Il semblerait qu’une rébellion soit décidément en marche dans le milieu de la mode. Depuis les départs très médiatisés de Raf Simons et Alber Elbaz de deux des plus grandes maisons de couture françaises, les langues se délient autours du phénomène d’épuisement créatif que les DA subissent ces dernières années depuis qu’on leur impose la création de six collections par an. La « fast fashion » ne risque-t-elle pas d’avoir la peau de nos designers adorés ?
On a tous en mémoire les plus ou moins récentes débacles de Christophe Decarmin ou John Galliano, tous deux cramés par un calendrier des collections indécemment serré, provocant l’étouffement psychologiques de deux créateurs de génie.
Une exigence de création constante devenue lambda, poussant certains designers, Phoebe Philo en tête, à mettre le hola afin de préserver leur vie de famille. Déplacement géographique des studios de création pour elle et Hedi Slimane, ou refus de courir deux lièvres à la fois, à l’image des choix faits par Felipe Oliveira Baptista ou Alexander Wang. Alors que Baptista a décidé de délaisser sa ligne éponyme pour ne se consacrer qu’aux créations Lacoste, Wang, lui, quitte Balenciaga afin de mettre le focus sur le développement de sa propre marque.
Phoebe Philo
Son successeur à la tête de la très chic et lucrative maison, Demna Gvasalia, a par ailleurs déjà remis en question ce « besoin » surconsommateur de l’industrie du luxe : « Je ne suis pas sûr qu’il y ait une réelle demande sur le marché pour tous ces vêtements (…) on gaspille beaucoup d’argent, à développer et à vendre des choses dont nous n’avons pas vraiment besoin. »
Une collection imposée toutes les six semaines ? Dries Van Noten a carrément décidé de zapper les collections croisières, refusant de jouer le jeu de ces incessants marathons créatifs. On se souvient aussi de Phoebe Philo, encore elle, et de son hiatus RTW de 2012. La DA de Céline excelle dans l’art de se préserver, puisqu’elle n’avait pas hésité à jouer à la roulette russe avec sa carrière, en quittant la maison Chloé et le business de la mode pendant deux ans afin de fonder une famille. Pure folie, mais récompensée par un retour en grâce chez Céline en 2008.
Raf Simons
Raf Simons justifiait sa décision de rompre sa collaboration avec la maison Dior ainsi : « Le problème est que quand vous avez six collections à créer et une seul équipe de design, il ne vous reste plus de temps pour la réflexion. Et je refuse de créer des collections sans réfléchir. »
Ces mécanismes d’auto-protection vitaux adoptés par les créateurs semblent être la seule solution qu’ils aient trouvé pour ne pas griller leur processus créatif, et accessoirement leur carrière et vie intime. N’oublions pas que les designer sont des artistes, par conséquent des êtres sensibles, non pas des robots, plus productifs, certes, mais sans âmes.