1997, je suis à New-York en reportage pour le magazine de rap RER, je suis avec des dj’s new-yorkais lors de leur émission radio hebdomadaire. Ils ont dans leur bac le nouveau disque vinyle de LL Cool J une des stars du rap US qui est toujours au top. Nos dj’s balancent alors en exclusivité son maxi-remix « 4,3,2,1 » sur lequel il a invité le duo Method Man & Redman mais aussi DMX, un nouveau venu qui commence à buzzer et attirer l’attention dans tout NY.

Dmx by Olivier Gachen
Dmx by Olivier Gachen

 

Ce remix sera le premier disque qui me confirme que DMX a un réel talent, on parle de lui à NY mais je ne pensais pas qu’il imposerait un charisme si fort. Il a un style qui n’a rien à voir avec les stars de l’époque comme Dr. Dre, Ice Cube, Busta Rhymes, Wu Tang ou Mobb Deep.

DMX commence sa carrière à la fin des années 80, sans réel succès, n’oublions par qu’Earl Simmons, de son vrai nom, a connu une enfance douloureuse, remplie de violence et de rage. Il connaîtra de nombreux décès autour de lui, cela forge un homme.

Il s’accroche toutefois au rap, il sait qu’il a du talent mais il doit rencontrer les bonnes personnes et la team qui va croire en lui et l’aider à tout casser, N.Y la ville créatrice de la culture hip-hop est à cette époque un lieu où le hip-hop et les rappeurs sont omniprésents à tous les coins de rues.

Sa rencontre avec les frères Dean, les oncles et tante du producteur Swizz Beatz, l’actuel mari d’Alicia Keys. Ces derniers lancent leur label Ruff Ryders (Drag-on, Eve, The Lox),  obtiennent une signature chez Def Jam, imposent leur neveu à la direction musicale, un concept de crew de motards à l’image dure façon Hells Angels et épaulés par une team sans fin de gars musclés et bagarreurs venus de Yonkers, la banlieue éloignée de NY. Leurs stratégies seront gagnantes. La carrière de Dark-Man X décollera comme jamais pour atteindre plus de 30 millions de disques vendus.

1998, débarque son premier album It’s dark and hell is hot, c’est une révolution à NY, le disque se classe premier du Billboard tous genres confondus et s’écoule à plus de six millions d’exemplaires physiques, vous imaginez ces chiffres en streamings ?

Ce disque contient deux de ses plus grands hits  : « Ruff Ryders Anthem ».et « Get at me dog » avec ses aboiements devenus son signe de ralliement et reconnaissance à travers le monde. La même année il sort un second lp du jamais vu depuis 2Pac qui sera triple disques de platine malgré une pochette controversée où il apparaît recouvert de sang. En 1999 arrive …And Then there was X qui sera quadruple disques de platine.

DMX
DMX

Mon souvenir le plus marquant de DMX est un des clips les plus « sales » et « crus » de l’histoire du rap américain. Celui du titre « Where’s the hood at ? »  sur son album de platine Grand Champ. Même en 2021 on a pas encore atteint un niveau équivalent de folie dans la « street »; entre les acrobaties en motos de la team Ruff Ryderz, les policiers armés, les prostitués homosexuels, les macros, les cicatrices sur les corps de ses amis, des combats de rue, les pittbulls, les caméos d’artistes comme Busta Rhymes The Lox et Fat Joe, ce clip expose la réalité de la rue américaine. En comparaison quand on voit des clips dit street en France, on esquisse même un sourire de dépit. “Where’s the hood at ?” est un vrai témoignage de tout ce qui passe dans la tête d’un artiste comme DMX.

Mais cette vidéo est aussi la preuve de son mal-être car dans la seconde partie du clip, il rend hommage à un de ses amis Kato mort tragiquement. Et des sources new-yorkaises nous confirment que ce décès l’a rendu encore plus dark et addicted aux drogues.

C’est une suite de démêlés judiciaires, de situations folles ou de propos déplacés, il lutte alors contre ses démons intérieurs comme la bipolarité.

DMX ce sont des classiques du rap américain comme « We Right Here », « Ruff Ryders Anthem » qui a atteint les 150 millions de vues sur You Tube ou « X gon’ give it to you » avec 166 millions de vues. Des films à succès comme Belly avec Nas réalisé par Hype Williams, le réalisateur qui révolutionne les clips rap dans les années 2000’s ou Romeo must die avec Jet Li et la regrettée Aaliyah.

Une participation à la méga tournée « Survival of the illest »  avec Onyx et le Def Squad (Erick Sermon, Keith MurrayRedman), organisée par son label Def Jam, c’est à cette occasion le 29 juin 1998 où nous le rencontrions pour le magazine RER. Merci au photographe Olivier Gachen (Rap Clichés) qui a immortalisé ce rappeur à l’attitude punk.

DMX
DMX

Il quittera Def Jam en 2006, Jay-Z, son ancien rival qui a toujours eu un sentiment d’infériorité par rapport à DMX , devient le patron du célèbre label, Gentleman il effacera lors du départ de X, sa dette de 12 millions de dollars envers Def Jam.

DMX c’est la rue, sale, un esprit punk black américain qui fait peur aux puritains même aux noirs bien pensants de l’Amérique, père de quinze enfants officiels, bagarreur, grande gueule, amoureux des chiens d’attaque… Je pourrais écrire des lignes et des lignes sur lui.

Vendredi 9 avril 2021, Earl Simmons, l’homme sombre du rap américain, s’en est allé, mort d’une overdose à l’hôpital de White Plains non loin de son fief de Yonkers. Une perte énorme pour la culture hip-hop et son histoire, la mort de X, c’est aussi une partie de ma vie musicale et journalistique qui disparaissent.

Une époque où le rap vendait des disques multi-platines à profusion, les producteurs étaient aussi connus que les rappeurs et les DJ’s étaient les influenceurs dans l’industrie du disque et je voudrais juste dire aux gardiens du paradis du rap « The Dog is here » et prenez soin de lui.

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