Membre et chanteur principal du célèbre groupe d’afro-pop, Sauti Sol, Bien-Aimé Alusa est un auteur-compositeur chanteur et musicien basé à Nairobi performant sous le nom de Bien. Il a commencé sa carrière solo en 2021 et a dévoilé son premier album Alusa Why Are Yo Topless en 2023. Un projet romantique de seize titres, raffiné et ambitieux, dans lequel Bien nous envoûte avec sa bonne humeur contagieuse et sa voix chaleureuse. À l’occasion de son concert à La Boule Noire nous avons eu l’honneur de discuter avec lui de sa carrière solo, de son album, de ses inspirations et d’amour.

 

 

Bonjour Bien-Aimé ! Comment allez-vous ?

Très bien, la vie est belle. Honnêtement, ce qui m’arrive dans ma vie en ce moment c’est tellement spirituel. Je vis la vie dont j’ai rêvé. Je souhaite cela à tous ceux qui me rencontrent et qui écoutent ma musique. J’espère que c’est l’énergie que je renvoie.

 

Comment se passe la tournée en Europe ?

Je joue mon premier concert demain ! C’est ma première tournée européenne en solo. Paris est ma première étape et j’ai hâte d’y être parce que jouer ici a toujours été symbolique. Et mon nom est Bien-Aimé, alors pourquoi ne pas commencer par les Français ?

 

Vous avez débuté dans la musique avec le célèbre groupe Sauti Sol. Quelles attentes avez-vous, pour votre carrière solo, qui soient différentes de celles du groupe ?

Avec Sauti Sol, on a commencé à chanter ensemble à l’âge de quinze ans et nous n’avons jamais été intentionnels dans notre façon de faire de la musique et d’évoluer en tant que groupe, tout simplement parce que nous ne l’avions jamais fait auparavant. Mais maintenant, je fais plus attention au message, aux types de contrats dans lesquels je m’engage, mais aussi à ce que je fais avec mon don, à l’énergie que je mets en avant, aux paroles et à la qualité de la production. Parce que j’ai l’impression de représenter mon pays et ma région, et je veux être la meilleure version de cette représentation.

 

Alors quel est le message de votre musique ?

L’amour. Parce que Bien- Aimé est très aimé, n’est-ce pas ? Et c’est pour cela que je veux que les gens ressentent de l’amour. Je veux que les gens écoutent ma musique et deviennent de meilleurs amoureux de la vie, des choses et des gens qui les entourent.

 

Vous avez été invité à collaborer avec Burna Boy sur son album Twice As Tall. Il est l’exemple même de la popularité de l’afro beat en Europe et dans le monde entier depuis quelques années. Que pensez-vous de cette montée de popularité ?

Je suis heureux pour le monde parce que j’ai le sentiment que l’afro beat est une énergie nécessaire dont le monde a besoin en ce moment. Si vous regardez le hip hop par exemple, il est arrivé à un point où il est devenu trop violent. J’ai l’impression que l’afro beat arrive avec une vague d’énergie positive, de bonnes vibrations.

 

Et travailler avec Burna Boy, c’était comment ?

Travailler avec Burna Boy était une expérience très enrichissante. Dès que j’ai commencé à travailler avec lui, j’ai su qu’il allait devenir ce qu’il est. Il avait un état d’esprit incroyable. Comme moi, il veut apporter l’amour. C’est notre raison d’être et c’est pour cela que nous voulons être connus et qu’on se souvienne de nous.

 

 

J’ai vu que vous aviez fait un podcast où vous critiquez la gestion de l’argent par l’industrie musicale au Kenya. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Je critique les dirigeants. Parce que les dirigeants sont là pour faire de la politique, mettre en place des systèmes et élaborer les lois pour s’assurer que les systèmes soient équitables et qu’ils permettent aux artistes de recevoir leur dû. Malheureusement, ce n’est pas le cas au Kenya. Si vous regardez les sociétés de musique, les PDGs sont corrompus. Ils n’ont pas été nommés de manière honnête. Et la société de gestion utilise 90 % de ses revenus pour l’administration. Actuellement, l’argent ne va pas dans les poches des personnes qui travaillent le plus dur. Le manque d’implication du gouvernement, et surtout l’implication de la mauvaise manière nuit à l’industrie. Le gouvernement est responsable de la nomination du PDG et de ce conseil d’administration particulier, nous avons donc besoin que les présidents s’en préoccupent vraiment, comme par exemple en mettant en place des lois et en adoptant une politique encadrée.

