Ancien collaborateur d’Heidi Slimane pour les bijoux Dior Homme, il a également travaillé pour Saint Laurent. Connu pour ses créations unisexes, surtout ses iconiques noeuds papillons, il joue avec les codes du genre. Alexis Mabille vient de présenter sa collection prêt à porter Evening Essentials dans la galerie Vivienne.

 

Il existe un reportage nommé Paris Fashion Week Haute Couture – Une course à la perfection. C’est assez drôle car il date d’il y a dix ans. On voit qu’il y a beaucoup de membres de votre famille qui vous aident, notamment votre maman, qui apporte les robes. Cette année-là, vous avez même eu un problème de tissu, ce qui a engendré des retards sur les robes.

Il y a toujours des problèmes et il y a toujours des solutions !

 

 

Comment vous organisez-vous aujourd’hui ? Est-ce que votre famille a toujours une place aussi importante dans l’organisation ?

Oui, parce qu’en fait, j’ai monté la société avec ma mère et mon frère. Donc forcément, la famille est là. On travaille ensemble encore, même si le temps passe. Mais après, l’organisation est toujours un peu la même, sauf que maintenant on a grandi, on va dire… C’est l’effervescence des collections. Là, vous êtes arrivés sur le prêt à porter, c’est plus calme, parce que c’est des collections qu’on ne fait pas défiler. C’est shooter quelques jours avant, une semaine avant, on prépare toute la logistique pour le commercial. Mais c’est ça qui est excitant aussi dans la préparation de collection, c’est toute cette effervescence ! Et il y a toujours des problèmes, il y a toujours des « DHL a perdu un colis ». Mais au pire, ce n’est pas grave, on refait des choses.

 

Chez Modzik, on allie mode et musique. Comment est-ce que vous choisissez vos musiques pour les défilés ? Comment travaillez-vous avec Emmanuel Caurel ?

On se connaît depuis un long moment, déjà. C’est lui qui a monté le label BLT. On s’est rencontrés via les soirées qu’il organisait et on a commencé à faire des musiques de défilés qui sont entre du mix et de la compo. Sur certains shows, on a fait intervenir des artistes aussi. Des amis chanteurs ou des gens qu’on aime bien et qu’on incorpore. Parce que dans l’énergie d’un show, la musique est très importante. Ça peut changer complètement l’axe de vue des gens. L’apport d’Emmanuel est très important parce qu’il a son œil aussi sur la collection. Je lui explique ce que j’aimerais, et puis après, c’est une discussion pendant 15 jours sur ce qu’on va donner. Souvent, on finit le matin même parce qu’il y a des évolutions. Et lui, le mixe en direct, pour vraiment avoir la bonne interface, qu’il n’y ai pas une fille qui sort avec la mauvaise musique…

 

 

Quand vous créez des vêtements, avez-vous des influences musicales qui vont vous aider à dessiner vos robes ?

On ne s’en rend pas forcément compte, mais comme tout le monde, je mets de la musique chez moi, j’ai de la musique au bureau, il y a de la musique à la boutique… J’ai des amis chanteurs dont j’aime le travail et pour qui on fait des costumes de scène, avec qui on interagit et qui, forcément, nous amènent aussi des choses, ce qui est dans leur temps, dans leur époque, ce qu’ils tiennent. C’est inhérent. Je dirais que l’art, la musique, tout ce qui est lié au visuel et au son interagissent, notamment pour un show, et puis après, dans les actes créatifs.

 

« Dans les premières collections, j’ai fait des nœuds papillons, parce que la marque était mixte à l’époque, avant d’être une collection complète. (…) Je pensais que ça reflétait bien une histoire mixte et unisexe, que c’était un bon croisement entre l’histoire du costume, l’homme, la femme… Quelque chose de très féminin que l’homme portait de manière naturelle ».

