Révélé aux yeux du public en 2009 avec l’album “Good City For Dreamers” et son tube “Raid The Radio“, Hervé Salters aka. General Elektriks revient 5 ans après son dernier opus “Parkets Streets” avec “To Be A Stranger” sorti le 29 janvier. Installé à Berlin où il a enregistré l’album, Hervé était de retour à Paris pour assurer sa promotion avant d’enchaîner une tournée. Nous l’avons rencontré dans les locaux de Wagram Music, son label, où il s’est livré avec sympathie sur sa musique, ses cinq années d’arrêt, ses projets ou ses doutes. 

Est-ce que tu peux nous résumer la genèse du projet General Elektriks et ton parcours jusque là ?

Ça a commencé à la fin des années 90, mais je savais pas que ça allait devenir un projet, c’était juste pour me défouler à la base. Je suis claviériste et je jouais dans différents groupes sur Paris et notamment dans un groupe qui s’appelait Vercoquin. On avait signé un contrat avec une major (Universal) et ça s’était plutôt mal passé. Je suis sorti de ça avec l’envie de pouvoir me dégager financièrement de tout label, parce qu’il me semblait que l’indépendance artistique c’était l’indépendance financière. J’avais déjà tous mes claviers, j’ai acheté un ordinateur et un micro et j’ai commencé à bidouiller, et c’est ce qui est devenu le premier album de General Elektriks qui est sorti en 2003 (Cliquety Kliqk). A cet époque j’avais déménagé à San Francisco, l’idée du projet c’était de mettre tout les ingrédients que j’aime musicalement, aussi bien la pop old-school, que l’electro, le hip-hop, le funk, la soul, le jazz… de faire passer tout ça par mon filtre et espérer que ça donne quelque chose de digeste. Après cet album j’ai fais une première tournée et j’ai été ravi d’arrêter, à vrai dire je ne savais pas si j’allais continuer GE.

Tu avais aussi d’autres projets à ce moment là

Récemment il y en avait juste un autre qui s’appelait ‘Burning House’ qui est sorti il y a deux ans. Mais pour revenir à ce qui s’est passé avant, entre le 1er et le 2eme album j’ai fais pas mal de choses avec un groupe qui s’appelle Blackalicious, j’ai monté un autre projet qui s’appelait Honeycut, et après ça j’ai eu envie de refaire du General Elektriks. J’ai travaillé sur un disque qui s’appelle ‘Good City For Dreamers‘ sur lequel il y a « Raid The Radio » qui est le morceau que les gens connaissent le mieux. Derrière ça il y a eu une grosse tournée, puis un nouvel album « Parket Streets ». Et c’est après ça que j’ai déménagé à Berlin où j’habite maintenant et où j’ai enregistré mon dernier album « To Be A Stranger ».

Le titre de l’album m’intrigue assez, « To Be a Stranger », qu’est ce que tu as voulu dire par là ?

Tout simplement que je suis un étranger en fait. Depuis 1999 j’ai quitté la région parisienne où je suis né. Quand tu te déracines, ça s’accompagne de pas mal de sensations notamment de cet idée de ne plus appartenir nulle part, et d’appartenir partout à la fois. C’est un peu particulier, il y a une certaine liberté qui vient de là, il y a aussi une petite sensation de misfit. Et il y a aussi cette idée de décrire quelque chose de plus imagé niveau musical parce que j’ai un peu la sensation d’appartenir nulle part musicalement, je ne fais pas juste du rock ou juste de la funk ou juste de la hip-pop, je fais un peu tout ça à la fois. Je flotte entre différentes nations musicales.

Ton dernier album Parker Street date de 2011, quand est-ce que tu as commencé à travailler sur cet album et d’ailleurs t’as fais quoi pendant toute ces années ?

J’ai vécu ! (rires) C’est sorti en 2011 mais on a fait une grosse tournée pendant un an. J’ai déménagé à Berlin en 2012 et j’étais très fatigué, très heureux mais très fatigué. J’avais besoin de prendre du recul par rapport au projet donc j’ai volontairement levé le pied et j’ai arrêté d’être General Elektriks. J’ai continué à faire de la musique, notamment pour Burning House avec Chief Xcel  qui est le DJ/producteur de Blackalicious. J’ai fais une musique de série TV qui s’appelle « Paris », j’ai co-écris la musique d’un film qui s’appelle « Arrêtez-moi là »…

