On a voulu en savoir plus sur le rappeur italien numéro 1, Sfera Ebbasta, considéré comme le précurseur de la trap italienne et déjà disque de platine. Ses influences, son parcours et surtout sa méthode pour placer les 11 titres de son album aux 11 premières positions du top Spotify Italie, vous saurez tout sur Sfera Ebbasta, rockstar d’un nouveau genre.

Ravi d’être à Paris ? Je sais que tu la considères comme ta deuxième maison.

Oui, c’est toujours un plaisir d’être ici. Je commence à y connaître du monde.

Premièrement, peux-tu nous expliquer rapidement par quelles études et par quels jobs tu es passé avant de faire de la musique à plein temps.

Je n’ai étudié que trois mois en école supérieure, dans une formation de chef cuisinier. Puis j’ai quitté l’école et j’ai trouvé un job de livreur de pizzas. Je travaillais trois heures par jour, pour 12 euros qu’on me donnait chaque soir, et chaque soir je dépensais 2 euros dans des cigarettes, et 10 euros dans du hasch. Et donc chaque soir, je rentrais les poches vides. Si j’avais de la chance, je rentrais avec encore deux cigarettes en poche, pour la journée du lendemain.

Sfera Ebbasta

« Mon objectif à moyen terme, c’est de rapper en anglais »

Tu as commencé la musique à 13 ans mais tu ne t’illustres que depuis deux ans.

Oui, j’ai commencé à être populaire il y a deux ans, mais ça ne fait qu’un an que je suis réellement célèbre.

J’imagine que durant toutes ces années d’anonymat, le doute s’est emparé de toi.

Je cherchais mon identité musicale. J’ai essayé beaucoup de choses différentes pendant toutes ces années, jusqu’à me lancer dans la trap, un style dans lequel je suis reconnu et j’espère exceller désormais.

As-tu envisagé de rapper en anglais durant cette période de doute et de recherche ?

Bien sûr, et j’y pense toujours. Mais je ne maîtrise pas assez la langue pour dire ou faire ce que je souhaite. Il aurait fallu que je passe une année en immersion dans un pays anglophone pour arriver à ce niveau de maîtrise.

Tu n’as jamais voyagé ?

J’ai voyagé, mais certainement pas assez, et à l’heure actuelle je ne peux plus me permettre de m’enfuir une année entière. J’ai trop de choses à faire, ce serait compliqué de gérer ma carrière. Mais c’est un objectif à moyen terme, m’exiler une année ou deux pour apprendre et commencer à rapper en anglais.

Quelles sont tes influences justement ?

J’ai commencé à écouter du rap avec Eminem, Lil Wayne, French Montana. Puis j’ai vu 50 Cent en concert avant de m’éprendre du projet de Rick Ross dont je suis devenu un fan absolu, notamment après qu’il ait sorti B.M.F. Ça sentait déjà la trap music à l’époque.

On comprend mieux ton envie de rapper en anglais ! Mais qu’en est-il du rap italien, tu avais des modèles avant d’en devenir un toi-même ?

Évidemment. J’ai beaucoup écouté Fabri Fibra. Le Club Dogo (Guè Pequeño, Don Joe et Jake La Furia) également, avant que Marracash, entre autres, ne les rejoigne et qu’ils deviennent le Dogo Gang. Fabri Fibra, le Club Dogo et Marracash sont pour moi les représentants légitimes du rap italien.

Il y avait beaucoup de rappeurs en Italie à l’époque ?

Non, ces trois-là étaient vraiment les principaux pour ne pas dire les seuls. Qu’on s’entende bien, ils étaient les seuls du mouvement, mouvement qui lui-même était très underground, pour ne pas dire absent de l’industrie musicale traditionnelle italienne. Je crois que Fabri Fibra a quand même un peu fait son trou, vous le connaissiez en France.

Exactement. Et aujourd’hui, elle ressemble à quoi la scène rap ?