 

Comme vous le disiez, vous faites beaucoup de costumes de scène. Vous avez collaboré avec beaucoup de stars, comme très récemment Iris Mittenaere. Est-ce que vous avez une collaboration avec une célébrité ou un artiste musical qui vous a particulièrement marquée ?

On a fait pas mal de choses. On a beaucoup habillé Katy Perry, Rihanna, Beyoncé, plein d’autres… Des plus connus et des moins connus. Spécifiquement dans la chanson, on a eu Simon Buret (Aaron) avec qui on a fait des choses. On a habillé Elia aussi dans un registre différent. Après, dans la danse, on en a beaucoup fait aussi comme pour Dita Von Teese, qui est encore dans un autre registre. Mais ils sont tous des personnages avec des forts charismes et avec des identités qui, à un moment, ont interagis avec nous. Parfois, il y a des histoires, ça passe par des stylistes, parfois c’est des amis ou des gens qu’on a rencontrés par le fil des défilés et autres avec qui on a créé une amitié.

 

Katy Perry en Alexis Mabille pour le amfAR Gala en 2018.

 

 

Dans vos créations et même sur votre logo, le nœud papillon, et le papillon de manière générale, est très présent. Quel est votre rapport à ce symbole ?

C’est une histoire un peu rigolote. Dans les premières collections, j’ai fait des nœuds papillons, parce que la marque était mixte à l’époque, avant d’être une collection complète. Je me suis même mis à mettre des nœuds papillons dans la collection. Je pensais que ça reflétait bien une histoire mixte et unisexe, que c’était un bon croisement entre l’histoire du costume, l’homme, la femme… Quelque chose de très féminin que l’homme portait de manière naturelle. Et on a relancé le nœud papillon dans les années 2000-2005. Ça a eu un succès fou. On a commencé à faire des papillons pour Mick Jagger, pour Karl Lagerfeld, pour plein de gens importants, on vendait chez Colette nos nœuds papillons… Et c’est resté un peu un Lucky Charm que j’ai gardé comme un élément qui est presque un logo pour nous, comme Chanel a son Camélia, nous, on a notre petit nœud.

 

C’est un bel élément signature. On décrit souvent vos créations comme frivoles. Comment vous décririez-vous ?

La frivolité, c’est un assez bon mot, parce que c’est romantique sans l’être, c’est coquin, mais pas trop. Il y a une notion de sensualité, en tout cas, d’amusement et de joie. C’est important dans les collections. Et après, il y a tout ce côté de confort dans le vêtement, il n’y a pas tellement de saison, finalement, on va aller sur quelque chose qui est confort et assez décontracté. Même si ça reste des robes du soir, c’est une approche plus décontractée dans la structure du vêtement et dans le porté.

 

« Je n’aime pas travailler avec une thématique trop littérale. C’est ce rapport à la femme, à la sensibilité, à des types de caractères. Et on travaille autour du corps féminin pour structurer le corps ou l’accompagner ou en tout cas, avoir cette ligne complètement intemporelle d’une collection qui sont des essentiels de garde-robe ».

 

 

Au niveau des tissus et des matières, c’est quelque chose que l’on retrouve dans vos collections.

Encore plus sur la collection prêt à porter, qui est vraiment dédiée à ça, au confort, à la sensibilité, au fait d’être naturelle et de porter une robe comme on se met du maquillage. C’est pour être belle et exister avec son propre charisme.

 

Un dernier mot sur votre collection actuelle, vos inspirations, la thématique ?

Je n’aime pas travailler avec une thématique trop littérale. C’est ce rapport à la femme, à la sensibilité, à des types de caractères. Et on travaille autour du corps féminin pour structurer le corps ou l’accompagner ou en tout cas, avoir cette ligne complètement intemporelle d’une collection qui sont des essentiels de garde-robe. On peut les acheter aujourd’hui, dans dix ans, on les reporte. C’est juste une histoire « d’accessorisation », mais le vêtement n’a plus de temps. Ça, c’est tout le travail que je fais sur la prêt a porter.

 

 

Texte Elisa Lamotte