Mais l’esprit des artistes n’est pas brisé, nous travaillons dur pour construire nos propres systèmes. Par exemple, au Kenya, Sauti Sol a son propre label indépendant et son propre festival. Nous sommes aussi en train de lancer une Académie, car tout commence par le développement. Nous avons organisé un premier programme qui s’est concentré sur six artistes féminines à qui nous avons offert un programme de développement artistique à 360° pendant neuf semaines. Elles travaillent avec les plus grands auteurs-compositeurs du secteur, elles ont reçu une éducation financière adaptée à l’industrie de la musique, elles se sont initiées au droit de la musique, elles ont suivi des cours de chorégraphie et de chant, de danse, de formation aux médias et tout le reste qui est important. C’est le genre de choses que nous faisons sur le terrain mais j’espère vraiment que le gouvernement nous rattrapera à un moment ou à un autre.

 

Comment décririez-vous la scène musicale kenyane aujourd’hui ?

Le son est très authentique au Kenya, il doit être découvert davantage. Il y a différents genres. Il y a une scène hip hop, une scène R&B, une scène afro beat, une scène gengetone, qui est un genre très authentique au Kenya, et d’autres genres qui sont en train d’émerger. Tout ce que je peux dire, c’est que la musique kenyane est comme une belle chanson que vous découvrez sur votre playlist Spotify. Et vous ne pouvez pas vous arrêter de l’écouter parce que vous l’aimez vraiment. Et parfois, vous ne comprenez même pas les paroles de cette chanson. Alors, si vous lisez ceci en ce moment, allez voir une playlist avec de la musique kenyane. Je vous promets que vous trouverez votre bonheur.

 

Parlons maintenant de votre album Alussa, Why Are You Topless ? Ma première question concerne le nom de l’album. D’où vient-il ?

Je m’appelle Bien Aimé Alusa. Alusa est mon nom africain. Je porte le nom de mon grand-père. Et pendant mes années avec Sauti Sol, on a chanté la chanson Nishike, une chanson sexy ou on était torse nu dans le clip. La vidéo a fait le tour de l’Internet à l’époque parce que c’était du jamais vu. C’était en 2013 et le Kenya était encore une société très conservatrice. Les gens se disaient : « Oh mon Dieu, les bons garçons sont devenus mauvais ». On a perdu des fans et pendant une minute on a eu peur. Et puis nous avons commencé à recevoir des appels internationaux. C’est la première fois que nous sommes allés au Nigeria et en Ouganda, la toute première fois que nous avons été acceptés à l’échelle continentale en mer. Et c’est parce que nous avons fait quelque chose d’audacieux. Quand ma mère a vu la vidéo, elle m’a appelé et elle m’a dit : « Alusa, pourquoi es-tu torse nu ? » J’ai donc appelé l’album Alusa Why Are You Topless ?  Parce que cet album est une évolution. Je vais vers de nouveaux territoires. Je suis tout seul cette fois-ci et je suis topless parce qu’à chaque fois que je suis topless, je fais quelque chose d’audacieux. C’est comme une toile blanche sur laquelle je peux peindre un nouveau tableau.

 

 

Lorsque l’on écoute l’album, on ressent une sorte de fusion entre de la Rhumba, de l’afro pop et de l’afro soul. Quelle est votre inspiration musicale lorsque vous créez ?

Ma première inspiration musicale quand je crée, ce sont les gens. J’aime écrire sur les gens. Chaque fois que je monte dans un Uber, surtout à Londres ou à Paris, et que le chauffeur est d’origine africaine je mets mon enregistreur vocal et je pose des questions. Et leurs histoires sont tellement folles, le mois dernier je suis allée dans un taxi à Londres et un gars que nous avons rencontré venait juste de rompre avec sa petite amie kenyane, lui était Nigérian. Il nous a dit : « Si vous pouvez pas supporter la douleur, ne tombez pas amoureux ». C’est tellement fou, des choses comme ça m’ont toujours fait réfléchir et ont stimulé ma créativité pour faire de la musique. Je saisis toutes les occasions qui se présentent dans ma vie pour trouver une chanson et la mettre en musique. Ça c’est ma première méthode. Ensuite, j’adore jouer de la guitare, je jam sur différents accords et j’essaie de creuser et de trouver quelque chose de nouveau. J’adore aussi traîner avec des artistes plus jeune que moi, parce qu’ils me mettent sur la voie et travailler avec eux me permets de découvrir de nouvelles choses.

