Outre les grandes majors compagnies, ils sont peu les labels indépendants qui perdurent mais ils sont bien là : outre ses fameuses compilations Costes connues de tous, le label Pschent a su développer à travers le temps un catalogue pointu et éclectique et avec sa compilation Decade il nous offre un panorama de ses 10 dernières années d’activisme musical.

Voici la playlist correspondant :

L’interview du label :

Le label a surtout démarré avec les fameuses compilations de lieux comme HOTEL COSTES, à quel moment une direction plus artistique est-elle apparue au sein du label ?

La direction artistique a toujours été primordiale chez Pschent: ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Karl Lagerfeld ou Madonna ont été les premiers fans du label, et si beaucoup de marques de luxe, comme Chopard pour le Festival de Cannes ont collaboré avec. De la musique bien évidemment, jusqu’au choix des visuels ou des packaging rien n’a été laissé au hasard. Pierre et Gilles ont fait une pochette et Jacques Garcia un coffret par exemple. Il y a toujours eu ce sens du détail qui fait la différence et plait dans le monde entier.

Quels sont les premiers artistes signés et les premiers albums sortis sur le label ?

Les premières années de Pschent à la fin des années 1990, c’est surtout la période french touch des 90s, avec des maxis vinyles plutôt house comme Listen de Raff’N’Freddy ou No Communication No Love de Charles Schillings, puis le succès mondial des compilations Hotel Costes qui ont révélé des artistes comme Angus & Julia Stone, Gotan Project, Pink Martini, Parov Stelar… ou des titres devenus classiques comme l’Amour de Rouge Rouge. Le titre de Mr. Scruff sorti sur Hotel Costes 2 début 1999 est vraiment emblématiques de cette époque.

A travers le temps, la ligne directrice artistique du label a-t-elle évolué ?

Pschent a déjà eu deux vies et est au début de sa 3ème:
La première vient d’être évoquée ci-dessus et la seconde, qui fait ici l’objet de cette retrospective Decade, c’est la période que j’appelle “indie” avec Yan Wagner, Scratch Massive, Tristesse Contemporaine, Discodeine, Slove, Nasser, Ghost of Christmas… et des collaborations avec Arnaud Rebotini, Chloé, Jarvis Cocker de Pulp, Kevin Parker de Tame Impala, Dombrance, The Hacker, Etienne Daho…
La 3e qui a commence (en parallèle des deux premières qui continuent), est axée sur la distribution digitale (c’est à dire sortir des projets sur toutes les plateformes de streaming, et assurer la promotion des sorties en playlists, faire du marketing digital…) et l’accompagnement d’artistes sur mesure car le monde de la musique a changé et Pschent est désormais rattaché à Alter K (plus connu pour son travail avec French 79, Kid Francescoli, Vaudou Game, Black Devil Disco Club, Mohamed Lamouri, Ammar 808, Les Gordon, Delgres ou Blow).

Après 10 ans d’activité et alors que la manière de consommer de la musique du public a radicalement changé, quel constat faites vous de cette décennie écoulée ?

Pour Pschent la décennie écoulée a été une période de transition excitante avec des sorties très importantes. A posteriori on se rend compte que les compilations de genre comme Hotel Costes ont préfiguré les playlists de streaming, voire certaines programmations musicales comme celles de FIP ou NOVA, dont nous sommes proche en terme d’esthétique, et qui sont très éclectiques (on partage par exemple un gout pour Grace Jones, Nicolas Jaar, Osunlade, I:Cube, Benny Sings…). C’est d’ailleurs pour ça que cette série est encore extrêmement forte en streaming dans le monde entier. Pschent a très tôt senti l’evolution du marché et a dès le milieu des années 2000 ouvert des comptes en direct auprès des plateformes comme Apple, Deezer, Spotify… afin de pouvoir défendre en interne son propre catalogue sans passer par des intermédiaires. C’était vraiment une posture avant gardiste de se projeter complètement dans le digital tout en fabriquant encore des objets magnifiques, alors que l’industrie essayait surtout de réduire les couts en fabriquant des boitiers cd en plastique. Pschent a toujours aimé être novateur, et force est de reconnaitre que sur ce coup ca a vraiment été visionnaire. C’était émouvant de revoir les images du défilé Chanel de 2012 au Grand Palais avec Tristesse Contemporaine en bande son, au moment des obsèques de Karl Lagerfeld, mais en même temps ca faisait plaisir de se dire que le groupe est toujours là et que ce premier album est encore écouté dans le monde entier. Idem, quand le célebre Youtubeur américain Casey Neistat nous appelle en 2017 pour synchroniser Carte Postale de SLOVE qui est un ovni de 2011 et que sa video fait dix millions de vues en une semaine et relance la vie du titre (même David Beckham l’a voulu pour sa marque de whisky après), voire du groupe qui décide de plancher sur un second album… Récemment Decathlon a pris le single Changed de Yan Wagner de 2012 pour illustrer sa nouvelle campagne… C’est vraiment fascinant de se dire que ce travail n’a pas été fait pour rien à l’époque et qu’il a encore de la valeur aujourd’hui et peut-être demain.

Quels sont les derniers artistes signés sur le label et leur actualité ?

Après les trois dernières grosses sorties des albums de Slove, Onelight et de Nasser et les superbes EP de Tatum Rush ou Ghost of Christmas (qui sont les protégés de Laurent Garnier), et des remixes de celui qu’on surnomme “le Django Reinhardt du Mali” Kandiafa (par St Germain ou Mawimbi par exemple)… qui sont tous des artistes signés sur le label, Pschent a concentré ses efforts sur la distribution digitale comme par exemple avec la star montante de l’electro made in France, CloZee. C’est une jeune toulousaine extrêmement douée qui a déjà plus de 350 live à son actif, plusieurs tournées américaines complètes (dont plusieurs fois Coachella)… c’est la 3e artiste française qui tourne le plus à l’étranger. Comme dit Jean-Michel Jarre à son sujet “elle
mêle electro avec musiques du monde, elle décale et pirate des racines et en fait une fusion très réussie”.
Avec Pschent intégré à Alter K on a une équipe d’une quinzaine de personnes capable de répondre aux besoin des artistes. Au delà de la distribution digital, on fait un travail de développement qui passe par de la promo classique, marketing, production ou licence, structuration de projets, création de contenus, éditions et évidemment synchro… Pschent distribue également Jeune à Jamais qui un jeune label electro et rap parisien qui monte. L’ADN de certains artistes comme Nodey, Pehoz ou le Dom (dont Aphex Twin joue certains titres sur son nouveau live) est très proche de la direction artistique que Pschent a développé ces 20 dernières années.

Quel futur pour Pschent et les labels indépendants en général dans un marché encore en plein bouleversement ?

Pschent va continuer à développer le catalogue et ses artistes signés en label, tout en accélérant la distribution digitale. L’idée est de continuer à maintenir cette exigence artistique, tout renforçant nos liens avec les plateformes, mais aussi en créant des nouvelles opportunités avec des Youtubeurs ou encore des playlists comme celle de Daphne Mode & the City sur laquelle on retrouve Yuksek, Praa, HAUTE, Parcels, Toukan Toukan… Nous avons recruté afin d’avoir une équipe complète dédiée à la distribution digitale et sommes actuellement en train de signer de nouveaux artistes et catalogues afin d’envisager sereinement les dix prochaines années 🙂