Intronisé, sans le vouloir, dès son premier album Away from the Sea (2009), comme l’un des fers de lance de la relève électro française, le RémoisYuksek s’est produit dans toute l’Europe et au-delà. Avec son second opus Living on the Edge of Time sous le bras, il met plus en avant une pop fédératrice où il donne lui-même de la voix. Rencontre.

Tu as tourné pas mal de temps avec Away from the Sea ?

J’ai seulement arrêté en octobre dernier. Je fais tout le temps de la musique. C’est mieux quand je suis en studio, mais sinon j’enregistre sans cesse des bouts de voix sur laptop et je lance des démos. Après octobre, j’ai terminé toutes ces démos que j’ai accumulées pendant un an. Finalement, la réalisation du nouvel album s’est faite assez vite. J’avais envie d’un disque plus concentré dans le temps. Au total, il y a eu six mois d’écriture, d’enregistrement et de mixage.

S’agit-il d’un virage pop délibéré ?

C’est ainsi que les choses ont tourné, en accord avec ce que j’ai envie de faire en ce moment. Je voulais vraiment chanter tous les morceaux moi-même pour ne pas être tributaire d’un chanteur ou d’une chanteuse qui ne peut pas être là pour le live. L’autre idée était de revenir sur scène avec un live plus étoffé avec des musiciens. Et puis c’était également une sorte de challenge personnel. Mon premier album était déjà pop, mais la construction mettait plus en avant le côté électronique de ma musique. Cette fois, j’ai écrit des morceaux, puis j’ai produit le tout en respectant au maximum les chansons en tant que telles.

Tu as beaucoup travaillé sur les voix ?

Travailler au mixage de l’album des The Bewitched Hands m’a permis de réfléchir pas mal à l’importance des voix dans ma propre musique. Leur musique est très axée sur les voix et les chœurs. Et si j’avais beaucoup aimé le travail sur les voix d’un groupe américain qui s’appelle Local Natives. Cela fait bien sûr écho à des artistes que j’aimais avant comme The Beach Boys avec une modernité qui trouve écho chez moi. Tout cela est un véritable travail de fourmi avec une accumulation de voix, un placement, des effets…

Les instruments sont-ils plus mis en avant cette fois-ci ?

Oui, c’est vrai qu’ils sont davantage mis en avant. Ça correspond davantage à ce que j’écoute comme musique : je n’ai jamais vraiment beaucoup écouté d’électro. J’aimais beaucoup en faire et c’est toujours le cas aujourd’hui, mais pas tout seul. Avec Brodinski, on a monté The Krays. Pareil avec un ancien mec d’Aeroplane, The Magician : on appelle ça Peter & The Magician. À ce stade de ma vie, ça ne m’excite pas de faire de la musique tout seul.

Si l’on évoque un côté rétrofuturiste dans ta musique, est-ce que cela te parle ?

Bien sûr, c’est toujours le serpent qui se mord la queue ! Entre des phénomènes de mode, des artistes que tu aimes, alliés à une envie de modernité indéniable, le tout mêle influences passées et les dernières techniques de son. Quand j’ai fait mon album, j’ai essayé de me dégager de tout cela. Je n’écoutais pas du tout de son à ce moment-là. Je ne veux surtout pas être dans un plan mimétisme. Il y a des gens qui font ça très bien, mais moi les morceaux me marquent trop pour que je puisse m’en détacher facilement.

À propos des textes, as-tu des sujets de prédilection ?

Je n’ai pas de « message » à proprement parler, mais mes chansons racontent des histoires. Ce n’est pas forcément personnel, mais parfois cela arrive : On a Train traite du fait que j’aime parfois être dans ma bulle sans que l’on vienne me déranger, d’où la métaphore du train où l’on ne peut pas monter en route. To See You Smile est venue après une altercation un peu violente et chaotique avec ma copine. Say a Word, c’est quelque chose de plus familial. Off the Wall, c’est l’histoire d’un noctambule qui prend des substances illicites et qui pense être trop cool, alors qu’il a juste une vie de merde (!). Always onaRun,c’estunpeuleCanMeifUCan attrape-moi si tu peux)… Mais pour certaines comme The Edge c’est le texte qui est au service de la musique.

Dès le premier titre, on sent comme un vent seventies qui souffle sur le morceau…

Je suis fan des musiques de la fin des années 1970 et du début des années 1980, comme Electric Light Orchestra, et même des trucs coldwave/newwave qui sont apparus un peu plus tard. Je suis collectionneur de synthés. Tous les vieux claviers que j’ai ont été faits entre 1976 et 1982 : c’était un véritable âge d’or.

Aimes-tu toujours t’adonner à l’électro « pure et dure » ?

Oui, bien sûr, je ne veux pas complètement abandonner cela. Mais je ne veux plus le faire tout seul. À présent, il s’agit de projets en duo comme avec Brodinski sous le pseudonyme The Krays. On a sorti un premier EP sur le label Abracada (même label que The Aikiu). On a notamment remixé Tiga, Ebony Bones ou Peaches. Et aussi avec Stephen Fasano (ex-Aeroplane) sous le nom Peter & The Magician. Dernièrement, un morceau intitulé Twist est sorti sur la Kitsuné Maison 11.

Yuksek, Living on the Edge of Time (Savoir Faire-Barclay/Universal) www.myspace.com/yuksek

Propos recueillis par Joss Danjean
Photos : Hugues Laurent
Réalisation : June Nakamoto