LE DIGITAL COVER

 

CRÉDITS MODE DIGITAL COVER

Féfé porte un ensemble GUNTHER et des lunettes de soleil en acétate ETRO Eyewear.

 

 

LA SÉRIE MODE

 

 

CRÉDITS PHOTOS, COVER DIGITAL ET SHOOTING

Photographe Justino Esteves – Styliste Barbara Boucard – Make Up Artist Morgane Guenot

 

 

 

RHYTHM. BY MODZIK LIVE SESSION

 

CRÉDITS MODE LIVE SESSION

Féfé porte un ensemble ISSEY MIYAKE et des chaussures CONVERSE.

 

 

L’INTERVIEW

 

Issu de la « Génération Baladeur » Féfé a continuellement su s’adapter pour produire un son moderne, reconnu dans le paysage de la musique urbaine. Hélicoptère, son nouvel album, traverse comme lui les trois dernières décennies, passant d’une collaboration avec le pionnier Akhenaton à un feat avec la talentueuse Luiza. Féfé a une énergie solaire contagieuse et la force du Conquering Lion. Mais il n’en est pas moins un être extrêmement touchant et humble, qui réfléchit inlassablement à notre société, et rêve en musique à un avenir meilleur pour ses frères humains.

 

 

 

 

Est-ce que je peux avoir tes impressions sur ce qui vient de se passer : les essayages, le shooting mode ?

Je crois que c’est la première fois que je fais un shooting comme ça qui inclut la mode avec la « Zik ». C’est rafraîchissant !

 

Tu nous as habitués à de super collaborations à chacun de tes albums. On peut citer -M-, Tété, Ayo, Orelsan, Ibrahim Maalouf, Aloe Blacc. Sur ton nouvel album, il y a à nouveau de grands invités : Akhenaton, Son Little (Californie), Cookin’ On 3 Burners (Australie), Luiza. Comment le choix s’est-il fait ?

Cookin’ On 3 Burners, était mon backing band pour un festival qui s’appelle So Frenchy So Chic. On s’est très bien entendus et c’est comme ça que le contact a été pris. Pour Luiza, on a le même manager et il s’est trouvé que sa voix correspondait parfaitement pour un de mes titres (Quelque part, NDLR). Akhenaton, ça fait longtemps que je voulais faire un titre avec lui, comme j’ai aussi envie d’en faire un avec JoeyStarr. Il fallait que ça se fasse à un moment (rires). Et Son Little, c’est mon Directeur Artistique qui m’en a parlé, parce que moi je ne connaissais pas en fait. C’est de la folie, Son Little ! C’est énorme, je suis tombé amoureux de sa voix. Et il m’a vraiment donné quelque chose.

 

C’est peut-être l’album le plus intime que tu aies fait. Ça parle notamment de ta relation à ta famille. Est-ce que ça signifie que tu as fait la paix avec certains éléments de ton passé ?

Oui, j’ai fait la paix avec certains éléments de mon passé, il était temps quand même (rires). Et surtout avec moi. Voilà, je pense que c’est l’album où je fais la paix avec moi sur certaines choses.

 

« Il y a eu beaucoup de choses dans ma vie personnelle qui se sont passées pendant la période Covid, comme pour beaucoup de gens. C’était bizarre, cette période. Elle a été brutale, et je n’étais pas sûr de continuer à faire de la musique. Donc, cet album, c’est comme une nouvelle première marche pour repartir et faire ce que j’aime, et ce pour quoi je suis fait. »

 

Un peu un album catharsis alors ?

Oui, tous les albums le sont quelque part. En tout cas, tous mes albums le sont en général, parce qu’ils partent toujours d’une impulsion personnelle. Mais c’est vrai que celui-là, il a une saveur particulière. Il y a eu beaucoup de choses dans ma vie personnelle qui se sont passées pendant la période Covid, comme pour beaucoup de gens. C’était bizarre, cette période. Elle a été brutale, et je n’étais pas sûr de continuer à faire de la musique. Donc, cet album, c’est comme une nouvelle première marche pour repartir et faire ce que j’aime, et ce pour quoi je suis fait.

 

A propos de Civilisation, Orelsan confie : « C’est un disque où je ne parle que de ma meuf et de la société ». Pour moi, ton nouvel album fait un peu écho à Civilisation car toi, tu parles de ta famille et de la société.

