Samedi soir se tenait l’énième représentation d’un collectif qui petit à petit joue des coudes et se fraie un chemin dans le cercle très fermé des collectifs parisiens à succès, la Swarm Factory. Le groupe investissait La Machine du Moulin Rouge pour le second opus de leurs événements Undoing Time, qui cette fois était centré sur le live. L’un des live nous a particulièrement interpellé.
Ce live, c’est un OMNI qui l’a présenté. Comprendre Objet Musical Non Identifié.
Il est 2h35 lorsque Birth of Frequency apporte la note finale à son nouveau live qu’il était venu présenter en exclusivité ce soir là, preuve que la Swarm Factory, au fil des événements, a su se mettre en danger en programmant des shows exclusifs et inédits, à l’image du live suivant. Birth of Frequency termine donc son live devant un parterre de spectateurs qui aura certes mis du temps à se réunir mais qui remplit la piste lorsque dans la pénombre, les régisseurs s’activent. On distingue la masse d’un piano à queue et d’un tabouret à l’assise de velours. Rien n’aurait pu autant nous intriguer qu’un piano dans une soirée techno, c’est pourtant bien un Yamaha qui trône désormais sur la scène. Un homme aux cheveux longs et à la redingote noire s’avance, prend place face à l’instrument. Le silence est religieux.
Sa main droite entre alors dans une transe digne des gigues les plus endiablées, elle ne quittera d’ailleurs plus les touches du piano, virevoltant sans cesse entre les touches blanches et noires. Les cheveux longs du musicien, j’insiste sur le terme musicien, dissimulent un visage crispé et habité d’une concentration extrême qui résulte d’un double jeu : tandis que la main droite plaque les accords de manière parfaite, la main gauche survole les drums machines placées à la gauche du piano. TR-808 et TB-303 répondent au piano dans une grandiloquence qui n’a rien à envier aux plus gros live techno du circuit actuel.
Le live entamé depuis quelques minutes maintenant, je ne peux m’empêcher de penser à la redondance d’une installation certes innovante, mais qui risque vite de tomber dans les travers d’une surprise éphémère. C’est alors que l’homme qu’on nomme Fabrizio Rat, surnommé La Machina, donne l’impression d’avoir lu dans mes pensées. D’un geste infime des genoux, l’OMNI se redresse et se met à pincer les cordes de son piano. Nous assistons là à la performance d’un virtuose, qui connait autant son piano que ses machines, et qui vit la musique comme peu le font encore aujourd’hui. La salle est littéralement subjuguée par la prestation du pianiste italien, dont la main droite n’a toujours pas quitté le clavier lorsque la dernière cymbale achève de faire imploser la piste.
L’homme quitte la scène, la tête baissée, les mains tremblantes. Le contraste entre la maîtrise de La Machina et la posture presque timide de l’homme hors scène est saisissant.
Mention spéciale au néerlandais Jeroen Search qui nous a gratifié dans la foulée d’un live mathématique et introspectif à souhait, pas évident de passer derrière un génie comme Fabrizio Rat.