À l’occasion de la sortie de son cinquième album, Memory Morning, Tourist était de passage au Trabendo le 16 mai dernier. Après presque vingt ans de carrière et un Grammy Award en poche, l’artiste avait plus que jamais envie d’offrir à son public un projet placé sous le signe de la spontanéité et de l’évasion.

 

Hello Will, comment vas-tu ?

Je vais bien, merci. Je suis content d’être enfin à Paris parce que mon vol avait été annulé ce matin. J’ai passé quatre heures dans une voiture, été dans deux aéroports différents et me voilà ! Je me souviens très bien du Trabendo puisque j’y ai joué en 2014, j’étais un jeune homme à l’époque alors ça me fait un peu bizarre, beaucoup de choses ont changé depuis.

 

Pourquoi avoir choisi Tourist comme nom de scène ?

Il me semble qu’à Paris les touristes ne sont pas très appréciés (rires). J’aimais beaucoup la phonétique de ce mot, je le trouvais sympa et en le disant à voix haute, j’ai réalisé que personne ne s’appelait comme ça. Je me suis dit : « C’est cool », et puis ça ne me range dans aucune case, j’ai l’impression de pouvoir explorer tous les types de musique avec ce pseudonyme.

 

 

Ta tournée européenne touche à sa fin, comment te sens-tu ?

Mes concerts ne sont pas vraiment pour moi, ils sont pour le public. Je ne sais jamais vraiment comment ils se sont passés, alors je demande toujours autour de moi : « C’était bien ? », j’essaye de faire de mon mieux. Je ressens cette incertitude à chaque fois mais c’est du bon stress. Pouvoir partager ces moments avec des gens qui aiment ma musique, c’est un sentiment incroyable. Cette tournée était géniale, j’ai notamment pu faire ma première date en Pologne, dans une petite salle de 300 personnes, c’était super. J’adore tisser ces liens avec le public, c’est ce que je retiens de chaque date, j’ai une chance immense de pouvoir le faire à travers autant d’endroits différents.

 

Qu’est-ce que tu aimes porter pour un concert ?

Je ne porte rien de très rechercher, j’opte souvent pour un haut à manches longues et un jean, tout simplement. Ensuite, j’accessoirise avec des bracelets ou des colliers.

 

As-tu une routine avant de monter sur scène ?

Respirer ! J’essaye juste de respirer un grand coup et je ferme les yeux. J’ai arrêté de boire et de fumer il y a quelque temps. Je vois une vraie différence maintenant que je me produis sobre, je suis bien plus présent sur scène. C’est un super sentiment, mais c’est aussi plus stressant.

 

Ton nouvel album, Memory Morning, est sorti récemment. Comment s’est passé le processus de création ?

C’était assez simple honnêtement. J’ai laissé les idées venir à moi en l’écrivant, sans m’interdire quoi que ce soit. J’ai fini tous les morceaux que j’avais commencés et c’est devenu l’album que vous connaissez, je n’ai presque rien effacé. Je voulais vraiment que tout ce que j’avais pu écrire en un an et demi devienne le projet final, parce que quand je réfléchis trop, ça ne rend rien de bien (rires).

 

 

Quelles étaient tes inspirations ? À quoi voulais-tu que ce cinquième album ressemble ?

Je voulais que cet album ressemble à un rêve ou un souvenir lointain, romantique et plein d’espoir. Qu’il soit déroutant dans un sens, et que le public se dise « Ok, il a fait ceci ou il est allé vers ce registre-là » et qu’il transporte les gens, un peu à la Alice au pays des merveilles (rires).

 

Tu as composé cet album avec des synthétiseurs, ton ordinateur, et même ton téléphone. Pourquoi ce choix ?

Tout simplement parce que ce sont les instruments les plus accessibles. J’ai toujours mon téléphone sur moi, je peux sampler dessus, enregistrer des sons que j’entends autour de moi, écrire des paroles… Pour moi, la musique ne doit pas être une montagne impossible à gravir. Je veux m’amuser pendant que je compose. Et puis on peut faire de la musique partout, c’est aussi ce que j’aime.

 

Dans quel cadre aimes-tu composer ta musique ?

J’aime beaucoup composer le matin. Je viens juste de finir d’aménager un studio dans mon jardin et c’est devenu le meilleur endroit pour faire de la musique. Il y a des fleurs partout dehors et c’est tellement calme, je peux composer puis faire un tour au milieu des arbres. Mais je ne pense pas qu’il y ait d’endroit « parfait » pour ça, c’est plutôt un état d’esprit dans lequel il faut être.

 

Tu as produit des musiques pour Sam Smith, et a même remporté un Grammy Award pour ça. Avec quel autre artiste tu aimerais collaborer ?

Il y a beaucoup d’artistes émergents avec qui j’aimerais collaborer. J’adore Jessica Pratt, Nilüfer Yanya… Je pense que mon prochain album sera beaucoup plus collaboratif. Je sens que c’est le bon moment pour amener d’autres voix sur mes projets et voir comment ça changera ma musique, parce que je n’ai jamais vraiment essayé ça sur mes précédents albums.

 

 

Tu as aussi travaillé avec une Française, Redcar (anciennement Christine and the Queens). Tu écoutes des artistes français ?

J’écoute beaucoup Serge Gainsbourg, je suis tombé sur son album de reggae l’autre jour, il est super ! Sinon j’aime beaucoup la pop, mais j’avoue que je n’écoute pas assez d’artistes français, j’ai besoin de recommandations.

 

Dans ta musique, il n’y a pas toujours de paroles. Comment fais-tu passer des émotions uniquement à travers le son ?

Je pense que les gens ressentent les mélodies et j’aime assez cette idée d’entre deux : y a-t-il des paroles ? Que veulent-elles dire ? En quelle langue sont-elles ? Beaucoup de nationalités différentes écoutent ma musique et je pense que c’est parce qu’elle n’a pas de langue spécifique. On peut y entendre ce qu’on veut.

 

Tu es dans l’industrie depuis vingt ans, que voudrais-tu accomplir maintenant ?

Dix albums ! Je veux continuer à faire de la musique. Je me fiche un peu de devenir extrêmement célèbre, et c’est peut-être pour ça que je ne le suis pas (rires). Tout ce qui m’importe, c’est de ne jamais perdre ma passion pour la musique, me sentir toujours aussi inspiré et continuer à écrire des albums. Mais je ne veux surtout pas me répéter, je déteste quand les artistes restent dans leur zone de confort.

 

Si tu pouvais passer un message à ton public, que serait-ce ?

Merci beaucoup d’écouter ma musique, je sais que ça a l’air bateau dit comme ça, mais c’est très important de le rappeler. Parfois, des fans viennent me voir pour me dire qu’ils ont écouté mes chansons à un moment important de leur vie et que ça les a beaucoup aidé. Savoir que ma musique a le pouvoir de faire ça, ça n’a pas de prix.

 

Memory Morning est disponible via Monday Records.

 

Texte Lucile Gamard