"To be a stranger", Hervé Salters, General Elektriks

C’est d’ailleurs quelque chose que tu voulais faire depuis longtemps il me semble

Absolument, c’est une de mes influences d’ailleurs. Tu peux retrouver dans ma musique certaines atmosphères qui sont assez cinématiques..
Et puis petit à petit l’envie de refaire du General Elektriks est revenue. C’est pour ça que ça a pris aussi longtemps, j’ai attendu que l’envie revienne. Je pense que quand tu n’as rien à dire, vaut mieux ne rien dire. Et là pour le coup j’ai pris mon temps. J’avais fais « Parket Streets » en 4 mois, là je voulais avoir le temps de pouvoir revenir sur les morceaux tranquillement, jeter des pistes, faire des expériences…

Tu vis à Berlin, est-ce que ça a influencé ta musique ? Tes précedents albums ont largement été influencés par San Francisco et la Californie, « Parket Streets » porte d’ailleurs le nom de la rue où tu habitais.

Peut-être pas de manière aussi directe. C’est à dire que quand j’étais à SF, tout le hip-hop que je faisais en parallèle a clairement eu un impact sur GE et l’élément hip-hop ne serait pas aussi fort si je m’étais pas acoquiné avec le collectif Quannum Projects dont fait partie Blackalicious, DJ Shadow etc… Berlin c’est moins le cas, la scène musicale y est surtout électronique, la techno minimaliste j’en écoute pas à la maison, en club je trouve ça super mais je ne pense pas avoir intégré ces éléments là dans ma musique. Par contre, clairement quoi que tu fasses, toutes les expériences que t’as en tant qu’artiste finisse par nourrir la muse. Le fait que Berlin soit une ville aussi radicale, ça a eu un impact, ça m’a poussé dans mes retranchements, ça m’a donné envie d’essayer de nouvelles choses et notamment au niveau de la programmation rythmique. Il y a peut-être un côté plus déconstruit et minimaliste.

En dehors de Berlin, de quoi tu t’es inspiré sur cet album ?

Plein de choses et rien à la fois. J’écris quand ça me viens. D’un point de vue clairement textuel, c’est les choses qui m’arrivent ou que je vois. Le thème de « To Be a Stranger », d’être un étranger, est quelque chose qui bizarrement colle pas mal à l’actualité avec les réfugiés et les mouvements migratoires, mais c’était pas du tout l’intention, c’est l’actualité qui a rattrapé le disque plutôt que l’inverse.
Au niveau musical l’inspiration est toujours la même que sur les autres disques, c’est à dire le truc qui me vient au moment où je rentre dans le studio. Ça peut être une idée de progression harmonique que j’ai eu sur le piano, une petite idée de mélodie, une idée de texte, une atmosphère sonore, quelque soit l’étincelle j’essaye de la saisir, de ne pas trop la contrôler et de créer un maximum d’accidents. Ca permet d’être surpris soi-même et si moi je me surprends ça risque de surprendre d’autres gens.

As-tu procédé différemment sur cet album ? Tu avais dis que ton premier album était un peu un défouloir, et c’est ce qui avait plu donc tu as continué sur les autres, est-ce que c’est le cas pour celui là ?

Oui complètement. La seule règle que je me suis donné avec ce projet, c’est de ne pas m’en donner justement, de faire exactement ce qui me vient quand ça me vient. Après ce serait un mensonge de dire que je ne pense pas du tout au fait que ça va être écouté par de gens et d’ailleurs c’est même un truc assez important, c’est un moyen de communication la musique en fait, moi je fais quelque chose, après ça sort, et c’est les gens qui finissent le disque en l’écoutant et en se faisant leur propre idée de ce que c’est, qui est tout aussi valable que la mienne. Moi je peux te dire ce que je pense avoir fait mais c’est tout aussi valable que ce que toi tu peux penser tu vois. Donc forcément cette dimension là tu l’as en tête quand tu es en train d’élaborer le disque. Mais j’essaye de chasser ces pensées au maximum et de faire le focus sur le moment présent et l’envie que j’ai à ce moment là.

"To be a stranger", Hervé Salters, General Elektriks

Tu disais que tu n’avais eu que 4 mois pour faire « Parker Street », pour celui là tu as eu largement plus de temps, qu’est ce ce que ça a changé ?

