Tamino, de son vrai Tamino-Amir Moharam Fouad, est le petit-fils de l’acteur et musicien égyptien Moharam Fouad. Découvert avec l’ensorcelant single « Habibi », un titre impressionnant nimbé d’un brouillard de mélancolie et de mystère. Ce qui interpelle tout d’abord c’est la voix de Tamino, allant d’un chant profond à un falsetto envoûtant qui vous enveloppe dès le départ. Tout droit venu de Belgique, cet artiste mêle avec brio la tradition des plus grands auteurs-compositeurs-interprètes et ses propres racines arabes dans son premier album sobrement intitulé Amir. Le tout avec une prestance racée et un regard de braise que n’a pas manqué d’immortaliser notre photographe lors de notre session mode.

Photographe : Pascale Arnaud
Styliste : Diamante KA
Production : Amandine Weppe & Jeanne Hancock
Digital content & Polaroïds : Eugénie Chevalier
Hair Stylist : Nelson
Make Up Artist : Anne Esthère

Remerciements : Le Studio Moderne 10 Rue Nicolas Appert 75011 Paris

Chemise Kenzo

Tu as une formation classique au départ ?

Pour moi, c’est une bénédiction d’avoir reçu une formation classique au départ mais je suis aussi chanceux d’avoir su arrêter au bon moment pour suivre ma propre voie avec la guitare. Je suppose que c’est plus difficile si l’on poursuit une formation classique et que l’on est soudain coinçé dans des schémas musicaux trop rigides. On peut dire que j’ai la chance de connaître les deux. 

Tu as trouvé ton style musical dès tes débuts ?

J’ai fait partie de groupes et collaboré à pas mal de projets avant de me lancer en solo. Trouver ma propre voix artistique m’est vraiment venu par vagues mais je suppose que ça changera toujours un peu avec chaque album bien sûr. 

Comment as-tu découvert que tu avais une voix particulière ?

Ca n’a jamais été une découverte en fait. J’ai toujours chanté et j’ai toujours aimé chanter, que ce soit du John Lennon ou de la musique arabe. Pour moi, ce n’est pas ma voix qui est spéciale, c’est la musique, ça a toujours été la musique. Ma voix n’est finalement qu’un vaisseau. La seule chose que je sais c’est que j’ai toujours voulu être un musicien, il n’y avait pas d’autre option pour moi. Je suis né comme ça et pour cela. C’est la raison pour laquelle j’ai appelé mon album Amir, un prince qui n’a pas choisi d’être un prince, comme moi je n’ai pas choisi d’être un musicien. 

C’est un disque très intime même dans sa conception n’est-ce pas ?

Tout à fait et j’ai joué la plupart des instruments moi-même. Cependant je voulais y ajouter des arrangements orchestraux : c’était assez incroyable de voir tous ces musiciens de talents venir jouer les arrangements que j’avais écrits après avoir été seul en studio avec mes producteurs. Cela un album à la fois emphatique par moment et plus intimiste à d’autres, avec beaucoup de relief mais en tout cas il est très personnel c’est sûr. 

Amir est ton premier album, comment as-tu conçu ce disque ?

En fait en commençant je ne savais pas où j’allais. C’est devenu plus clair en cours d’enregistrement. Il ya deux ans j’ai enregistré mon premier EP qui mais n’est sorti qu’au Benelux et je pense à l’album depuis lors mais il a fallu me construire tout en créant aussi l’envie du public. Je ne voulais pas sortir un premier disque que les gens n’étaient pas prêts à écouter. Ce qui est bien c’est que j’ai le sentiment de n’avoir fait aucun compromis dans l’enregistrement de cet album, ce qui ne veut pas dire que nous pas fait des changements, mais pas de compromis. 

D’où te vient l’inspiration ?

Au départ je me suis tourné vers le passé, vers les orchestrations arabes des années 50-60 : cette façon si particulière qu’avait gun orchestre pour accompagner un chanteur seul. Il y a aussi des influences électroniques ainsi que hip hop : ces éléments apparaissent dans l’album mais de manière subtile. Au final même s’il y a beaucoup d’influences elles ne sont jamais évidentes, les sons et rythmes ne sont pas ceux que l’on peut entendre sur les productions actuelles, on a cherché à aller plus loin que l’évidence. Coté composition, c’est moi seul au piano ou à la guitare, de préférence la nuit, qui est propice pour moi aux idées nouvelles, sans être distrait parce ce qui m’entoure. J’ai besoin de me mettre dans une humeur particulière, ce qui est plus facile à la nuit tombée. La nuit c’est juste la musique et moi. J’écris beaucoup, enfin sauf quand je suis en train de faire de la promo (rires!). Je dois avoir écris plus d’une centaine de chansons jusqu’à aujourd’hui. Et j’ai hâte de m’y remettre. On avait un vingtaine de chansons au départ, puis le nombre s’est réduit à quatorze pour terminer avec douze au final. Cet album c’est un peu une collection de ‘premières fois’, à divers niveaux et dans divers domaines. Les chansons qui figurent sur l’album ont été écrites entre 18 et 21 ans et il y est question d’amour, de carrière, de changer de ville, de rencontres de nouvelles personnes, de recherche d’identité. Pour moi il s’agit d’un disque romantique, car il est question de rester curieux de nouvelles expériences.    