Je prends le compliment, franchement. C’est ça. Je pense que c’est aussi une question d’âge, de parcours dans une carrière. Il y a un moment où on a besoin de faire la paix – encore, c’est marrant – même avec cette société. Moi j’ai perdu beaucoup d’illusions avec cette société, mais j’ai quand même de l’espoir. J’ai envie que les choses s’arrangent, qu’elles aillent vers quelque chose de meilleur. Ma manière de participer à moi, c’est en faisant de la musique, en parlant de certaines choses qui me touchent énormément. C’est horrible parce que, dans une de mes chanson, j’ai une phrase pour les gens qui sont israélo-palestiniens. Quand j’ai sorti le titre, le conflit a redémarré ! Ce sont des choses comme ça qui me touchent dans cette société, qui ont l’air d’être sans solution. Et moi-même je n’ai pas de solution, à part juste essayer de propager un maximum d’amour et d’espoir.

 

« J’ai un vœu assez utopiste en fait : qu’un jour l’humanité dépasse toutes ces barrières que je trouve débiles. Que ce soit pour des questions de religion, de sexualité ou de couleur de peau. J’aimerais que l’humanité dépasse un peu toutes ces fausses frontières… un beau jour. »

 

Le titre Quelque part enregistré avec Luiza balance sur les homophobes, les racistes, les injustices, de grosses entreprises côtées en bourse comme Nestlé, Bolloré. Je pars de loin dénonce « le racisme civilisé » – le terme est hyper bien trouvé – puis annonce que « l’ascenseur social est cassé ». Tu as quand même de super punchlinesDans Langues étrangères, tu dis « des mots sans papiers je veux échanger », quelques semaines avant le vote de la loi immigration… Donc je me dis qu’en fait tu as des prémonitions (rires).

Je ne sais pas ce que c’est. Je pense que tous les artistes essaient de prendre le pouls de la société quelque part, et de prendre ce qu’il y a dans l’air. Et, oui, « des mots sans papier, je veux échanger ». Je suis universaliste. Je sais que c’est un gros mot aujourd’hui, on est hyper communautaires. Je suis très fier de ce que je suis, très fier de mes origines, des origines de mes parents. Je suis aussi très fier de l’endroit où j’ai grandi. Je suis né en France. J’ai un vœu assez utopiste en fait : qu’un jour l’humanité dépasse toutes ces barrières que je trouve débiles. Que ce soit pour des questions de religion, de sexualité ou de couleur de peau. J’aimerais que l’humanité dépasse un peu toutes ces fausses frontières… un beau jour. C’est pas pour tout de suite –ça c’est clair et net– mais j’aimerais que l’humanité tombe vers ça. Et c’est peut-être dû à l’endroit où j’ai vécu : en cité, avec des laotiens, des portugais, des marocains, des sénégalais… Et avant d’être de telle ou telle identité, on était juste du même coin, tout simplement. On grandissait entre les mêmes murs, et ça suffisait à faire un lien. J’aimerais qu’on retrouve ça.

 

Il y a tellement d’analyses sociétales pertinentes et d’idées dans tes chansons que c’est presque un programme politique (rires).

Non, surtout pas (rires) ! Je n’ai pas l’impression que les politiques travaillent pour le peuple. C’est horrible, j’ai l’impression de parler comme dans les bistrots « Tous les mêmes, tous des pourris. » (Rires). La démocratie, c’est le pouvoir pour le peuple, mais je pense qu’on n’est pas dans ça. J’ai l’impression qu’il faut tout changer et redonner le pouvoir et surtout l’attention aux êtres humains, à nous, tout simplement. Je ne comprends pas ce monde, il me dépasse. Pourtant ça y est, je suis un adulte, je comprends, je suis un peu cynique comme tout le monde, mais je n’arrive pas à m’en contenter. Je trouve ça triste.

 

À propos de ce monde qui fait peur, quelle est ton sentiment par rapport aux intelligences artificielles qui reprennent la voix de certains artistes, etc. ?

Ça me passionne, ça me fascine, parce qu’on est dans un vrai changement, encore. On ne se rend pas compte de ce que les intelligences artificielles vont faire. J’ai l’impression de voir Terminator qui commence (rires) ! En même temps, j’essaie de regarder ce qui s’est passé dans notre histoire : quand l’imprimerie est arrivée, tous les gens ont dit « c’est la fin, fini les scripts, qu’est-ce qui va se passer ? » Et il y a toujours quelque chose de bénéfique, donc j’essaie de voir le côté bénéfique de l’intelligence artificielle pour justement éviter les écueils et me dire « Ok, c’est bien, mais il faut faire attention à ça ». Pour l’instant, je suis encore en observation. Ça me fait peur, c’est vrai, de voir qu’aujourd’hui tu appuies sur un bouton et tu peux avoir ta voix qui est refaite, mais aussi ta manière de rapper, de chanter, et même ta manière d’écrire. C’est quand même fou et ça me pose une vraie question : « C’est quoi l’art ? Qu’est-ce que nous on amène alors, si un ordinateur peut vraiment nous remplacer ? ». Et ça me fait dire qu’en tant qu’artiste, il faut être encore plus libre et plus fou que jamais. Ne pas être juste un programme, un algorithme qu’on peut reproduire. J’espère que ça va nous pousser, nous, les artistes à être tout simplement meilleurs.