Je suis le numéro 1, tu vois ? De toute l’industrie musicale en général, je suis le premier actuellement. En d’autres termes, les choses ont beaucoup changé. Et forcément, tout un tas de rappeurs ont émergé pour essayer de prendre ma place, ou en tout cas, ils essaient. Qu’il retournent « manger des spaghettis », c’est notre expression en Italie pour dire que quelqu’un doit encore travailler avant de réussir.

Tu n’as pas fait ça tout seul puisque tu entretiens une relation quasi-exclusive avec le producteur Charlie Charles. Raconte nous un peu cette véritable bromance.

Il m’a contacté sur MySpace quand j’avais 15 ans, m’expliquant qu’il aimait beaucoup ce que je faisais et qu’il voulait que nous fassions quelque chose ensemble. Dans un premier temps, je lui ai dit non. J’avais travaillé avec un paquet de producteurs, sans réels résultats et quand il m’a approché, je me suis simplement dit « F*ck, encore un autre ». Quelque deux mois plus tard, il m’a envoyé un beat que j’ai beaucoup apprécié, et on a décidé d’aller voir un concert ensemble. Il se trouve que le show était sold-out. On a donc changé nos plans et on a fini dans un fast-food à parler pendant des heures – il nous aura suffi d’une journée pour devenir de vrais amis. Après ça, on s’est vus tous les jours en studio.

Sfera Ebbasta

« Avec Charlie, on peut prévoir si un album sera triple disque de platine, ou seulement disque d’or »

Aurais-tu pu avoir une telle relation avec un autre producteur, ou considères-tu cette rencontre comme une vraie providence ?

En règle générale, je travaille assez bien avec n’importe quel producteur. Avec Charlie, c’est différent – comme si nous étions la même personne. C’est mon frère d’une autre mère. Nous avons souvent des débats houleux à propos du moindre petit détail, mais sans rancœur. Nous savons que c’est une manière pour nous d’atteindre la perfection, notre seul objectif étant de faire des tubes.

Parle nous un peu du processus d’écriture. C’est quelque chose que tu fais seul ? Est-ce que Charlie « a son mot à dire » sur les textes ?

Oui, j’écris toujours seul. Il est plutôt là pour la mélodie, qui concerne aussi le texte forcément – il est surtout là pour m’aider à accoler mes textes à ses productions, en me conseillant parfois de chanter tel couplet plus grave, ou tel refrain plus aigu.

Es-tu d’ailleurs un musicien, à proprement parler ?

Non. Je sais créer des beats, trouver des mélodies et des idées. Mais pour le moment, c’est toujours Charlie qui les concrétise et les amène à la version finale. Pour Tran Tran, j’avais construit le beat et toutes les paroles – couplet, pont, refrain. Le morceau était terminé à mon sens, mais il a changé toute la partie rythmique – je veux dire qu’il n’a pas gardé un seul élément rythmique que j’avais composé ! Le morceau en est quand même devenu bien meilleur.

« Si tu prends mes albums un à un, le ton, les sonorités, les textes changent. Et je suis certain que mon prochain album sera différent de celui qui vient de sortir »

Sfera Ebbasta

Tu as dit quelque chose de très révélateur – « notre seul objectif est de faire des tubes ». Est-ce que tu écris en fonction du public, en pensant surtout aux retours que tu auras, ou écris-tu exclusivement pour toi ?

J’écris pour moi seul. Mais j’ai comme un sixième sens, je peux dire avant de le sortir si un morceau va faire un carton ou pas. Charlie est pareil. On peut prévoir si un album sera triple disque de platine, ou seulement disque d’or. J’aime cette formule – « je ne sais pas pourquoi nous savons, mais nous savons »

T’arrive-t-il d’être prudent concernant tes paroles ?

Pas vraiment. Mais quand quelque chose que j’ai écrit ne me plaît pas, je ne réfléchis pas à deux fois avant de le jeter. C’est très souvent une question de feeling.

Quelle part de fiction trouve-t’on dans tes textes ?

