S.Pri Noir, l’un des rappeurs les plus en vue du moment, vient de publier son premier album, Masque Blanc. Ambassadeur adidas depuis l’année dernière, l’artiste reste néanmoins maître de sa musique, en atteste ce premier disque tantôt ambianceur, tantôt incisif. L’occasion de se replonger dans son interview parue dans le numéro 54 de MODZIK.

S.Pri Noir Modzik
Chemise, veste et pantalon OFF-WHITE c/o VIRGIL ABLOH Baskets montantes ADIDAS ORIGINALS ATRIC

Modzik : Tu prévois de sortir un album dans peu de temps. Rien n’a encore fuité, que ce soit le titre, la tracklist ou le casting. Tu peux nous en dire plus ?

S.Pri Noir : Non, le projet est encore très secret. La promotion viendra en temps voulu.

On peut déjà miser sur « Skywalker » et « Highlander », mais aussi sur le plus récent « Baby Gyal ». Qu’est-ce que tu réponds aux nombreux fans qui prétendent que ce dernier morceau ne te ressemble pas ?

Ces trois titres figureront sur l’album, oui. Ceux qui considèrent que ça ne me ressemble pas ne me connaissent pas assez – je ne dis pas ça péjorativement. Je suis éclectique depuis mes débuts, avec des morceaux purement rap et d’autres avec plus de musicalité. Tu peux kiffer mon rap mais aussi prendre ton pied sur «Baby Gyal » qui est plutôt dance-hall – je pense à un public plus féminin par exemple. Se cantonner à un seul genre c’est le risque de vite tomber dans une impasse. Ce n’est en rien un calcul. J’aime les deux pans de ma musicalité, le côté incisif et l’autre plus mélodique. J’y prends autant de plaisir en fait. Je me fie beaucoup à mon ressenti.

Raconte nous la genèse du morceau pour qu’on comprenne mieux ton processus créatif.

Je reçois l’instru, qui me plaît, et je me lance en yaourt par dessus. Le yaourt, je le laisse de côté au studio et un jour je le publie sur Snapchat avec les « rompompompom » et à partir de là, je n’ai que des retours positifs. D’où le non-sens des commentaires Youtube quand tu sais qu’en plus c’est le morceau qui aura fait le meilleur démarrage de ma carrière. Chez les auditeurs, il y a une partie immergée de l’iceberg qu’on oublie souvent de prendre en compte.

S.Pri Noir Modzik
Fourrure BILLIONAIRE COUTURE Chemise et pantalon LOUIS VUITTON Chaussettes et bandeau GUCCI Baskets ADIDAS ORIGINALS EQT

Les gens ont plus facilement tendance à critiquer négativement que l’inverse. Tu es beaucoup à l’écoute de ton public finalement ?

Le public proche oui, celui qui me suit sur Snapchat par exemple, ceux qui me suivent dans l’intimité que je veux bien leur laisser. J’étais anti-Snapchat avant, n’étant pas assez extraverti. Mais maintenant j’ai trouvé ma manière bien à moi d’interagir avec ce média social.

Est-ce que ces réseaux directs te font peur ? Un dérapage est si vite arrivé. Je pense par exemple aux footballeurs Serge Aurier et Layvin Kurzawa qui ont eu des mots déplacés envers leur entraîneur.

Non, à partir du moment où tu acceptes d’être quelqu’un de public, tu dois en assumer les conséquences. Je reviens sur les critiques : tu peux ne pas être d’accord mais tu dois accepter qu’on puisse te juger. C’est le jeu, je dirais. Et puis il y a la barrière du réseau, c’est plus facile d’être dur par écrans interposés.

Tu reçois des insultes ?

Non. Je crois que ma grande taille y est pour quelque chose, les gens ont peut-être peur ! Plus sérieusement les critiques, même négatives, sont toujours bienveillantes.

