Sir Elton John – excusez du peu. Modzik l’a rencontré pour comprendre le phénomène, lui qui a déjà l’air d’un mythe.

interview : Jakob Rajky

TOM THE ARTIST

C’est ton premier album. Peux-tu nous dire qui en est le producteur ?
Il y a pas mal de gens derrière cet album mais le producteur exécutif est Fraser T. Smith, renommé pour son travail auprès de Stormzy, Gorillaz ou Britney Spears. Je peux également citer le bassiste australien Samuel Dixon. Je voulais travailler avec plusieurs producteurs afin d’apprendre de chacun et donner des couleurs différentes à l’album.

Que peux-tu nous dire de l’instrumentation ?
Je maîtrise la guitare mais, pour le reste, je m’en suis remis aux producteurs et aux musiciens. Je me contentais de donner des idées en argumentant mes choix. J’avais une seule idée fixe avant de commencer l’album : je voulais qu’il n’y ait aucune sonorité électronique, que l’album soit organique, presque classique car c’est une musique qui me touche beaucoup.

Quelle est ta chanson favorite sur l’album ?
« Run in the Rain » ou « Aboard », qui me fait penser à du hip-hop ou du vieux blues.

On ressent trois émotions principales à l’écoute de l’album : l’amour, l’espoir et la tristesse…
En tant que personne – sentimentale de surcroît – je suis toujours habité par l’espoir. L’espoir de voir des jours meilleurs, l’espoir de changer la vie de mes parents. Mais la tristesse est aussi quelque chose qui me définit, par les souffrances que j’ai endurées, comme la perte d’un cousin duquel j’étais très proche. Il avait mon âge et nous a quittés presque au même moment que mon agression : j’ai été passé à tabac, ce qui m’a valu une mâchoire brisée et près de quatre semaines à l’hôpital avant d’être assigné médicalement à résidence pour près de huit mois. C’est à ce moment que mon esprit et ma créativité se sont réveillés, que je me suis mis à écrire. Alors oui, l’espoir et la tristesse sont les moteurs de mon art, au même titre que l’amour.

Cette agression que tu mentionnes est intervenue après la soirée durant laquelle ton talent à éclater aux yeux de tes proches ?
Exactement. Nous étions ivres – je l’admets – entre amis lors d’une soirée karaoké et je me suis découvert, au même titre que les autres, une justesse vocale et un timbre de voix que je ne soupçonnais pas. Mais ce n’était qu’un super moment entre amis, je n’ai jamais envisagé une carrière musicale jusqu’à ce que je subisse les deux plus gros traumatismes de ma vie : mon agression et la perte de mon cousin. La musique et l’art ont été les moteurs de ma résilience.

Quelles ont été les œuvres littéraires et cinématographiques qui t’ont forcément accompagné lors de cette convalescence à domicile ?
Malheureusement, ma dyslexie m’empêche de lire le moindre livre convenablement. J’ai néanmoins regardé beaucoup de films mais je ne dirais pas qu’ils m’ont inspiré pour écrire l’album. J’ai été incapable de prononcer la moindre parole intelligible à cause de l’état de ma mâchoire. Pas de discussions avec ma famille, mes amis… L’inspiration n’est venue que de moi, du désespoir que je ressentais à l’intérieur.

Une longue convalescence que tu as opéré chez toi, à Bedford. Que peux-tu nous dire sur cette ville ?
Rien ne s’y passe de spécial car Bedford est une petite ville. Mais c’est d’où je viens, c’est ce qui à mes yeux la rend spéciale. J’y ai grandi en n’y ayant rien à faire – c’est ce que j’appelle une « cage à poules » car peu de gens la quittent. Mais si c’est le cas – et ça l’a été pour moi lorsque je suis allé étudier à Londres – quand tu y reviens un jour, tu apprécies finalement cet endroit et sa quiétude. Son infinité, puisque rien n’y bouge.

Ne t’es-tu pas senti perdu en arrivant à Londres, l’une des plus grandes villes du monde, en provenance de ton Bedford natal ?
C’était particulier puisque j’ai atterri sur le campus de l’université, entouré de gens qui ne connaissaient pas Londres non plus. Nous avions un cadre. Néanmoins, me perdre dans une ville est un sentiment que j’apprécie énormément, c’est donc de mon propre chef que je suis allé à l’aventure.