C’est plus complexe que cela. Quand j’ai débuté, je parlais de la rue, de Ciny (son quartier d’origine, et le titre de son morceau le plus apprécié, ndlr) et les gens se retrouvaient dans mes paroles, c’était le début de mon succès. Puis j’ai grandi, j’ai créé mon personnage de Sfera Ebbasta et je suis devenu très populaire. Je suis littéralement une rockstar en Italie, c’est donc tout à fait normal que mes textes et mon propos aient changé. Si tu prends mes albums un à un, le ton, les sonorités, les textes changent. Et je suis certain que mon prochain album sera différent de celui qui vient de sortir. Ma vie et ma musique ont toujours été étroitement liées.

T’attendais-tu à ce « game over » comme tu l’appelles, c’est-à-dire avoir placé les 11 morceaux de l’album aux 11 premières positions du top Spotify Italie ?

Je sais qui je suis et ce que je fais ! Je sais également ce dont je suis capable. Premièrement, c’est toujours une surprise de sortir un album, ça veut dire que tu es allé au bout du projet… Avec celui-ci, on savait aussi qu’on casserait tout. Mais de là à penser qu’on allait faire ce que personne d’autre n’a fait avant nous, c’est dingue. L’album est déjà double disque de platine, en un mois ! Si j’avais été un artiste pop, ça aurait été fou de faire ça. Mais je suis un rappeur, alors je crois qu’on dirait plutôt que c’est… insensé.

Tu as publié deux versions de ton album, une version italienne et une version internationale. Explique nous tout ça.

C’est très simple, sur la version internationale, on trouve des featurings avec Quavo, Tinie Tempah, Miami Yacine, Rich the Kid ou encore Lary Over qui n’apparaissent pas sur la version italienne. Mis à part pour Quavo, qui devait rester aux USA pour les Grammy’s, et Lary Over avec qui nous avons enregistré par studios interposés, tous les featurings ont été enregistré dans le même studio.

C’est d’ailleurs un featuring avec SCH (Cartine Cartier sur son album Anarchie, ndlr) qui t’a permis de traverser les frontières italiennes. Crois-tu qu’un jour, tu pourrais être le SCH d’un Sfera Ebbasta ?

Je pense sans prétention que je peux déjà aider un autre artiste. Il y a un tas de rappeurs qui sont intéressés et me sollicitent pour un featuring, même en Europe ! Faire un featuring avec moi aujourd’hui – en Italie j’entends, c’est comme gagner à la loterie. Mais je n’ai rien à donner pour l’instant.

Crois-tu que ton succès fulgurant puisse ouvrir au rap italien une porte sur le monde ?

Je suis la clé ! Comme partout dans le monde – je crois, le rap est le style préféré et le plus écouté des Italiens actuellement. Ça n’était certainement pas le cas il y a deux ans, c’est bien plus récent qu’en France.

Chez Modzik, on s’intéresse à la mode. Ma question n’est pas de savoir si tu aimes la mode, ton accoutrement parle de lui-même. Raconte nous plutôt d’où vient ton intérêt pour elle.

Je suis issu de la classe populaire italienne. De ce fait, il était hors de question pour moi d’acheter des vêtements de marque, ou des pièces de haute-couture. J’ai cependant toujours fait en sorte d’être bien habillé, tout en ne shoppant que dans les enseignes de fast-fashion. Je préférais acheter 7 paires de chaussures à 100 euros plutôt qu’une paire à 70 pour te donner une idée. Maintenant que j’ai tout ce qu’il me faut pour acheter ce qui me plaît, je peux développer mon style. J’irais peut-être faire un tour à la Fashion Week si j’ai le temps (dont acte, ndlr).


On fait gagner 20 (!!!) exemplaires CD de Rockstar, le dernier album de Sfera Ebbasta. Pour ça, rien de plus simple, envoie tes nom et prénom à jeu@modzik.com avant le 10 avril à midi. Buona Fortuna !