Alors que la Fashion Week de New York a laissé sa place à celle de Londres, il est temps de récapituler ces quelques jours qui ont été une occasion rêvée pour les designers et autres personnalités de faire parler d’eux.

 

 

Collina Strada : un show engagé.

 

Image par Paolo Lanzi.

 

« Everything sucks. We’re all doomed. The world’s on fire, but we’re doing a fashion show because that’s what we know how to do. »

« Tout est nul. Nous sommes condamné.e.s. La planète est en feu mais on organise un défilé car c’est ce qu’on sait faire. »

 

Hillary Taymour, la créatrice de la marque, s’exprimait en ces termes peu de temps avant le défilé. Le jour-même, elle demande aux mannequins d’arborer un sourire. Expression qui se fade à mesure qu’ils.elles évoluent sur le catwalk. S’il est déjà assez rare de voir défiler des mannequins souriant.e.s, il est encore plus inhabituel de voir un défilé associé à une cause sans que celle-ci lui soit extérieure.

 

Coach : le défilé anniversaire dérangé.

 

 

Deux militantes de l’organisation PETA (People for the Ethical Treatment of Animals) ont infiltré le défilé. L’une recouverte d’une peinture représentant des muscles et des os et l’autre brandissant le slogan « Coach: Leather Kills » (« le cuir tue »). La marque Coach qui célébrait les dix ans de Stuart Veves en tant que directeur artistique ainsi que son public ne semblent pas prendre la mesure de la situation. À peine quelques instants après l’intervention des militantes, celles-ci se font sortir de façon musclée et le défilé continue, comme si de rien était. Depuis, le vice président de PETA s’est exprimé en ce sens :

« PETA is shaking up Coach’s catwalk to drive home the message that leather belongs in the annals of history, not in designers’ current collections. »

« PETA infiltre les défilés de Coach pour faire comprendre que le cuir appartient au passé et qu’il n’a plus sa place aujourd’hui dans les collections des designers. » (traduction personnelle)

 

Du côté de Coach, pas de réaction à signaler. La marque communiquera peut-être dans le futur sur les engagements qu’elle est prête à tenir. Quoiqu’elle fasse, l’organisation PETA promet d’infiltrer ses défilés jusqu’à l’arrêt total de l’utilisation du cuir pour ses collections.

Le retour de Victoria Secret ?

La marque a organisé d’énormes défilés jusqu’en 2018, et cela pendant plus de vingt ans. Les collections de lingerie étaient toujours incarnées par le même type de femmes : plutôt grandes, filiformes et pour la grande majorité, blanches de peau. Edward Razek, l’ancien directeur marketing a depuis été évincé de la marque après avoir tenu des propos discriminants et après avoir entretenu des liens suspects avec le pédocriminel Jeffrey Epstein. Relation également entretenue par l’ancien PDG de la marque, Leslie Waxner. Avec #metoo, les langues se sont déliées et les lignes ont enfin bougé. Après un important passage à vide, la marque revient sous les feux des projecteurs. Le 6 septembre 2023, elle a convié un grand nombre de célébrités à assister, non pas à un défilé, mais à la projection de la bande annonce du film The Victoria’s Secret World Tour qui sera disponible sur Prime le 26 septembre.

 

Imaan Hammam, Aaron Rose Philip, Gigi Hadid et Adwoa Aboah. Image par Steve Eichner pour WWD.

 

Si les visages d’Adut Akech, Honey Dijon ou encore celui d’Yseult font partie du casting, les anciens Angels comme Adrianna Lima, Candice Swanepoel et Gigi Hadid font toujours partie du voyage. Au programme de ce documentaire, peu de lingeries comme on pourrait d’abord le croire. La marque a plutôt choisi de mettre en lumière des artistes du monde entier, assurément peu connu.e.s de son public habituel. L’objectif : redorer son image en montrant qu’elle est désintéressée puisque toutes les oeuvres et les vêtements qui apparaissent dans le film ne seront pas commercialisés. Elle veut également envoyer le signal qu’elle est inclusive car capable de nouer des liens avec des personnalités féminines du monde entier.

Alors que les téléspectateur.rice.s n’ont pas encore pu visionner le documentaire, les critiques sont assez acerbes. Un événement de cette ampleur ainsi qu’un documentaire ne sont pas suffisants pour le public. C’est sur le temps long que Victoria Secret devra faire ses preuves.

 

Anna Delvey : a scammer in New York ?

Il est loin le temps où Sting chantait Englishman in New York sur la 5th Avenue. Cette balade rock iconique pourrait être reprise par Anna Delvey à la seule différence qu’elle est une scammer, une arnaqueuse qui a élu domicile dans la ville qui ne dort jamais.

 

Image par John Lamparski, Getty Images.

 

Assignée à résidence depuis octobre 2022 après avoir été reconnue coupable de plusieurs chefs d’accusation comme escroquerie, grand banditisme et crime organisé, Anna Sorokin dit Anna Delvey a organisé un défilé à domicile, celui de la marque Shao, sur le toit de son immeuble. Il succède à d’autres projets comme What the Hell, son premier morceau, qui lui permettent tous d’éviter de tomber dans l’oubli.

Ce défilé hors du commun et surtout illégal a multiplié les embuches – retard d’une quarantaine de minutes, intervention de la police, immeuble trop étroit pour accueillir les invité.e.s – n’empêchant pas de nombreuses critiques de valider la collection que la créatrice Shao Yang décrit en ces termes :

« It’s old New York, fun and spontaneous, the 80s, with the culture, inclusivity, diversity, everything. »

« C’est le vieux New York, amusant et spontané, celui des années 1980 avec la culture, l’inclusion, la diversité, tout. » (traduction personnelle)

 

Image par Alex Massek.

 

La Fashion Week est une occasion de faire passer des messages : la peur de l’avenir chez Collina Strada même « si le spectacle doit continuer » et la promesse d’une nouvelle ère chez Victoria Secret. Seule la marque Coach semble encore éloignée de ces préoccupations sociales et environnementales. Une chose est sûre, une ombre plane sur la mode, celle de la réinvention des techniques, des matériaux, du casting. Si les marques ne semblent pas toutes prêtes à délivrer un message politique, elles risquent d’être forcer à le faire par des associations et des organismes comme PETA.