La nouvelle princesse du rap a son mot à dire. Tout aussi coriace que sensuelle, Stefflon Don a su imposer son flow anglo-jamaïcain avec tout juste une poignée de featurings et de clips à son actif (Jeremih, French Montana, Skepta, Demi Lovato… Sans oublier sa collab’ avec MHD, le petit prince de l’afro-trap  !) et s’est vue propulsée au sommet des charts avec sa première mixtape Real Ting en 2016. À l’aube de la sortie de Real Ting 2, nous avons rencontré celle qui fait revivre le flow des papesses du hip-hop à la Lil’ Kim et Foxy Brown.

Stefflon Don. Photo: Enzo Orlando.

D’où te vient l’amour pour la musique ?

Ma première session en studio était à l’âge de 9 ans ! Ma famille a ça dans le sang… Mon père est un musicien, ma mère voulait toujours me mettre sur scène, mes sœurs sont toutes chanteuses… À l’époque, j’inventais des paroles de chansons que j’enregistrais sur cassette. J’ai même fait un premier featuring avec un rappeur à 9 ans (rires).

Et ton premier concert, c’était quand ?

Un peu plus tard, quand j’étais ado. On faisait tout et n’importe quoi avec mes potes et, à l’école, on s’amusait souvent à mettre des chansons des Destiny’s Child, tout en montant sur les bureaux et en chantant et imitant la chorégraphie des clips. En général, on prenait le temps de réviser nos performances chez nous à la maison, puis on s’éclatait à montrer ce qu’on avait mis en place à l’école.

Et ton intérêt pour le rap en particulier ? 

À 19 ans, je me suis dit qu’il fallait que j’évolue et que la musique devienne mon gagne-pain. Je chantais beaucoup à l’époque, mais j’étais encore très timide… Je n’osais pas trop m’aventurer dans le rap. Jusqu’au jour où une connaissance m’a poussée à participer à un projet très cool: il avait un studio d’enregistrement à Londres qui était gratuit pour les jeunes artistes. C’est là ou j’ai commencé à rapper régulièrement, à faire du freestyle et à écrire mes propres punchlines. Le rap m’a donné un sentiment de force et d’émancipation qui m’était jusqu’alors inconnu. Je n’étais pas encore la meilleure, mais je n’étais vraiment pas mal.

Stefflon Don. Veste: Fendi. Stylisme: Edem Dossou. Photo: Enzo Orlando.

Comment t’es venue l’idée pour ton nom d’artiste  ?

C’est à cette époque que j’ai rencontré Superflex via mon cousin, un producteur très sympa, qui m’a beaucoup poussée à faire des tests d’enregistrement dans divers studios et à développer des synergies créatives en rencontrant d’autres artistes. Et ça a marché ! J’ai commencé à enchaîner les collaborations et je travaillais dur. C’est lui qui m’a inspirée et qui a finalement trouvé mon nom… Il a commencé avec des idées bizarres comme « Sugar Cane » ou « Hurricane  » et finalement, un jour, il me sort : « Steph, j’ai le nom parfait pour toi ! Stefflon Don ! ». Je n’y croyais pas du tout ! (rires) Pour moi, ça sonnait comme un nom de mec. Ce nom était imprégné d’une identité très virile; c’est un nom qui demande du respect et je n’arrivais pas à m’y identifier car mon style musical n’était pas encore complètement abouti à l’époque. Mais Superflex a persisté en me disant « Tu habites à Londres, tu es un boss, un vrai Don ! » (ndlr  : dérivé du latin dominus, Don signifie « seigneur »). J’ai fini par aimer le caractère émancipateur de ce nom; ça m’a rappelé Lil’ Kim que j’admire par-dessus tout.

On dit que tu es la Nicki Minaj de Londres. Les femmes fortes t’inspirent-elles ?

J’assume complètement le caractère émancipateur du fait d’être une femme dans le rap. Il n’y a pas vraiment de rappeuse bien établie au Royaume-Uni et si mon personnage artistique peut inspirer d’autres femmes à se lancer dans le rap à Londres ou ailleurs, cela ne peut que faire du bien à la scène musicale qui a sévèrement besoin de se diversifier.

Tes origines semblent avoir une influence assez forte sur ton flow…

Je suis née à Birmingham et mes parents ont déménagé aux Pays-Bas quand j’avais 5 ans,  on y est resté jusqu’à mes 14 ans. Vu que j’ai habité à Rotterdam pendant un petit moment, je parle couramment le néerlandais. Il faut savoir que les Néerlandais parlent assez vite : cela a complètement déteint sur mon flow, qui du coup est assez cinglant. Bien évidemment, le côté un peu langoureux de l’anglais-jamaïcain apporte une touche plus chaude à mes paroles. De manière générale, j’aime bien mélanger les influences et me laisser porter par d’autres styles que ceux que je connais. En tant qu’artiste, je trouve qu’il est important de rester ouvert à tout !

Stefflon Don. Veste kimono: Dries Van Noten. Cuissardes: Fenty Puma by Rihanna. Stylisme: Edem Dossou. Photo: Enzo Orlando.

Ta mixtape Real Ting 2 va sortir en avril. Parle-nous de ton évolution musicale depuis la sortie de Real Ting en 2016…

J’ai clairement évolué. Mes beats sont plus aboutis, je m’affirme à travers mes punchlines, je me sens plus mature. Cela dit, je suis fière du résultat de ma première mixtape. J’étais complètement indépendante à l’époque, sans label ou manager, et je ne m’attendais pas à avoir tant de succès et à gagner tant d’argent. Tout ce feedback positif et cet amour qu’on me donne depuis la sortie de Real Ting me donnent envie d’aller plus loin, de me dépasser et de revenir en force. C’est un kiff, ni plus ni moins.

Tu es une reine des featurings : French Montana, Skepta, Demi Lovato, Jeremih, Abra Cadabra pour n’en citer que quelques uns. 

J’adore Jeremih et son flow ! Je les aime tous ! Je suis fière de chaque featuring. Je n’ai jamais rien demandé à personne et tous ces artistes que j’admire débarquent et font la queuleuleu pour travailler avec moi… C’est super gratifiant ! Tous ces artistes m’inspirent et m’ont aidée à devenir la personne que je suis aujourd’hui.

Un conseil à donner à une rappeuse en herbe ? 

Il faut écouter du battle rap et apprendre. Le battle rap m’inspire. J’écoute énormément les battles de Cassidy. Cette énergie qui résulte d’un conflit apparent entre deux rappeurs me fascine. Les punchlines, le rythme, tout est absolument électrique; c’est une force maîtrisée et poétique. Il faut toujours s’inspirer du meilleur pour grandir soi-même en tant qu’artiste. Il ne faut pas rester en place mais toujours aller plus loin. Il faut également être à 100% convaincu de ce que tu fais et ne pas te soucier de l’opinion des autres – c’est ta propre vision qui compte. Sois la meilleure et fais toi désirer, ne cours pas après l’industrie de la musique, mais laisse la te courir après. Un peu comme avec les hommes, en somme.

L’interview ainsi que l’édito mode sont disponibles dans le MODZIK n°55, via notre e-shop.