On pourrait parler des heures, des jours du pouvoir et des jeux de pouvoir de la mode. À l’heure d’une prétendue démocratisation d’un milieu longtemps réputé comme inaccessible et secoué par de nombreux changements, rencontre avec trois icônes de la sphère mode : Sophie FontanelAlice Pfeiffer et Loïc Prigent. Aujourd’hui, c’est ce dernier qui évoque pour nous son amour de la mode, son parcours et Catherine Deneuve, parfaite interprète de ses célèbres tweets.

Entretien et illustration : Safia Bahmed-Schwartz

Est-ce que tu peux te présenter ?
Je travaille sur la mode, depuis un moment et certainement pour un moment. Je m’appelle Loïc Prigent et j’ai 43 ans.

Pourquoi la mode ?
Parce que c’est mon domaine de prédilection, que j’aime, qui m’a toujours étonné. C’est une bonne surface de travail.

Et pourquoi le journalisme ?
Je ne sais pas, j’avais une fascination pour le papier quand j’étais gamin et j’ai très tôt commencé à créer mes propres fanzines. Quand à la télé, la vidéo, c’est quelque chose qui est en moi depuis l’enfance, une sorte de passion.

Justement, comment en es-tu venu à la vidéo ?
Ça m’a toujours intéressé, j’en ai fait un peu à l’école sans être dans le cursus. Je tapais l’incrust dans les cours d’audiovisuel de mon lycée. Après j’ai eu la possibilité de bosser chez Canal et j’y ai commencé. Ensuite Arte. Je n’ai pas vraiment de parcours scolaire, j’ai vaguement suivi des études de lettres modernes mais rien de concluant

Le slogan de Paris Match c’est « Le poids des mots, le choc des photos ». Quelle importance ont les mots pour toi ?
Il faut essayer d’être en discussion, surtout avec la mode. Les mots se démodent aussi, ils accrochent ou pas, ils sont lisses ou pas. D’ailleurs, c’est mieux qu’ils ne le soient pas. La ponctuation est aussi très importante dans la mode. On a tendance à l’enlever parce qu’on est dans quelque chose de très direct, très parlé. On vire les points d’exclamations, souvent traitres. Ils peuvent devenir dangereux dans la presse féminine, donner l’impression d’un discours forcé par l’annonceur…  Quand j’écris, je fais en sorte que que ce soit compréhensible, de ne pas faire de descriptions trop ampoulées, trop Napoléon III.

C’est quoi tes réseaux sociaux ?
Un peu tous, comme tout le monde, à dose variable selon la journée et l’envie. Comme tout le monde.

As-tu conscience de ton pouvoir ?
Je trouve ça assez cool d’être un sésame pour certaines personnes. Quand je fais Habillé(e)s pour… avec Mademoiselle Agnès, ce qui me plaît c’est de montrer pas mal de choses rigolotes. Il y a une notion d’exclusivité sympa pour le spectateur, une vraie plus value. Il a accès aux défilés Balenciaga et Vuitton, mais pas seulement en caméra frontale. Notre caméra est latérale, on est dans la salle, au cœur de l’action.

Pour toi c’est important d’avoir un point de vue latérale, différent de celui des autres caméras ?
Oui, c’est moins impersonnel, plus pertinent à un moment T. On peut essayer de raccrocher la mode au monde dans lequel elle évolue, à son puritanisme, à ce qu’elle est en train de révéler sur la société.

Cet été sur Arte, c’était « l’été des scandales ». C’est un thème qui t’a été soumis et sur lequel tu as réalisé un documentaire sur les scandales de la mode.
C’est un thème qui m’a beaucoup amusé. J’aime bien faire des documentaires à plusieurs vitesses, comme Habillé(e)s pour… Tu es dans un train qui va à 300 à l’heure avec des docus d’archives et des analyses. J’aime bien traiter les archives sans point de vue, de façon relativement brute. Je n’interviewe pas de gens aujourd’hui avec leur regard actuel sur les archives. Dans le documentaire que j’ai fait sur McQueen, toutes les images sont d’époque, il n’y a pas de jugement a posteriori.

Pour tes tweets aussi, il est question de contexte ?
Toujours en essayant d’être relativement brut, parce que c’est dans ce brut que tu peux avoir une sorte d’exégèse, d’analyse à froid. J’aime ce qui est brut, même si j’ai conscience que c’est un mot à prendre avec des pincettes, c’est pour ça que dans mes tweets il n’y a pas de ponctuation, parce que je les ai entendus sans.

Quel a été le rôle de Catherine Deneuve, qui a interprété ces tweets ?
Elle les a interprété. Tout ce qu’a priori je ne me permets pas, elle l’a fait. Ce qu’elle a fait du matériel, en tant que femme et en tant qu’actrice, cela m’a beaucoup plu.

C’est quoi pour toi le pouvoir de la mode aujourd’hui ?
De ne pas changer le monde, mais lui permettre de se changer.

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twitter.com/loicprigent

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