Ça tombe bien, puisque t’as l’air bien dans tes baskets, on va aborder le thème du numéro : la masculinité. Qu’est-ce que ça t’inspire ? Parle-nous de ton rapport à elle dans ta jeunesse, jusqu’à maintenant.

Je trouve que le débat s’ouvre et c’est une bonne chose car, être masculin, c’est peut-être aussi s’affirmer en étant différent. Sur le plan personnel, je ne me pose pas toutes ces questions. Je suis un jeune homme noir qui vient des quartiers et je m’affirme en tant que tel : je suis à l’aise avec mon image et ce qu’elle renvoie. Par exemple, j’aime beaucoup les sapes, j’aime cultiver mon style et je vais même jusqu’à bien ranger mon dressing et mes nombreuses paires de chaussures, mais je ne pense pas mettre en avant une quelconque part de féminité en disant cela.

Néanmoins les genres tendent à se brouiller, du moins c’est ce qu’on aimerait. Tu utilises le mot « bitch » dans ton morceau « Millions ». Certains trouvent ça réducteur pour la femme, tu en dis quoi ?

Tu viens de le dire. Je ne m’adresse pas à une femme en particulier, c’est une sorte d’interjection, comme si je disais : « lui, c’est une salope».

S.Pri Noir Modzik
Costume et manteau Y/PROJECT Gants KENZO

Tu as tendance à écouter beaucoup de son ou tu préfères plutôt te sauvegarder ?

Oui, j’écoute beaucoup de son, notamment du rap pour me tenir au courant des tendances. De manière générale, j’aime bien écouter d’autres styles, ça me permet de sortir des morceaux comme « Baby Gyal», ça me nourrit.

Tu es actuellement en tournée avec Sneazzy, le S&S Tour. C’est important pour toi ?

On se connaît depuis longtemps, bien avant que les projecteurs soient sur nous. On a fait beaucoup de morceaux ensemble et l’idée est venue de faire une tournée de showcases, une idée que j’ai rapidement voulu faire évoluer en véritable tournée. On a commencé par une Cigale complète en octobre à Paris, ça promet pour la suite de la tournée en mars 2018.

S.Pri Noir Sneazzy Modzik
S.Pri Noir : Fourrure BILLIONAIRE COUTURE Chemise LOUIS VUITTON Bandeau GUCCI Gants KENZO – Sneazzy : Pull, pantalon et duffle coat FENDI

Et puis t’as une tournée prévue pour ton album. Comment s’appelle l’album déjà ?

Bien essayé. Je suis bien trop focus pour me faire avoir.

T’es confiant par rapport à cet album ? Il n’a pas l’air tout à fait finalisé…

Il manque deux trois trucs à peaufiner. Je ne dis jamais ce genre de choses. Même aux gens les plus proches de moi, je n’ai jamais dit « Ce morceau est vraiment trop lourd, on va tout péter ! ». Au maximum je peux te dire que je le sens bien.

S Pri Noir Masque Blanc

Pour mettre tout le monde d’accord, ce qui est ta devise.

Je valide chacun des morceaux que je sors, ça c’est certain, même si je ne peux jamais être confiant à 100%. Dès le moment où ton album sort, il ne t’appartient plus vraiment. Tu t’en remets au public parce que tu ne peux jamais savoir comment il va le recevoir.

Tu considères être resté dans ta zone de confort ou t’as pris des risques ?

C’était naturel pour moi d’explorer de nouvelles choses, je suis donc totalement sorti de mes bases. Quand j’ai commencé, je voulais juste rapper, je rentrais dans un instru dès qu’il me plaisait. Je dirais qu’aujourd’hui, je participe bien plus à la partie musicale, je m’investis avec les beatmakers, je réfléchis en profondeur sur la musicalité et plus le temps passera, plus mon oreille sera entraînée.

Retrouvez cette interview et son shooting dans le MODZIK n°54, disponible sur notre e-shop.

S.Pri Noir
Masque Blanc
(AllPoints/Believe)