Quand tu fais tout tout seul – ce qui est mon cas hormis quelques trucs – c’est très difficile d’avoir du recul si tu ne te donnes pas un peu de temps. Tu lances des idées, t’essayes par exemple une première programmation rythmique sur un morceau, une première idée de basse, premier son de clavier etc. et puis tu commences à avoir le nez un peu trop dans le guidon, tu sais plus trop où t’en es.. Si tu as le temps ça permet de laisser le morceau de côté, tu travailles sur autre chose, et puis un ou deux mois plus tard tu reviens dessus. T’es plus exactement le même gars qui travaillait sur le morceau deux moins plus tôt, tu peux l’écouter avec une oreille neuve. Avoir du temps ça me rassure dans le sens où je peux me permettre de me lâcher totalement au début parce que je sais que je vais pouvoir corriger mes erreurs.

Le projet General Eletriks a véritablement décollé en 2009 avec « Good City For Dreamers » et tu as enchaîné très vite avec « Parker Street ». Tu reviens 5 ans plus tard, tu n’as pas eu peur que les gens t’oublient ?

Pas du tout, moi non mais le label m’en a parlé (rires). Je reviens encore une fois là-dessus mais le plus important c’est de penser en inspiration et pas en part de marché ou je ne sais quoi. Si tu n’as rien à raconter vaut mieux ne rien dire même si ça veut dire que certaines personnes risquent de t’oublier. Il y a peut être pas mal de gens qui ont perdu de vue General Elektriks et c’est à nous d’aller les rechercher en tournée.

Tu vas peut-être rencontrer un nouveau public également

Tout à fait. C’est à nous de rappeler qu’on est là.

Comment tu comptes l’adapter en live ? Je suppose que ce sera différent de l’album

Oui c’est différent ! Je ne pense pas du tout en terme de live quand je fais le disque donc je me permets des choses comme des cordes ou des cuivres qu’on aura pas sur scène. Mais je sais aussi qu’avec mon équipe on a toujours réussi à réarranger les morceaux et leurs donner un autre look pour la scène, mais ça reste quand même très organique, sans faire semblant de jouer le disque, on faisait autre chose tout simplement. Je ne pense pas aux versions du disque comme étant des versions arrêtées. Au contraire sur scène il faut admettre l’idée et même utiliser comme arme l’idée qu’aucunes des versions vont être exactement les mêmes, il faut savoir utiliser l’instant présent.

Qu’est ce que tu fais quand tu ne fais pas de musique ?

En gros je fais de la musique ! (rires) Non mais j’en écoute ou alors je passe surtout du temps avec ma femme et mes enfants.

Comme tu le sais peut-être, Modzik est un magazine qui parle de mode et musique, est-ce que la mode ça te parle ?

Oui. Alors je ne suis pas les tendances et je n’achète pas les magazines pour savoir ce qui se fait, mais je suis très conscient de ce que je mets et de ce que mettent les autres. L’apparence c’est une forme de communication aussi.

C’est important pour toi de faire attention à ton image ? Que ce soit par ta façon de t’habiller, mais aussi par les visuels, les clips etc.

Complètement ! Pour moi ça fait autant partie du projet en fait. Bien entendu la musique est centrale mais la manière dont tu l’englobes avec tout ces satellites qui gravitent autour est tout aussi importante.

C’est quoi la suite pour toi ?

Le principal projet c’est de tourner derrière l’album et partager ces morceaux avec le public. Et ensuite enchaîner assez rapidement avec un nouvel album.

Tu as déjà envie d’un nouvel opus ?

Ça a été un peu douloureux de relancer le processus parce que j’étais totalement sorti du truc. Là je suis à un endroit dans ma tête où je me sens bien et j’ai de nouvelles idées de morceaux donc je continue. Et plutôt que d’enchaîner avec une collaboration, ce que je faisais par le passé : GE – collab’ – GE – collab’, parce que j’aimais bien la manière dont les deux se nourrissaient, là j’ai plutôt envie d’enchaîner sur un GE.

Combien de temps tu comptes encore continuer ce projet ?

Je ne sais pas, tant que l’envie est là ! Tant que l’eau coule quand j’ouvre le robinet je continuerais. Le jour où ce sera à sec j’arrêterais.

Un message aux lecteurs de Modzik ?

Simplement que c’est un disque qui a été fait de manière très honnête, avec beaucoup d’amour et que maintenant il vous appartient. Si vous avez envie de l’écouter allez y !

"To be a stranger", Hervé Salters, General Elektriks

General Elektriks
To Be A Stranger
Wagram

Crédit Photo : (c) Tim Deussen