TOM THE FAN

Raconte nous cette histoire ubuesque à propos de Elton John…
J’étais aux États-Unis, en train de me remettre d’une terrible cuite, lorsque j’ai reçu un appel en privé. Généralement, je ne réponds pas aux appels masqués mais j’ai senti qu’il fallait que je décroche cette fois. « Allô, ici Elton John », m’a t-il dit d’emblée. Ce n’est qu’après l’avoir fait répété que j’ai saisi que c’était Sir Elton John au téléphone ! Nous avons longuement parlé, surtout lui en fait. Il m’a donné divers conseils, en m’affirmant qu’il aimait beaucoup mon travail. Ma mère ne s’en est toujours pas remise.

Tu es également un grand fan des Arctic Monkeys, tu les as déjà rencontrés ? Que penses-tu de leur nouvel album ?
Je n’en peux plus d’attendre, j’ai une véritable obsession pour leur musique. Je ne peux pas croire que cela fait cinq ans depuis leur dernier album ! J’ai dîné un jour avec Matt Helders, le batteur, c’était irréel. Mais ma rencontre avec Alex Turner a certainement été encore plus irréelle. J’étais en train d’uriner aux toilettes et Alex est venu en faire de même juste à côté de moi… Je lui ai dit que j’étais un fan absolu et je me suis enfui !

Tu as ouvert un concert pour les Libertines également. Rencontrer tout ce monde en deux ans de carrière, c’est quelque chose d’inimaginable…
Et c’est encore plus inimaginable d’être devenu un très bon ami de Carl Barât (co-leader et guitariste du groupe, ndlr). J’ai tendance à considérer chacun comme mon égal – on fait tous nos trucs dans nos coins, chacun est précieux pour les autres. Mais si je dois citer quelqu’un qui aurait une aura, ce truc en plus que peu de gens peuvent se targuer de posséder, je dirais que Pete Doherty est de ceux-là.

Tu étais à Wembley hier soir pour assister au concert d’Arcade Fire. Comment était-ce ?
C’était long, sans être ennuyeux ! Ils nous ont offert un show de deux heures et demie et, au-delà de la performance musicale exceptionnelle, le concert avait quelque chose de très théâtral. Incroyable !

TOM THE FOOTBALL PLAYER

Wembley est aussi un stade mythique pour le football, tu as manqué de peu une carrière professionnelle ; pourquoi ?
J’ai longtemps joué au football avec un niveau plus qu’acceptable. Je suis même allé aux États-Unis pour continuer dans cette voie mais je n’ai jamais pu franchir le palier qui m’aurait mené à une carrière professionnelle. Je ne jouerai certainement jamais à Wembley en tant que footballeur, mais je rêve d’y jouer en tant qu’artiste.

Ton morceau « Find What I’ve Been Looking For » fait partie de la bande-son officielle de FIFA 18, tu gardes un pied dans le football d’une certaine manière.

TOM THE FASHIONISTA

On te présente comme un fashion addict présent dans tous les défilés de mode londoniens…
Je suis intéressé par la mode, pour moi c’est une discipline artistique à part entière. Je n’ai jamais traversé un catwalk moi-même mais voir un modèle déambuler et son corps défendre la tenue du créateur, c’est comme regarder un tableau. Cela fait sens, ou à l’inverse, n’en a aucun. C’est exactement ce pourquoi j’aime la mode.

Tu dois être ravi d’être à Paris !
Tout le monde a l’air sexy ici. Les Parisiens ont un sens de la mode accru, qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. Les Français ont besoin de trois heures dans la salle de bains pour accorder leurs vêtements ; à l’inverse, les Britanniques ont besoin de trois heures dans la salle de bains pour désaccorder leurs fringues. C’est fascinant !

As-tu quelque chose à dire aux Français justement ?
« Bonjour la France », j’ai hâte de venir vous retrouver en concert et apprendre à mieux connaître votre pays et vos coutumes. J’aimerais aussi que vous m’appreniez à parler français si vous le voulez bien. Plus sérieusement, j’adorerais enregistrer un album ici, à Paris. Il y a une ambiance créative et romantique qui n’a aucun égal.

Quelques prestations estivales – comme aux festivals du Rock Werchter (5/07), de Leeds (24/08) et de Reading (26/08), précéderont sa tournée britannique du mois d’octobre. Avant cette tournée événement, car déjà sold-out, Tom Grennan sera au Café de la Danse (Paris) le 18 septembre.

14Tom Grennan
Lighting Matches
(Columbia Records)