 

 

Vous avez fait beaucoup de chansons d’amour. Comme vous le dites, c’est quelque chose de très important pour vous. Il y a True Love, I Want You, Ma Chérie, Lost and Found. L’amour est-il votre plus grande source d’inspiration ?

Dans ma vie, en ce moment, je suis amoureux. Aujourd’hui, c’est mon anniversaire de mariage, cela fait quatre ans que je suis marié à ma femme. En fait, la plupart des chansons de cet album reflètent l’amour que je ressens pour ma femme. Si vous écoutez Lost and Found, vous verrez qu’il n’y a que de l’amour. Et la chanson Chikwere, est le nom de ma femme. Je l’ai chantée à notre fête de fiançailles pour lui rendre hommage. Après, je pense aussi qu’il est financièrement plus intéressant de chanter des chansons d’amour, parce que c’est ce qui se vend (Rires).

 

 

Dans le monde de la musique, quand tu fais une chanson avec quelqu’un, c’est comme faire l’amour. Parfois le sexe est bon, parfois mauvais. Et parfois, vous faites juste un joli bébé.

 

Sur l’album, il y a plusieurs featurings notamment avec Ayra Starr, comment se sont-ils passé ?

Avec Ayra nous nous sommes rencontrés en coulisses lors de son concert au Kenya et nous nous sommes promis de passer du temps en studio ensemble. Nous avons fait en sorte que cela se produise et nous avons fait de la magie, cette chanson a vraiment changé ma vie. Ensuite, j’ai rencontré Banks au Ghana et juste comme ça, nous sommes devenus de grands amis. C’est une si belle âme. Nous avons toujours voulu passer du temps en studio ensemble, donc quand je suis allé à Londres pour enregistrer mon album, il était là et on a créé Sex et Marijuana. Il y a aussi DJ Edu sur Too Easy, c’est un DJ kenyan qui nous représente comme un fou à Londres.

Toutes les personnes avec lesquelles je travaille sont des personnes que j’écoute et que j’admire. J’ai l’impression que l’industrie de la musique a toujours été très mécanique dans ses collaborations. Mais cela n’a jamais été mon cas. Je n’ai jamais fait payer quelqu’un pour faire une chanson avec moi. Je ne trouve pas que ce principe soit important, et je ne paie jamais pour des collaborations de toute façon. Dans le monde de la musique, quand tu fais une chanson avec quelqu’un, c’est comme faire l’amour. Parfois le sexe est bon, parfois mauvais. Et parfois, vous faites juste un joli bébé. Et c’est ce que sont les collaborations sur l’album, ce sont des bébés très mignons.

 

 

Et y a-t-il un artiste avec lequel vous rêvez de collaborer ?

Oui, bien sûr, en France il y a Vegedream et Dadju que j’aime bien, ils prennent leur art au sérieux. Il y a Fally Ipupa aussi, avec qui nous prévoyons déjà de travailler ensemble. J’aime beaucoup le côté afro beat de l’Angleterre aussi. J’adore Tems, sa voix est tout simplement angélique, elle est d’un autre niveau. Et j’adore Black Bones, mais j’ai déjà travaillé avec lui. Je n’écoute plus vraiment de musique américaine. Mais je pense qu’une collaboration de rêve pour moi est de travailler avec quelqu’un qui veut juste faire de l’art. Quand je fais de la musique, je laisse mon ego de côté et j’espère que tout le monde laisse son ego de côté et vient dans un état de vulnérabilité pour faire le plus grand acte.

 

Pour terminer, qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour 2024 ?

Mes projets pour 2024 sont de m’établir en tant qu’artiste solo. J’ai été dans un groupe toute ma vie et maintenant je veux juste être en paix. Je sais que de belles choses m’attendent et je veux être en paix et heureux de les recevoir. Tant de fois dans ma vie, j’ai reçu des bénédictions mais je n’étais pas dans un bon état d’esprit pour les reconnaître. Alors souhaitez-moi le bonheur, souhaitez-moi un bon mental.

 

Bien lors de son concert à La Boule Noire

 

 

Texte Charline Gillis