 

Ton album sort le 23 février et il y a une grosse tournée qui commence en mars. Seize dates en moins de trois mois, avec un concert à la Cigale de 30 mai. Ça va ? T’es prêt, t’es chaud ?

Je ne suis pas du tout prêt (rires). Les concerts, pour moi, c’est super important. C’est là où je partage avec les gens ce que j’ai fait dans ma chambre. Pour l’instant, je vais au sport déjà. Je fais ça pour me remettre en forme et je commence les répètes sous peu. Je crois que j’ai toujours eu le trac. C’est quelque chose qui m’a toujours suivi, mais là, j’avoue que je suis un peu stressé quand même parce que j’ai plus l’habitude quoi (rires). Trois-quatre ans sans tourner, ça ne m’est jamais arrivé dans ma carrière. Donc là, je suis un peu stressé, mais en même temps excité.

 

C’est un marathon les tournées ?

C’est un vrai marathon, surtout qu’il faut donner à chaque fois, à chaque concert. On n’est pas des robots. Les gens qui sont là ne sont pas les mêmes que la veille. Donc je ne sais pas trop comment ça va se passer mais, en même temps, c’est bien le mystère. J’ai hâte.

 

« (…) j’ai l’impression d’être un artiste un peu à part dans l’urban, tu vois. Il me semble que tout le monde est dans le peloton de tête et j’ai l’impression, soit d’être le vilain petit canard, soit d’être le mec qui n’a pas compris que c’était une course (rires). »

 

La relation avec le public, ça te nourrit ?

Ça m’a toujours nourri, oui. J’aime bien que ce soit interactif, j’aime bien que les gens réagissent. La seule chose c’est quand je vois les gens avec leur téléphone, ça me stresse un peu : je me dis qu’ils mettent un mur là où il n’y a plus de mur normalement. Donc c’est mon combat à moi (rires) : casser ce mur.

 

Quelle est la signification du titre Hélicoptère ?

C’est parce que si le game est une course j’arrive en hélicoptère ! (Rires.) Tout simplement, parce que j’ai l’impression d’être un artiste un peu à part dans l’urban, tu vois. Il me semble que tout le monde est dans le peloton de tête et j’ai l’impression, soit d’être le vilain petit canard, soit d’être le mec qui n’a pas compris que c’était une course (rires). Hélicoptère, parle aussi du fait de redécoller tout simplement.

 

Le concept esthétique de la pochette est vraiment étudié : plusieurs pochettes où tu poses avec un parachute. Quelle est la symbolique de ce parachute ?

En fait, si on aligne les trois pochettes qui sont sorties, ça raconte une histoire. C’est comme si j’avais sauté en parachute depuis l’hélicoptère, sauf qu’on a raconté l’histoire à l’envers.

 

Et ta coiffure est « hélicoptère » aussi.

Exactement, la coiffure hélicoptère parce qu’on a pensé à mille choses et on s’est dit « On va essayer de faire des sortes de pâles avec mes dreads ! »

 

Tes albums ont une existence autonome ou il y a un lien entre eux ?

Je pense que, dans mes trois premiers albums, il y avait une sorte de lien. Mais, comme dans ma vie je ne sais pas ce qui arrive derrière, il n’y a pas vraiment de lien au départ, à part juste ma vie. J’essaye parfois de faire des liens mais ça ne marche jamais comme ça. Parce que, dans la vie, tu peux prévoir, c’est jamais comme ça que ça se passe. Le seul lien, c’est moi.

 

Et tu écoutes quoi en ce moment ?

En ce moment, je suis en train de réécouter des vieux trucs à l’ancienne. Je ne sais pas ce que j’ai, j’ai une nostalgie. Je réécoute mes madeleines de Proust. Voilà, que ce soit Roy Ayers, Curtis Mayfield, un peu de Bob, bien sûr, toujours, du Fela. Ouais, je réécoute mes madeleines de Proust en ce moment, je ne sais pas pourquoi, ça doit être l’âge (rires) !

 

 

Texte Anne Vivien