Avec son 4ème album HiRUDiN, Austra aka Katie Stelmanis reprend du poil de la bête et brise ses anciennes habitudes à commencer par de nouveaux collaborateurs et musiciens, une chorale d’enfants et, pour la première fois, deux co-producteurs en les personnes de Rodaidh McDonald et Joseph Shabason. Avec son précédent opus, elle pointait du doigt les structures de pouvoir externes qui façonnent notre société tandis que HiRUDiN est un projet nettement plus introspectif, une manière de faire le point et se recentrer dans une démarche à la créativité renouvelée. Une sacrée révolution totalement assumée pour notre artiste indie-pop queer.

Retrouvez Austra en live sur la scène de la Machine du Moulin Rouge le jeudi 26 novembre 2020.

 

Comment est survenu ce grand chamboulement ?
J’ai réalisé que je m’étais un peu trop confortée dans une situation où ma musique n’évoluait plus en liaison avec mon entourage créatif qui avait un effet quelque peu toxique sur ma vie et m’empêchait d’évoluer vraiment. Depuis 10 ans j’ai acquis un certain statut dans l’indie-pop entre albums et tournées mais j’avais le sentiment que ma carrière et ma vie tournaient en rond. J’ai pris la décision de me défaire de mes habitudes et de tenter de nouvelles collaborations, chose que je n’avais jamais vraiment fait avant ce disque. J’ai donc booké de nombreuses sessions avec beaucoup de musiciens avec lesquels je n’avais travaillé auparavant : c’était étourdissant.

Comment a débuté le disque ?
J’avais des démos sur lesquelles j’avais travaillé chez moi, ensuite j’ai booké un studio à Toronto pour les retravailler avec des musiciens : ils ont improvisé sur mes démos. Je voulais travailler avec des gens qui ne faisaient pas partie de mon cercle. La scène de Toronto est assez réduite donc je suis allé chercher des musiciens avec lesquels je n’avais jamais travaillé. Etrangement pour moi, cela s’est super bien passé à chaque session et j’étais ravie de la matière que nous avons créé. C’était beaucoup plus organique.

Travailler avec ces musiciens était nouveau mais la plus grande surprise c’est cette chorale d’enfants !
En fait j’entendais déjà ce choeur d’enfants quand le titre n’était encore qu’instrumental. Ma mère est enseignante à l’école publique de Wilkinson de Toronto et c’est grâce à elle que j’ai enregistrer cette chorale d’élèves. Ensuite j’ai convié Cecile Believe (artiste de Montréal) à nous rejoindre sur « Mountain baby ».

Même si cet album trouve sa cohérence dans ses multiples collaborations, tu as beaucoup travaillé toute seule, n’est-ce pas ?
J’ai pris le matériel que nous avions créé lors des sessions de Toronto et j’ai tout emporté avec moi dans un studio en Espagne, une sorte de résidence d’artiste au soleil, afin de trouver une unité à tout cela et terminer les morceaux. Je dois avouer que, même si c’était mon choix, au départ j’étais assez effrayée de collaborer avec de nouveaux musiciens inconnus. Mais je me suis rendu compte que cela a ouvert de nombreuses portes pour ma musique. Me confronter à eux en studio m’a fait apprendre beaucoup de choses nouvelles, alors que j’avais déjà 3 albums à mon actif. Mais faire tout le montage son et les ajustements seule est une étape que j’aime beaucoup. EN fait la fabrication de cet album était un sorte de balance entre collaborations mais je revenais chaque fois à ma musique en solitaire.

Ecrire sur ton univers intime s’est-il révélé facile ou difficile ?
Etrangement ce sont les titres les plus intimes qui ont été les plus faciles à écrire. Avec un peu de perspective je dirais que l’écriture et la fabrication de ce disque se sont révélé un véritable processus de guérison pour moi. L’exploration de nouveaux territoires musicaux s’est avérée une sorte de reconstruction personnelle.

Jusqu’à aujourd’hui tu as toujours produit tes albums seule et cette fois-ci encore tu t’es mise en danger en embarquant deux co-producteurs avec toi, Rodaih McDonald & Joseph Shabason !
Les deux sont très différents : j’ai travaillé avec Joseph Shabason basé à Toronto, spécialisé dans une sorte d’ambiant très texturée et je voulais ajouter cet univers sonore dans l’album afin d’ajouter une certaine profondeur. Son studio est rempli de synthés c’est assez impressionnant ! Quant à Rodaih McDonald – j’ai récemment déménagé à Los Angeles – il est ce genre de producteur qui s’assoit au fond du studio et te lance « Essayons ceci ou cela » sans pour autant le faire lui-même. Il est très bon pour donner un sens et harmoniser les titres lorsqu’on a beaucoup de matière sonore ce qui était mon cas. Sans son aide, j’aurais pu me perdre dans mes propres morceaux.

Ta voix semble être plus présente et vibrante que jamais alors qu’auparavant elle s’infusait un peu plus dans la musique ?
Je pense que c’est à la fois dû au coté intime du disque mais aussi aux choix de mixage et mastering de David Wrench et Heba Kadry, avec moi bien sûr. J’ai toujours un rapport assez bizarre avec ma voix sur mes albums : cela ne sonnait jamais vraiment comme lorsque je suis en live. J’enregistre toujours ma voix seule et cette fois je voulais qu’elle sonne de manière plus « brute ». Je me suis plus amusée avec ma voix sur cet album qu’auparavant.

« Anywayz » qui ouvre l’album est un titre particulier, n’est-ce pas ?
En fait c’est le dernier titre que j’ai écrit pour l’album et il s’est finalement retrouvé au début. C’est à la fois pop et terriblement dramatique. Mes précédents albums étaient construits comme une montée constante mais avec celui je voulait aussi casser ce type de construction en commençant différemment. « Anywayz » s’inscrit comme une sorte de déclaration sur ce qui va suivre dans l’album ensuite.

Tu n’as jamais caché ton orientation sexuelle dès tes débuts ce qui demandait une sacrée dose de courage mais les choses ont changé aujourd’hui.
Oui au départ peu d’artistes révélaient publiquement leur homosexualité mais dorénavant les artistes se référent beaucoup plus à l’univers queer, d’une manière ou d’une autre. Dans l’album je parle notamment d’insécurité dans ma vie en tant que lesbienne.

Austra album HiRuDiN (label Domino)