À l’occasion de sa performance à la soirée H&M Studio le 26 février, premier jour de la Fashion Week parisienne, on a pu s’entretenir brièvement avec l’une des interprètes britanniques les plus complètes de sa génération. Portrait d’une artiste aux multiples facettes qui n’a pas fini de nous surprendre. 

La révélation d’une artiste

Ama Lou a grandi dans le Nord de Londres. Sa musique prend racine dans la capitale britannique mais ses branches ont réussi à se déployer jusqu’en Californie, où elle a enregistré son album durant la pandémie mondiale. Un pied dans le R’n’B américain, un autre dans le R’n’B britannique, Ama Lou sait s’entourer des meilleur·es. Sur I Came Home Late, elle a notamment collaboré avec le compositeur, musicien et producteur multi-récompensé Adam Feeney, à qui on doit, parmi les nombreux morceaux sur lesquels il a travaillé, les hits Call Out My Name de The Weeknd ou bien Congratulations de Post Malone. Protégée de Jorja Smith qu’elle accompagne en tournée en 2018 pour faire sa première partie, elle va jusqu’à être repérée par Drake qui dit tenir d’elle son inspiration pour son album Scorpion. 

À rebours de ce qu’on aurait pu imaginer après avoir été adoubée par de si grands noms, Ama Lou part sur les routes pour rencontrer son public sans pour autant voir les choses en grand. À Paris, elle remplit la modeste mais réputée salle du Trabendo. Le nom de sa tournée, The Silence Tour porte en lui tous ses paradoxes. Elle dit elle-même qu’elle voulait « jouer sur le côté singulier du terme ‘silence’ [un de ses morceaux] car [elle ne voulait] pas que les personnes susceptibles de venir s’attendent à une tournée et à des salles de grande ampleur ». Cette tournée un brin prudente semble avoir été une manière pour l’artiste de s’assurer qu’elle rencontrerait son public, non pas celui des stars qui l’ont validée. Elle nous a d’ailleurs partagé sans détour que « cette tournée était réservée aux fans de la première heure ». Au printemps, elle jouera à domicile au mythique festival de jazz Cross The Tracks. 

I Came Home Late : un premier album qui lève le voile sur une personnalité composite 

Sorti en septembre 2023, un peu plus d’un an après son EP At Least We Have This aux beats entrainants, l’album d’Ama Lou, composé de quinze morceaux est une manière pour elle de se présenter au monde. Ce projet est aussi l’occasion pour l’artiste de montrer l’étendue de ses talents. Auteure, compositrice, interprète et même productrice, Ama Lou (de son vrai nom Ama Louisa John) a plusieurs cordes à son arc. On en sait peu sur ses origines. On en sait davantage sur sa soeur qui l’accompagne à la caméra sur certains projets, notamment sur le clip du morceau DDD. Ce qu’on sait surtout, c’est qu’elle a commencé à écrire jeune. Lors de notre rencontre, elle nous confiait que son processus d’écriture avait évolué, particulièrement avec l’élaboration de I Came Home Late : « Même si j’écris depuis toujours, je crois qu’avant ce projet, je prenais l’écriture pour acquise. Quand j’élaborais les paroles de mes chansons, il m’arrivait de retranscrire des conversations, de les regarder d’un oeil assez critique. Alors que ce sont bien mes sentiments et mes expériences qui ont nourri I Came Home Late ».

Si sa plume devient de plus en plus personnelle, sa musique elle, est toujours aussi versatile. Elle se situe au carrefour des univers R’n’B et néo-soul. Elle assume ces inspirations variées et considère « que sa musique peut, dans un certain sens, plaire à tout le monde ». Ces différences de style sont d’autant plus visibles au sein d’un seul et même projet puisque d’un morceau à l’autre, de No Safety à Car Parts par exemple, il y a un important changement de rythme, d’univers même. Pour autant, Ama Lou parvient à nous saisir dès la première écoute.

L’écriture de cet album coïncide également avec l’exploration de nouvelles thématiques pour l’artiste. La question du temps, visible dès le titre de l’album, s’immisce dans chaque morceau sous des formes variées. À différentes échelles, l’artiste évoque le temps qu’il fait, de façon météorologique, avec les morceaux Winter ou encore Bad Weather autant qu’elle peut évoquer la nuit qui succède au jour, la question du temps qui passe à l’échelle d’une semaine ou à celle d’une vie. L’acte même de sortir un album, particulièrement après les déboires qu’elle a connus avec son ancien producteur, est un signal fort. Ama Lou est là pour rester. 

Une icône de mode en devenir 

À l’occasion de la sortie de la nouvelle collection H&M Studio, le géant suédois a invité Ama Lou à performer lors d’une soirée aux accents londoniens mais au champagne bien français. Avec des invité·es trié·es sur le volet, notamment les icônes de mode Alexa Chung et Iris Law, H&M envoie un signal fort au monde de la mode : la créativité est un langage que la marque parlera désormais quatre fois par an. 

Ama Lou « aime qu’H&M ait limité le nombre de pièces. Les vêtements et les accessoires créent des looks très spécifiques et marqués ». Si l’artiste apprécie la nouvelle collection premium de la marque aux accents seventies, elle arborera ce soir-là un style vestimentaire féminin-masculin en combinant un top asymétrique plissé à un baggy noir en toile. Sa tenue est à l’image de sa performance puisqu’elle a chanté a cappella devant la salle ébahie, aussitôt entrainée à la chanson suivante par des paroles et des rythmes galvanisants. 

Véritable caméléon, l’artiste britannique ratisse large dans ses collaborations vestimentaires puisqu’elle a récemment collaboré avec Guess, Ferragamo, Loewe ou encore Salomon. « C’est un bon moyen pour montrer que je peux retrouver ces marques à mi-chemin entre leur univers et le mien ». Pour Salomon, elle livre une performance hors du commun, plantée dans un décor enneigé des Alpes françaises. C’est d’ailleurs la première fois que la marque de vêtements techniques s’associe à un·e artiste pour une production musicale. Ama Lou a donc pu faire preuve d’un important pouvoir décisionnaire, au plus près de ce qu’elle montre en direct en concert. 

Si la carrière d’Ama Lou a bien débuté il y a plusieurs années maintenant avec la sortie de plusieurs titres et d’un EP, son premier projet I Came Home Late, assez récent, rappelle que l’artiste en a encore sous le pied. À la fois aux prémices de sa carrière mais déjà bien installée, Ama Lou semble promise à un avenir radieux… C’est tout ce qu’on lui souhaite.

Texte Julie Boone