On a rencontré les sœurs Söderberg à l’occasion de la sortie de leur quatrième album : Ruins. L’album de la résilience pour les deux suédoises de First Aid Kit qui y guérissent leurs peines de cœur, explorent d’autres horizons et (se) prouvent que leur musicalité n’a d’égal que leur talent.
En dépit des deux années passées loin l’une de l’autre, en dépit des hauts et des bas qu’elles ont connu en tant que membres du même groupe et en tant que sœurs, Klara et Johanna Söderberg sont pleine de joie de vivre. En route vers Stockholm à l’avant d’un bateau, regardant approcher leur ville natale, elles se sont enlacées et ont commencé à chanter : «Near, far, wherever you are. I believe that the heart does go on…»
Entonner le thème de Titanic sur un bateau en pleine mer a tout pour battre des records de mièvrerie. Pas pour First Aid Kit. Elles ont survécu à des tempêtes et elles ont retrouvé la foi. La foi en elles-mêmes.
Quel est votre état d’esprit alors que vous vous apprêtez à sortir, Ruins, votre quatrième album studio en 8 ans ?
Klara : C’est excitant et effrayant à la fois. On adore l’album mais peut-être que nous serons les seules. On est néanmoins très heureuses et on espère que le disque plaira au public autant qu’il nous plaît déjà.
C’est un album particulier car assez différent des précédents.
K : Ils sont tous différents à leur manière mais il est vrai qu’on a cherché à rendre celui-ci plus… vivant. Il y a beaucoup d’enregistrements live et bien plus d’expérimentations.
Est-ce que cet album, en cherchant à sortir de votre confort d’écriture mais également de composition, a été plus difficile à réaliser que les précédents ?
K : On pensait que ce serait le cas, mais il se trouve que tout ça s’est fait très naturellement car c’est ce que nous souhaitions faire.
Johanna : C’est toujours important de ne pas se reposer sur ses acquis. Travailler encore et toujours avec les mêmes personnes peut s’avérer dangereux.
Les chansons pour cœur brisé sont toujours délicates à écrire. Quel est le secret pour ne pas tomber dans une sorte de mièvrerie ?
K : L’écriture est pour nous une thérapie. Quand tu traverses une mauvaise passe, il est préférable de l’affronter plutôt que de chercher à la fuir. C’est ce que nous avons fait pour cet album.
Et puis nous tombons tous amoureux trop facilement. Je pense que c’est pour ça que vos chansons émeuvent autant. Des choses ont changé depuis Stay Gold, votre dernier album paru en 2014, n’est-ce pas ?
J : Tellement de choses. On peut dire que nous sommes toutes les deux entrées dans nos vies d’adulte. Nous avons arrêté de tourner pendant deux ans, car c’est ce qu’il fallait faire. Et nous avons quitté la Suède aussi.
K : Après que nous ayons décidé d’arrêter les tournées interminables, je me suis installé à Manchester pour souffler un peu. Nous n’avons arrêté la musique que six mois finalement. Six mois très utiles certes, mais on voulait absolument retourner en studio et sur scène.
J : La musique nous manquait.
Cette rupture vous a aidé à grandir et à étoffer votre écriture. Le cinquième morceau de l’album, To Live a Life, est à mon sens une chanson fantôme de Leonard Cohen. Il aurait pu tout à fait l’écrire.
K : Il est l’une de nos plus grandes influences, ce que tu dis nous fait si chaud au cœur.
Est-ce que vous pourriez nous expliquer l’hommage que vous avez tenu à lui rendre l’année dernière ?
K : Bien sûr. Comme dit précédemment, nous sommes des fans inconditionnelles et nous n’avons malheureusement jamais eu la chance de le remercier personnellement pour tout ce qu’il a apporté à la musique en général, et à nos vies et notre musique sur un plan plus personnel.
J : C’était un moment à la fois cérémonieux et simple. On voulait quelque chose d’intimiste afin de le remercier humblement.