Tu travailles avec les mêmes producteurs depuis le départ ?

Pas avec ceux du premier EP mais ceux du second EP et de l’album qui font tous deux parties des mêmes sessions d’enregistrement. L’album a été enregistré entre Courtrai et la Hollande avec mes producteurs PJ Maertens and Jo Francken. Ils sont aussi fantastiques au niveau du mixage, ce qui est un aspect très important pour ma musique. 

Cela représente beaucoup de temps passé en studio ?

Certains jours, il nous est arrivé de travailler près de 14 heures sur l’album. Mais chaque petite minute a compté. Je suis très heureux qu’il y ait eu un peu de temps entre les sessions d’enregistrement, car cela nous a laissé le temps de regarder notre travail sous une nouvelle perspective.

Pourquoi avoir publié tout d’abord le morceau « Habibi » avec ton premier EP ?

Tout simplement parce que c’était le premier morceau qui a été vraiment terminé (rires!) mais aussi parce que je trouvais que c’était une bonne chanson d’introduction pour ma musique. C’est aussi pour cela que c’est le premier titre de l’album. Sur le premier EP on l’a accompagné de « Indigo Night et « Cigar » qui étaient les titres les plus anciens que j’ai composé. Et pour terminer « Sun May Shine » était aussi une sorte d’introduction mais cette fois vers quelque chose de plus nouveau et peut-être aussi plus lumineux dans ma musique.

Parmi les guests du disque il y a notamment un invité de marque si je ne m’abuse?

Oui Colin Greenwood de Radiohead est venu ajouter son jeu de basse et sa magie sur le titre « Indigo Night », la version qui est sur l’album aujourd’hui. Colin et moi avons des amis en commun et nous nous sommes croisés par hasard. Il est finalement venu me voir lors d’un concert que je donnais à Anvers et dès les premiers échanges j’ai senti qu’on étaient sur la même longueur d’onde. 

Tes chansons sont très intimistes : comment cela se passe sur scène avec le public ?

Pour commencer je joue toujours mes chansons sur scène et si je vois que je ne sens pas l’aise sur une chanson alors je préfère ne pas la publier. Ce que je veux ressentir quand je chante un morceau sur scène c’est que le public ressente lui aussi quelque chose de personnel : c’est comme un effet miroir en quelque sorte : je ne suis pas si différent des autres et ils ne sont pas si différents de moi. J’ai grandit en traversant la même chose que la plupart des gens. Il ne s’agit pas de moi, et c’est pourquoi il n’y a rien d’effrayant à la aller chanter sur scène, c’est une expérience partagée avec le public. Et à l’exception d’un titre, j’ai joué tous les morceaux sur scène avant de les inclure dans l’album. 

Il semble qu’il est beaucoup d’équilibre te concernant : entre tes origines entre orient et occident, la musique entre le rock indépendant et la musique égyptienne, la musique organique et électronique… 

Absolument !

Cet équilibre, est-il toujours facile à trouver ou te questionnes-tu beaucoup ?

Bien sûr que je me questionne beaucoup sur ces sujets, mais au niveau des chansons, je ne force jamais les choses et je laisse les choses venir à moi. Je n’ai jamais forcé la présence de mes racines égyptiennes, elles se sont imposées à moi de manière naturelle sur des chansons comme « Tummy », « Cigar » ou « Chambers ». En terme de production, d’arrangement et de mixage, je me suis posé beaucoup de questions : fallait-il aller plus dans telle ou telle direction. Parfois avec mes producteurs on est allés trop loin et on a dû revenir en arrière vers des choses plus acoustiques. J’aime les choses contrastées, les conflits sonores qui peuvent apporter un certain relief. Je veux réaliser de la musique qu’on aime ou qu’on déteste, mais qui ne laisse pas indifférent. Je veux toucher des gens qui sont capables de s’abandonner à la musique. Pour moi, le plus bel art, c’est l’art qui te touche sans que tu le comprennes forcément.  

Col roulé Acne – Veste TakahiromiyashitaTheSoloist – Boucle d’oreille personnelle