Vous avez pourtant eu la chance de croiser tout un tas de légendes depuis vos débuts. Et une fois de plus durant l’enregistrement de Ruins où vous avez joué avec McKenzie Smith (Midlake), le batteur Glen Kotche (Wilco) et surtout Peter Buck (R.E.M). N’est-il pas difficile d’entrer en studio avec de “parfaits inconnus” ?
K : Mis à part Peter Buck qu’on connaît bien pour avoir repris une chanson de R.E.M, on ne connaissait pas les autres. Les temps de studio sont tant chronométrés que les musiciens connaissaient les morceaux avant d’entrer en phase d’enregistrement. Et puis quand on passe six semaines enfermés ensemble, on finit par vite connaître son voisin.
Six comme l’âge auquel tu as écrit ton premier morceau, Femton mil i min Barbiebil (150 kilomètres dans ma voiture Barbie). Peux-tu nous raconter l’histoire de ce morceau ?
K : Absolument ! Notre père nous avait raconté que notre voiture était cassée… Je lui ai donc dit qu’on pouvait prendre ma voiture Barbie pour le trajet. J’ai insisté jusqu’à en écrire une comptine.
Votre voiture était-elle vraiment cassée ?
K & J : Pas du tout (rires) !
L’année a été compliqué pour tout le monde, quel est votre regard sur la vôtre et qu’espérez vous pour celle qui débute ?
K : Tu sais, les événements avec du recul paraissent toujours moins éprouvants qu’ils n’ont semblé l’être en réalité. Il faut s’acharner à sortir grandi des épreuves pour espérer entrevoir une éclaircie. Cette année, nous repartons en tournée pour la première fois depuis 3 ans. Avec une pointe d’appréhension, c’est certain.
J : Les gens n’imaginent souvent que le côté glamour de la vie d’artiste. Mais c’est un travail de tous les instants, parfois difficile, quand vous êtes loin de vos proches ou que les choses n’avancent pas exactement de la manière dont vous le souhaitiez.
Vous vous sentez prêtes ?
K : Plus que jamais. On est très excitées à l’idée de monter sur scène, évidemment… Et puis son statut d’album le plus personnel de notre discographie nous permettra certainement d’y mettre tout notre cœur.
J : On est pleine d’enthousiasme à l’idée de présenter l’album au public et de pouvoir ressentir la charge émotionnelle qu’il contient.
Je pense que vous pouvez être confiante quant à sa portée émotionnelle. Chez Modzik on considère beaucoup la mode. Quel est votre lien avec elle, dans une vie de nomade comme peut parfois être la vôtre ?
J : On adore ça ! On prend surtout plaisir à penser au caractère visuel de nos shows ou de nos vidéos, notamment en matière d’accoutrement. On aime essentiellement tout un tas de marques scandinaves comme Acne Studio, Arket, .
K : Je crois très importante la partie vestimentaire de notre projet artistique, c’est un moyen utile pour créer tout un tas d’univers. On pense à ça tous les jours en vérité.
J : Entre un tas d’autres choses !
Vous devez certainement être ravies d’être à Paris. Votre concert du 5 mars à La Cigale est déjà sold-out, comment vous percevez le fait qu’après un succès précoce, les choses continuent de vous être favorables ?
K : C’est un sentiment étrange ! On ne s’attendait pas à la carrière qui se présente à nous alors on se sent reconnaissantes pour ce qui nous arrive. Je veux dire, tout le monde nous connaît en Suède, c’est effrayant !
J : Un tas d’autres gens sont talentueux. On ne comprend peut-être pas pourquoi c’est à nous que ça arrive mais on est pleinement conscientes qu’il faut continuer à travailler dur.
Merci, et bon vent !
Découvrez le clip du single It’s a Shame.
Et le clip du single Fireworks.
En concert à la Cigale le 5 mars 2018, complet.
First Aid Kit
Ruins (19 janvier 2018)
(Columbia Rcords/Sony Music)